C’est à Bobo-Dioulasso que nous avons rencontré Ousseini Ouédraogo, Secrétaire permanent de l’Association burkinabè pour le mangement de la qualité (ABMAQ). Il était alors avec ses équipes en pleine formation des acteurs de la grappe huilerie de la ville de Houet, dans le cadre du programme PACAO. L’objectif était d’outiller les responsables des unités de transformation de la graine en management et en gestion de la qualité. Il revient dans cet entretien sur la problématique de la qualité dans l’entreprise et dans l’économie du Burkina Faso.
L’Economiste du Faso : Comment définirez-vous la qualité
Ousseini Ouédraogo (SP/ABMAQ) : Pour nous, la meilleure définition de la qualité est celle qui consiste à en faire une culture. Une culture qui va se traduire sur le terrain par des activités, des procédures visant à satisfaire le client et au-delà du client, les parties intéressées à travers la création de richesse. Aujourd’hui, quand vous regardez l’ambition du gouvernement et la réalité actuelle de nos entreprises, on voit qu’il y a un gap.
Comment est-il ce gap ?
Nous avons eu la chance de vivre ce gap sur le terrain. Au regard du rôle que nous jouons, nous connaissons les entreprises au niveau national. Le problème de qualité est un problème qui est vraiment simple. Les enjeux diffèrent selon la typologie de l’entreprise, que ce soit une petite ou moyenne entreprise. Vous pouvez constater que les grandes entreprises sont mieux organisées, elles arrivent à exporter, car leurs marchés sont à l’étranger, notamment, en Europe. Elles n’ont pas le choix que faire de la qualité. Elles s’y adaptent. Mais, quand on prend le gros tissu restant (tissu local industriel et des services), les gens n’ont pas les ressources nécessaires pour faire de la qualité. Ce qui nous fait penser qu’à ce niveau, le gouvernement doit davantage accompagner les efforts de développement de ces entreprises en mettant l’accent sur la démarche qualité. Il faut également travailler à ce que les acteurs en amont (les organisations faîtières) mettent en place avec le ministère du Commerce, un ensemble de règlementations minimales contraignant les entreprises à adopter la démarche qualité. Certes, il existe déjà des dispositions, notamment, des autorisations de mise en consommation. Mais cela reste insuffisant. Car, ne permettant pas de garantir la qualité des produits.
Vous avez parlé de stratégie en amont. La première des contraintes n’est-elle pas au niveau des cahiers des charges qu’il faut travailler ?
Nous sommes dans un environnement où le consommateur n’est pas forcément exigeant quant à la qualité des produits. Les unités de production auront donc tendance à ne pas faire des produits de qualité. Il appartient à l’Etat de mettre en place des règlementations, adoptées de manière consensuelle avec les organisations faîtières concernées. Il faut également assurer un suivi régulier et prévoir des sanctions pour les contrevenants. Je pense que ces dispositions pourraient apporter un coup d’accélérateur à cette question de qualité.
Vous avez en ligne de mire les huileries. Quel est l’état des lieux et quels sont les renforcements que vous voulez leur servir ?
L’état des lieux dans le domaine des huileries est critique. Au regard des perspectives de développement du secteur, même si c’est un secteur qui connait des difficultés d’approvisionnement en matière première, on se rend compte qu’il y a des défis énormes à relever par ces entreprises. Beaucoup n’ont pas compris, ils pensent que la qualité, c’est véritablement augmenter le coût des produits et biens mis sur le marché.
A travers un appui à l’endroit de ces huileries, nous avons essayé de démontrer qu’il existe des gaspillages dans ces entreprises et des choses qui ne fonctionnent pas. En réglant cette situation, ces entreprises seront capables de diminuer le coût de production, d’améliorer les marges et le coût de vente du produit. En termes d’organisation de ces huileries, il y a aussi des enjeux à prendre en compte. Beaucoup sont des PME qui ne sont pas totalement formalisées ou il n’existe pas de véritable système permettant de garantir la qualité des produits.
C’est d’ailleurs pour cela que l’Union européenne, à travers le PACAO et la Chambre de commerce, a voulu renforcer la capacité de ces huileries. L’Union européenne a bien voulu insister sur le volet démarche qualité pour s’assurer que tout ce qui va être fait en termes d’accompagnement pourra être pérennisé. Nous avons donc travaillé à former les dirigeants de ces entreprises pour qu’elles soient dans une logique d’amélioration continue et une logique de conformité, à travers l’amélioration de l’environnement de travail et chassant le gaspillage. Au-delà de ces aspects, nous avons travaillé à mettre en place un minimum en termes de système qualité, à travers des documents qui leur permettront de maîtriser l’ensemble des sept processus que nous avons identifiés, dont un processus de direction, trois processus de réalisation. Donc, ce système permettra de contrôler et de maîtriser la qualité dans les huileries s’il est effectivement mis en œuvre dans les entreprises. o
Propos recueillis par AT
Encadré
Comment amener les consommateurs à être exigeants sur la qualité des produits qu’on leur propose ?
«A ce niveau, c’est vraiment le goulot d’étranglement. La plupart des consommateurs burkinabè ne sont pas exigeants, si bien que les entreprises ne se sentent pas obligées de faire de la qualité. Il faut justement des actions de sensibilisation, d’éducation, d’éveil, de formation à l’intention de ces consommateurs pour attirer leur attention sur les enjeux que représentent les produits et les services, que ce soient les produits agroalimentaires ou industriels pour leur propre santé, et qu’il est impératif d’adopter une culture qualité en eux pour contraindre les entreprises à faire de la qualité ; parce que sans les efforts des uns et des autres, notamment, le gouvernement et des consommateurs, on ne pourra pas véritablement développer la qualité au niveau national. Malheureusement, comme vous le savez, cette qualité aussi est liée au niveau de vie des populations. Nous pensons que ça va venir progressivement, il y a des efforts qui sont faits par des acteurs comme la Ligue des consommateurs, mais ça ne va pas suffire. Il faut véritablement des programmes d’éducation, de renforcement de capacités. C’est ce que l’ABMAQ s’évertue à faire à travers les Journées nationales de la qualité et d’autres cadres où on fait de la sensibilisation à l’endroit des populations », Ousseini Ouédraogo (SP/ABMAQ)