La finalité des dépenses fiscales vise à attirer le maximum d’investisseurs, telle est l’option privilégiée par le gouvernement burkinabè. Un choix que n’approuve pas le Centre d’études et de recherches appliquées en finances publiques (CERA-FP) et cela, pour deux raisons principales. Primo : l’Etat accorde beaucoup d’incitations fiscales.
Exemple : en 2020, 795 mesures fiscales dérogatoires ont été inventoriées, mais seulement 709 mesures ont été évaluées. Secundo : les exonérations fiscales sont trop coûteuses pour le pays, soient 110,28 milliards FCFA de dépenses fiscales accordées aux entreprises, ménages et administrations publiques. Selon les chiffres disponibles du CERA-FP, de 2016 à 2020, le montant estimé des dérogations fiscales est de 435,01 milliards FCFA. Ces sommes constituent un énorme manque à gagner pour les régies de recettes. Mieux, les 435,01 milliards FCFA pouvaient être réinvestis dans la construction d’écoles, de dispensaires, d’infrastructures routières…ou être subventionnés dans le panier de la ménagère. Le 28 décembre 2021, le CERA-FP est revenu à la charge en dénonçant ce qu’il qualifie d’injustice fiscale.
L’Etat accorde plus d’exonérations aux entreprises
Selon le Directeur exécutif du CERA-FP, Hermann Doanio, en 2020, les principaux bénéficiaires ont été les entreprises (71,3 %), suivies des ménages (13,9 %) et des administrations publiques (8,1 %). Ces 3 groupes de bénéficiaires ont absorbé plus de 93,3 % des dépenses fiscales, soit un montant de 102,86 milliards FCFA. Il ressort donc que les entreprises profitent plus des dépenses fiscales que les autres composantes. Au regard de ce constat, le CERA-FP évoque la nécessité d’une justice fiscale équitable, voire « humaine ». Et pour cause, Hermann Doanio souligne que les ménages bénéficient moins de dépenses fiscales, pendant ce temps, le panier de la ménagère se rétrécit. A l’inverse, les entreprises qui font des « gros » bénéfices sur le dos des ménages, à l’image des entreprises minières, les télécommunications, les cimenteries… se voient accorder des gros allègements fiscaux. Pour confirmer cette injustice fiscale, le document révèle que sur la période de 2016 à 2020, les dépenses fiscales sont constituées en moyenne chaque année de 62,15% de mesures pour encourager l’investissement, de 17,15 % pour renforcer la coopération internationale, de 8,43% pour promouvoir l’énergie solaire et de 5,36% pour soutenir le pouvoir d’achat.
Une prédominance des droits de douane
L’analyse des données par types d’impôts montre que sur la période de 2016 à 2020, les dépenses fiscales sont constituées majoritairement des droits de douane (DD) avec une prépondérance moyenne sur la période de 32,83%, soit un montant moyen de 28,56 milliards FCFA. Ils sont suivis de la TVA (TVA intérieur et TVA à l’importation) avec une proportion de 28,29% représentant un impact budgétaire de 24,61 milliards FCFA et de l’impôt sur les sociétés avec un poids moyen sur la période de 26,82% correspondant en valeur absolue à un montant de 23,33 milliards FCFA. Pour l’année 2020, les dépenses fiscales les plus importantes ont concerné l’IS (36,4%), les DD (28,2%) et la TVA (24,3%). Sur la période, trois impôts prédominent les dépenses fiscales. Il s’agit des DD, de l’IS et de la TVA. Comme forte recommandation, le CERA-FP exhorte l’Etat burkinabè à évaluer constamment l’impact des dépenses fiscales accordées afin de s’assurer de leur pertinence.
Synthèse de Ambéternifa Crépin SOMDA
Encadré
Manque à gagner
La même étude révèle que les pertes de recettes fiscales estimées dans le cadre de la réponse économique à la crise sanitaire sont évaluées autour de 214,466 milliards FCFA. Ce chiffre, comparé au montant total des dépenses fiscales évaluées en 2020 qui est de 110,28 milliards FCFA, montre qu’une partie considérable des dépenses fiscales reste non évaluée et donne une idée de l’ampleur du manque à gagner.
Encadré 2
Les mesures évaluées en 2020 ont concerné 11 impôts, à savoir :
– l’Impôt sur les bénéfices industriels, commerciaux et agricoles (IBICA) ;
– l’Impôt sur les bénéfices des professions non commerciales (IBNC) ;
– l’Impôt sur les sociétés (IS) ;
– l’Impôt sur les revenus des capitaux mobiliers (IRCM) ;
– l’Impôt sur les revenus fonciers (IRF) ;
– la Taxe patronale et d’apprentissage (TPA) ;
– la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ;
– la Taxe sur les produits pétroliers (TPP) ;
– la Taxe sur les véhicules de tourisme (TVT) ;
– les Droits d’enregistrement et de timbre (DET) ;
– les Droits de douanes (DD).