Le Burkina Faso a été signataire de cet accord depuis mars 2018 à Kigali (Rwanda). Le pays a fait sa ratification en mai 2019. Le 7 juillet 2019, lors d’une rencontre des chefs d’Etat de l’Union africaine (UA) à Niamey (Niger), l’accord de la ZLECAF a été officiellement lancé. Mais c’est le 1er janvier 2021 que les échanges commerciaux ont démarré entre les Etats parties prenantes de la ZLECAF. La rencontre nationale Etat/ secteur privé, qui se tient les 1er et 2 octobre à Bobo-Dioulasso, aura comme thème « La ZLECAF : défis et opportunités pour la transformation structurelle de l’économie ». A la veille de cet évènement, L’Economiste du Faso donne la parole au Directeur général du commerce, Seydou Ilboudo, sur l’état des lieux en ce qui concerne le Burkina Faso.
L’Economiste du Faso: Quels sont les enjeux de la ZLECAF pour le Burkina Faso ?
Seydou Ilboudo, Directeur général du commerce: Quant au Burkina Faso, selon l’étude nationale, il faut dire que la PIB du Burkina connaitra un accroissement de 8% à l’horizon 2035. Quant aux recettes d’exportations, sur une projection minimaliste, le pays connaitra un accroissement de 8% et 14% pour le maximal. Les recettes d’exportation sont actuellement autour de 1910 milliards FCFA. On peut estimer à 5323 milliards FCFA de recette d’exportation sans ZLECAF à l’horizon 2040. Avec l’effet de la ZLECAF, on aura un accroissement de 8%, soit 425,8 milliards FCFA à l’horizon 2040. Au total, avec l’effet de la ZLECAf, le pays enregistrera 5748,8 milliards FCFA de recette d’exportation, soit un accroissement de 8%. Sur une projection de 20 ans, on a 21,29 milliards FCFA de gain par an. Néanmoins, cet accord comporte des défis auxquels le pays devra faire face. Avec le désarmement tarifaire, le pays perdra des recettes douanières en moyenne 3,6 milliards FCFA par an. Quand on fait la balance entre ce qu’on perd et ce qu’on gagne avec la ZLECAF, c’est bien compensé. Nous comptons faire beaucoup d’exportations vers les pays comme l’Afrique du Sud, la Mauritanie, le Rwanda, le Kenya et la Tanzanie. Nous importerons des produits pétroliers des pays comme l’Egypte, le Maroc et l’Afrique du Sud.
Comment se fera l’ouverture de marché ?
Les pays sont classés en deux catégories : les pays en développement (PED) comme la Côte d’Ivoire et les pays les moins avancés (PMA), notamment, le Burkina. Dans un premier temps, les Etats devraient ouvrir leur marché à 90%. Les PMA ont un délai de 10 ans pour faire les 90% d’ouverture de marché et les PED 5 ans. Cela concerne les produits non sensibles (produits finis) à l’économie du pays. Pour les produits sensibles (produits semi-transformés), le taux d’ouverture est de 7%. Les PMA auront un délai de 13 ans et les PED 10 ans. Ces deux formes d’ouverture au marché démarrent en même temps, soit au total un délai d’ouverture de 13 ans pour atteindre 97% d’ouverture du marché africain à l’horizon 2035. On aura 3% du marché qui ne connaîtra pas d’ouverture. Ces 3% concernent, entre autres, les oignons, les pommes de terre et les produits de transformation agroalimentaire, notamment, l’huile et les carcasses de viande. Ces produits seront toujours protégés par des taxes douanières. Le Burkina augmentera son exportation de 40% à 50% de ses produits du textile, des oléagineux et des matériaux de construction.
La ZLECAF sera au cœur de la rencontre gouvernement/secteur privé. Que peut-on attendre de cette rencontre ?
Ce cadre d’échanges a pour objectif d’informer les acteurs sur les enjeux de la ZLECAF. Ce sera une occasion pour l’Etat de présenter les initiatives qui sont mises en œuvre pour accompagner le secteur privé à relever les défis de cette nouvelle zone économique, afin que le Burkina ne sorte pas perdant. Ces initiatives sont, notamment, la politique de labélisation et de certification des produits du pays. Le but est d’augmenter la compétitivité et la qualité des produits du Burkina au niveau international. L’Etat présentera également la stratégie nationale de mise en œuvre de la ZLECAF adoptée en avril 2021. Tous ces documents contribueront à montrer le chemin, les actions à mener pour concourir le marché continental et minimiser les inconvénients de la ZLECAF.
Le Burkina est-il réellement prêt pour faire les échanges dans le cadre de la ZLECAF ?
A partir du moment où on a déjà signé, on ne peut pas dire qu’on n’est pas prêt. C’est pourquoi, on a adopté la stratégie nationale de mise en œuvre de la ZLECAF. C’est un outil montrant comment le Burkina va s’engager dans le chantier de la ZLECAF. On ne peut jamais être 100% prêt, mais on y va avec les autres pays et on pourra corriger les insuffisances inattendues. C’est pourquoi le pays dispose d’un Comité national de suivi et de la mise en œuvre de la ZLECAF. Ce comité existe bien avant la mise en œuvre de la ZLECAF. Il se réunit régulièrement pour faire des constats et des recommandations au gouvernement pour pallier les inconvénients de l’accord.
Le Burkina fait partie de plusieurs espaces économiques, notamment, l’UEMOA, la CEDEAO et la ZLECAF. Cela ne va-t-il pas compliquer le commerce ?
Non, tout a été pris en compte au niveau de la ZLECAF. Sa mise en œuvre doit s’appuyer sur les communautés économiques régionales déjà existantes, à travers les bonnes pratiques et les bonnes expériences. Les négociations au sein de la ZLECAF se font par bloc régional et de façon individuelle. Par exemple, le Burkina, certes, seul a ratifié l’accord, mais en termes d’échange, il doit le faire en fonction de l’Union douanière dont il appartient déjà. Il faut noter que la ZLECAF a été bâtie sur les expériences de la CEDEAO. Elle est dotée d’instruments de suivi et de mise en œuvre des accords et d’un protocole de règlement de différends. Ces outils ont pour but d’amener les Etats parties prenantes à respecter la mise en œuvre des accords. Ce qui n’est pas le cas dans la CEDEAO.
Issouf TAPSOBA (Collaborateur)
Enccadé
Vous avez dit impact ?
Une étude a été faite en 2019 pour dégager l’impact de la mise en œuvre de cet accord dans l’économie africaine. Elle a été principalement réalisée par la Commission économique de l’Afrique et des Nations unies et la Banque africaine de développement. Par exemple, l’étude prévoyait que le PIB de l’Afrique pourrait croître de 3000 milliards de dollars US en 2020, puisque l’accord a été lancé en 2019. A l’horizon 2060, le PIB de l’Afrique passerait à 16000 milliards de dollars US. L’Afrique compte plus de 1,3 milliard d’habitants. A l’horizon 2060, on sera à 2,75 milliards. Ce qui représentera un grand marché de consommation pour les produits africains. L’accord concerne trois protocoles, notamment, le protocole services, marchandises et règlement de différends.