En 2020, le secteur minier a rapporté au budget de l’Etat, 322 milliards FCFA en termes d’impôts et de taxes. « Mais on oublie de dire que 155 milliards FCFA ont été retournés aux miniers en termes de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) », selon Bachir Ismaël Ouédraogo, ministre de l’Energie, des Mines et des Carrières, sur Wat FM, le 18 octobre 2021. Convaincus que le Burkina Faso ne va pas s’enrichir uniquement sur les taxes et les impôts, le ministre, économiste de formation, entend miser sur la commande locale des biens et services. Son ambition est de créer des champions locaux.
« La ressource nous appartient, les lois nous appartiennent. A nous de nous organiser », a-t-il déclaré. Une des actions qui rentrent dans le cadre de la promotion de champions nationaux est l’adoption en Conseil des ministres du 22 septembre 2021, du décret portant fixation des conditions de la fourniture locale dans le secteur minier.
Un décret qui vise à contraindre les miniers à promouvoir la fourniture locale des biens et services miniers, faciliter le transfert des compétences et de technologies au profit des nationaux, permettre aux nationaux de profiter au mieux des opportunités qu’offre le secteur minier, de faire du secteur minier un levier de développement socioéconomique durable au Burkina Faso. Bien avant ce décret, des initiatives ont été mises en œuvre par divers groupes dans le sens de promouvoir la fourniture locale des biens et services miniers. Sur le plan juridique, le Code minier accorde aux sociétés minières, ainsi que leurs sous-traitants, la préférence aux entreprises burkinabè pour tout contrat de prestations de services ou de fournitures de biens à des conditions équivalentes de prix, de qualité et de délais. Sur la base de cette disposition, la stratégie des mines et des carrières pour la période 2017-2026 a été adoptée par le ministère des Mines et des Carrières en mai 2018. La stratégie vise, entre autres, à augmenter la part des industries extractives dans le Produit intérieur brut (PIB) de 7,9% en 2015 à 12% à l’horizon 2026, à faire passer les achats locaux dans la consommation des industries extractives de 14% en 2015 à 30% en 2026 et à faire passer le nombre d’emplois directs créés par le secteur de 10.000 en 2015 à 20.000 en 2026.
Cet état des lieux du cadre juridique des achats locaux favorable à promouvoir les achats locaux est un tremplin pour le ministre Bachir Ismaël Ouédraogo, qui veut créer des champions nationaux.
Bachir Ismaël Ouédraogo peut s’appuyer sur l’existant.
En février 2021, un permis d’exploitation d’une mine d’or a été octroyé à SALMA MINING SA, une entreprise à 100% burkinabè, parce que l’ensemble des actions appartient à des Burkinabè et le financement provient du Burkina Faso. Le permis couvre sur une superficie de 4,78 km2. La production moyenne annuelle d’or est estimée à 392 kg, soit une production totale de 1,57 tonne d’or sur 4 ans.
La banque Coris Bank International finance actuellement le développement de la mine Orezone avec une contribution de 52,5 milliards FCFA. Avec la menace terroriste, les investisseurs étrangers hésitent à investir au Burkina Faso. Une opportunité pour les banques nationales.
Ces bonnes pratiques constituent un socle sur lequel le Burkina Faso peut créer ses champions nationaux. Il peut également s’appuyer sur les bonnes pratiques développées par certaines sociétés minières en exploitation, qui n’ont pas attendu les mesures gouvernementales pour créer leurs champions (voir encadré)
Elie KABORE
Encadré
Les bonnes pratiques de Iamgold Essakane SA et Endeavour Mining
La société Iamgold Essakane SA s’est dotée d’une stratégie d’achats locaux. Elle dispose de plus de 500 fournisseurs locaux, dont 8 structures dirigées par des femmes. En 2018, la somme de 138,690 milliards FCFA a été investie dans les achats au niveau national, représentant 37% de l’ensemble des achats de l’entreprise dans l’année. Dans cette somme, 4,347 milliards FCFA des achats ont été réalisés auprès des entreprises implantées dans la région du Sahel, zone qui abrite la mine. En 2019, elle a dépensé 141,240 milliards FCFA au niveau national, soit 39% de ses achats. 5,580 l’ont été auprès des entreprises de la région du Sahel. Les achats auprès des entreprises nationales ont doublé en 10 dix ans, passant de 50 milliards FCFA en 2011 à plus de 137,6 milliards FCFA en 2019 par an. Sur cette période, le chiffre d’affaires réalisé avec les entreprises de la région du Sahel, région d’implantation de la mine, est de 22 milliards FCFA.
Endeavour Mining, qui exploite six (6) projets miniers au Burkina Faso, a acheté pour 114,866 milliards FCFA auprès d’entreprises installées et payant les taxes au Burkina Faso, soit 76% du total des achats. En 2019, l’une de ses mines, à savoir Houndé Gold, a dépensé 87,410 milliards FCFA auprès des fournisseurs locaux, ce qui représente 84% des achats de la mine. Waghion Gold de la société Endeavour Mining a effectué 68,036 milliards FCFA d’achats en 2019, dont 41,3 milliards FCFA auprès des entreprises nationales (2,6%) et 1,186 milliards FCFA (1,74%) avec des entreprises de la région des Cascades, région d’implantation de la mine.