Les entreprises relevant de l’économie informelle sont encouragées à transiter vers le formel. La fiscalité souvent évoquée comme un facteur défavorable n’est pourtant pas un frein à la formalisation. Ce constat a été fait par Dr Blanchard Auguste Yaméogo, inspecteur des Impôts, au colloque sur l’économie informelle organisé par le ministère en charge de la jeunesse en début novembre 2021. Pour lui, des solutions non fiscales peuvent contribuer à la formalisation des entreprises.
La non-formalisation d’une entreprise peut être vue sous l’angle de l’absence d’immatriculation, d’une part, et de l’autre, sous l’angle d’une situation statique d’économie informelle.
S’enregistrer auprès de l’administration fiscale
Sous l’angle de l’absence d’immatriculation, un principe du droit fiscal veut que la contribution demandée soit adaptée à la capacité contributive des contribuables. Au Burkina Faso, plusieurs réformes entreprises visent la simplification de la fiscalité applicable aux entreprises. Ces réformes ont introduit des avantages qui incitent les entreprises de ce secteur à s’enregistrer auprès de l’administration fiscale.
Au titre de ces avantages, la tenue d’une comptabilité allégée, le non-paiement d’une pluralité d’impôts, contrairement aux entreprises formelles, la simplification du mode de calcul de l’impôt, etc.
A la faveur de cette réforme, les entreprises relevant de la Contribution des microentreprises (CME) ont été réparties en deux sous-régimes, dont la CME-régime déclaratif (chiffre d’affaires annuel compris entre 5 et 15 millions FCFA) et la CME-régime forfaitaire concerne les personnes physiques dont le chiffre d’affaires annuel est inférieur à 5 millions FCFA.
Au regard de tous ces avantages, Dr Yaméogo estime que « la fiscalité ne peut être perçue comme constituant une entrave à la formalisation des entreprises, entendue au sens d’enregistrement auprès des entités administratives ».
La fiscalité ne peut pas non plus être perçue comme constituant une entrave à la formalisation des emplois, dans la mesure où les salaires servis par les employeurs du secteur informel sont compris, dans la plupart des cas, dans la fourchette exonérée de l’Impôt unique sur les traitements et salaires (IUTS) (soit une base imposable comprise entre 0 à 30.000 FCFA).
La non-formalisation d’une entreprise peut être vue sous l’angle d’une situation statique d’économie informelle. En effet, l’obligation de tenue d’une comptabilité normale, l’obligation de facturation de la TVA dans certains cas, l’obligation de payer plusieurs impôts selon la forme juridique et la nature commerciale ou non de l’activité, etc. sont des rigueurs qui peuvent amener les microentreprises à chercher à demeurer dans le régime de la CME, en vue de conserver les avantages dudit régime. Selon certaines études, l’État perd plus de 1,5 milliard FCFA par an de recettes fiscales liées aux cas de défaut de dénonciation de la caducité du régime de la CME de 2.000 microentreprises.
Il se pose donc la question de savoir comment favoriser par des mesures fiscales incitatives une bonne transition des entreprises de la CME vers les régimes supérieurs ?
Exploiter les opportunités de formalisation des entreprises
Les entreprises du secteur informel doivent exploiter les opportunités qu’offrent les mesures incitatives à la formalisation des entreprises.
Dans ce sens, le Code des investissements prévoit des avantages pour les entreprises. L’entreprise désirant bénéficier d’un régime privilégié doit déposer auprès du ministère chargé de l’industrie, un dossier de demande d’agrément dont les éléments constitutifs sont fixés par décret. Afin d’encourager et de soutenir le développement des petites et moyennes entreprises ou industries, quelques mesures d’incitation fiscale ont été prévues dans le Code général des impôts. Il s’agit, notamment, des avantages accordés aux adhérents des centres de gestion agréés en matière de taxes patronales, de la contribution des patentes et du minimum forfaitaire de perception. En matière de patente, l’entreprise éligible bénéficie de l’exonération de la contribution des patentes au titre des deux premières années d’exploitation. Malgré l’éventail de mesures incitatives à la formalisation des entreprises ci-dessus examinées, celles-ci s’avèrent insuffisantes. Il convient donc de proposer d’autres mesures de faveur qui permettront de compléter le dispositif actuel.
Elie KABORE
Encadré
Les solutions non fiscales à la formalisation des entreprises
Il convient de ne pas trop instrumentaliser la fiscalité lorsqu’il existe d’autres solutions non fiscales. En effet, la fiscalité n’est pas responsable de toutes les entraves à la formalisation des entreprises.
Certaines entraves peuvent être recherchées sur le plan juridique, économique ou social, tels l’exigence d’un seuil minimal de capital pour la constitution de certaines sociétés, le coût de constitution des sociétés en cas d’apports comportant des biens immeubles, l’insuffisance de fonds pour créer une entreprise sociétaire, l’environnement économique et social difficile marqué par la pauvreté d’une frange de la population et la rareté des ressources économiques, l’analphabétisme et les difficultés d’accès à certaines professions règlementées, l’aménagement de mesures de faveur au profit des entreprises en difficulté, la poursuite de la réflexion sur l’imposition des secteurs défiscalisés comme l’agriculture, dans le but d’élargir l’assiette de l’impôt.