Le 24 janvier 2022, le Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR) renverse le Président Roch Marc Christian Kaboré. C’est désormais le président du Mouvement, le Lieutenant-Colonel Paul Henri Sandaogo Damiba, qui est le nouvel homme fort du pays. La Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a tout de suite sanctionné le putsch, en suspendant le pays de ses instances. A l’issue du Sommet du 3 février 2022 sur la situation du Burkina, l’institution décide de ne pas imposer de nouvelles sanctions au pays des Hommes intègres. Elle s’en tient, pour le moment, à la suspension du pays dans toutes ses instances. Mais la menace des sanctions de l’institution sous-régionale plane toujours sur le Burkina, si l’évolution de la situation ne répondait pas aux exigences de la CEDEAO. En cas de sanction, sans le souhaiter, le Burkina pourrait-il tenir ? Quelles en seraient les conséquences pour l’économie du pays ? Les acteurs économiques du pays ont-ils des alternatives pour pallier ces conséquences ? Pour tenter de répondre à ces préoccupations, L’Economiste du Faso a fait un micro-trottoir.
Pour les transporteurs, le pays risque l’asphyxie
Tous les Burkinabé souhaitent que le pays ne soit pas sanctionné. Cela ne ferait qu’empirer la situation du Burkina qui est doublement éprouvé par la crise sécuritaire et la crise sanitaire.
Selon le président du Syndicat national des transporteurs routiers de voyageurs du Burkina (SNTRVB), Bonaventure Kéré, le pays risquerait l’asphyxie en cas de sanction de la CEDEAO. « Le Burkina est un pays de l’hinterland. Il s’approvisionne à partir des pays portuaires. Avec la sanction, en plus de la Côte d’Ivoire qui a déjà fermé ses frontières avec le pays à cause de la Covid-19, les autres pays côtiers de l’institution (Togo, Ghana…) en feraient autant. Donc on n’aura pas de porte de sortie pour nos marchandises, surtout les denrées alimentaires. Ce serait un choc pour les populations. Espérons que la CEDEAO n’en arrive pas là », s’est-il inquiété. « En cas de sanction, nous n’avons pas de solution en tant que telle. On pourrait passer par le Mali pour s’approvisionner au Sénégal ou en Guinée Conakry. Le mieux serait d’éviter la sanction en proposant vite un calendrier de retour à l’ordre constitutionnel ».
Au niveau de l’informel, on craint l’inflation des prix
Le président du Conseil national de l’économie informelle du Burkina Faso (CNEI-BF), Moussa Rabo, embouche la même trompette pour la non-sanction du Burkina qui traverse déjà une situation difficile qui impacte négativement son économie. « Cette situation est venue s’ajouter à un mal qu’on tentait de résoudre.
Il s’agit de la règlementation du commerce. Dans une telle situation, si la CEDEAO décide de sanctionner le pays, c’est tout le peuple qui en subira les conséquences. Après le coup d’Etat, nous avons fait une réunion avec tous les responsables régionaux et provinciaux pour dégager des mesures à prendre afin d’anticiper des probables sanctions sur le Burkina. Il s’agit de la baisse du taux douanier des denrées alimentaires pour éviter l’inflation des prix. Nous avons aussi identifié des solutions pour continuer à ravitailler le pays. »
Un impact considérable sur l’économie du pays pour les Douaniers et transitaires. Pour le Secrétaire général de l’Association professionnelle des transitaires et commissionnaires en douane agréés du Burkina Faso (APTCDA-BF), Boubakar Zouré, la sanction pourrait avoir un impact considérable sur l’économie du pays. « Je pense que le Burkina n’est pas encore dans le viseur des sanctions de la CEDEAO.
Le régime travaille pour un retour dans les normes. Mais, s’il y a sanction, on pourrait s’attendre à la flambée des prix des produits. Le secteur minier et les recettes douanières pourraient prendre un coup. Cela aurait un impact considérable sur l’économie du pays.
C’est pourquoi, je n’ose pas imaginer que la CEDEAO va arriver à cela. Si ça devait arriver, l’alternative serait de rediriger les importations vers d’autres corridors comme l’axe Guinée Conakry-Mali-Burkina, l’axe Mauritanie-Mali-Burkina ou la voie aérienne. Etant des intermédiaires, nous ne pouvons pas anticiper les sanctions de la CEDEAO. C’est le gouvernement qui dirige. C’est l’Etat qui décide des procédures d’importation. Donc, en tant qu’acteur, nous ne pouvons rien créer.
L’Etat mettra certainement des actions en place que nous allons suivre. Mais, nous sommes membre de la Fédération de l’Union des commissionnaires en douane agréés de la CEDEAO (FUCAD). Nous avons une plateforme sur laquelle nous échangeons. Si le Burkina est sanctionné, nous allons, en tant que Fédération, voir ce qu’on peut mettre en place comme idée pour aider le Burkina dans le respect des textes. »
Issouf TAPSOBA (Collaborateur)
Encadré
L’importance des échanges commerciaux du Burkina dans la CEDEAO
Le Burkina Faso fait beaucoup d’importations avec les pays de la CEDEAO. Plusieurs pays de l’institution sont dans le top 10 des partenaires fournisseurs du pays. Il s’agit, notamment, de la Côte d’Ivoire, du Ghana, du Niger, du Togo et du Bénin. Au premier trimestre 2021, la valeur des importations du Burkina de ces pays était : Côte d’Ivoire (48,6 milliards FCFA), Ghana (37,4 milliards FCFA), Niger (22,2 milliards FCFA), Togo (16,6 milliards FCFA) et le Bénin (2 milliards FCFA).
Source : INSD, Note trimestrielle sur les statistiques du commerce extérieur, mai 2021.