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Transition: les réformes prioritaires du secteur minier

Jean Alphonse Somé pourra-t-il surmonter les réticences des sociétés minières pour implémenter les réformes dans le secteur ?

Jean Alphonse Somé est le nouveau ministre des Mines et des Carrières. Il a été installé le 8 mars 2022. La création d’un ministère plein en charge des mines est une grande innovation de la Transition. Le ministère revient à un ancien de la maison. En effet, Jean Alphonse Somé est un ingénieur géologue qui cumule au moins une trentaine d’années d’expérience dans la cartographie géologique et la prospection minière. Il a occupé plusieurs postes dans l’administration publique burkinabè, dont Directeur général du Bureau des mines et de la géologie du Burkina (BUMIGEB). Retraité de la fonction publique, il a rejoint le secteur privé.
Juste avant sa nomination, le nouveau ministre des Mines du Burkina Faso a dirigé le projet Sud Sandiara au Sénégal, à travers la Compagnie industrielle et minière du Sénégal (CIMSEN), une Société à responsabilité limitée avec un capital social de 2 millions FCFA. CIMSEN a signé une convention minière avec le gouvernement sénégalais le 7 décembre 2018, pour l’exploitation du calcaire de Sandiara, dans la région de Thiès. Ces informations fournies par l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives du Sénégal indiquent que la convention minière a été signée, d’une part, par Aissatou Sophie Gladima, ministre sénégalaise des Mines et de la Géologie, et d’autre part, par Inoussa Kanazoé, gérant de CIMSEN basée à Dakar. Inoussa Kanazoé a désigné Abdoul Rahim Kanazoé comme Directeur général de CIMSEN. CIMSEN s’est engagée à investir 650.000 dollars US, soient environ 360 millions FCFA. Jean Alphonse Somé travaille depuis mai 2019 à CIMSEN comme chef de projet Sud Sandiara.
C’est un homme pétri d’expériences qui occupe le portefeuille des Mines et des Carrières dans ce nouveau gouvernement de la Transition. Il a la lourde tâche de parachever les réformes entamées depuis l’adoption du Code minier de 2015. L’agenda de la Transition a dégagé des actions prioritaires à mettre en œuvre le plus rapidement possible.
Il s’agit de la révision à la hausse du taux des royalties plafonné à 5% si le cours de l’or dépasse les 1.500 dollars l’once. Actuellement, le cours de l’or a atteint 2.000 dollars l’once, mais le Burkina n’en profite pas. Il s’agit d’adapter les taux au cours actuel de l’or afin que l’exploitation du sous-sol puisse profiter de cette hausse du cours de l’or. Selon nos estimations, une hausse de 2% peut engendrer au moins 40 milliards FCFA supplémentaires. Les recettes issues de cette hausse peuvent servir à atténuer la hausse annoncée des cours de l’essence et du gaz ainsi que des denrées alimentaires.
Le premier acte du nouveau ministre pourrait être la révision du décret portant fixation des taxes et redevances minières afin d’adapter le taux des royalties au contexte international. Un projet de décret a été préparé depuis 2020, mais il n’a jamais été introduit en Conseil des ministres.
Cette révision constitue une opportunié pour inclure les taxes sur les différentes transactions, les modifications, les cessions, les extensions des sociétés minières opérant au Burkina Faso.
Le second acte à prendre est la signature du décret sur l’emploi des nationaux dans les mines. Le projet de décret préparé n’a jamais fait l’objet d’adoption par le Conseil des ministres afin de faciliter sa signature.
La transparence dans l’octroi des titres et autorisations minières n’est pas au rendez-vous, malgré l’informatisation et la mise en ligne du cadastre minier. Plusieurs demandes de titres miniers et autorisations sont en souffrance au cadastre minier. Il y a une urgence à mettre de l’ordre dans les titres et autorisations en finalisant au plus vite la modernisation du cadastre minier pour une gestion transparente. L’aboutissement de ce processus va faciliter le suivi et la perception des différents taxes et impôts.
L’application stricte du décret sur les achats locaux et la lutte contre l’évasion fiscale dans le secteur sont des priorités à mettre en œuvre en collaboration avec les autres départements ministériels concernés. La création de l’Agence burkinabè des audits miniers basée au Premier ministère est à envisager pour lutter contre la corruption, le faux dans le secteur.
Au titre des textes à relire figure le décret portant sur la gestion des titres miniers et autorisations, parce que l’actuel décret comporte des insuffisances. Les réformes du secteur doivent s’étendre à l’encadrement de l’exploitation artisanale et la répression de la fraude. Pour ce faire, le recadrage des attributions de l’Agence nationale d’encadrement des exploitations minières artisanales et semi-mécanisées (ANEEMAS) qui sont essentiellement l’encadrement, et pour tenir compte du contexte sécuritaire et la redynamisation de la Brigade nationale anti-fraude (BNAF) de l’or en mettant en place une stratégie nationale claire de lutte contre la contrebande et la fraude de l’or, sont à mettre en œuvre.
Pour un meilleur suivi-contrôle des activités minières, il y a lieu d’équiper et de financer l’administration minière pour les missions de terrain. Un meilleur suivi-contrôle de ce secteur va améliorer la gouvernance du secteur et mieux capter ses retombées.
Elie KABORE

 

Encadré

Autres réformes du secteur minier

Procéder immédiatement au retrait des permis d’exploitation des entreprises minières en exploitation présentant des résultats comptables déficitaires depuis une année au moins (Direction générale des Impôts) ;
Perception des taxes et impôts en lien avec l’étude de faisabilité sur les trois dernières années (Direction générale des Impôts) ;
Fixer un délai minimum de 06 mois pour toutes les entreprises minières en retard de paiement des dividendes prioritaires ou qui font une interprétation erronée de la disposition sur les dividendes prioritaires (Trésor public) ;
Affecter les paiements forcés à l’équipement des Forces armées nationales pour une année (ministère des Finances) ;
Définir un profil clair, objectif, basé sur les compétences nécessaires pour lire une comptabilité privée et complexe des entreprises minières, sur la connaissance du secteur minier pour la nomination des administrateurs représentant l’Etat au sein des entreprises minières ;
Vider le dossier charbon fin afin de rétablir la confiance avec la population ;
Dépolitiser l’administration des Mines en nommant aux postes de responsabilités des techniciens et des compétences en lieu et place des politiciens et en luttant contre le conflit d’intérêt.

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