Dans l’édition N°404, L’Economiste du Faso a tracé le circuit de la fraude du carburant. Une semaine après la publication de l’article, un incident est survenu à Fada N’Gourma. En effet, dans la nuit du 15 septembre 2021, vers 20h30, un camion transportant des fûts de carburant a pris feu à l’entrée de la ville de Fada N’Gourma, sur l’axe menant à Pama, frontière du Bénin. L’incendie a été précédé par une forte explosion, créant une panique dans cette ville située dans la zone rouge. Au moins 200 barriques de carburant de 200 litres, soit plus de 40.000 litres de carburant, sont parties en flamme.
Le lendemain de cet incident, soit le 16 septembre 2021, la Police municipale de la ville de Fada N’Gourma a intercepté un mineur conduisant un tricycle rempli de fûts de carburant. Le tricycle a été mis en fourrière au siège de la Police municipale.
Vu le trajet emprunté par le camion, on peut déduire qu’il vient du Bénin. Ce pays est une source de ravitaillement du carburant consommé au Burkina Faso. Mais ce carburant est exclusivement commandé par la Société nationale burkinabè d’hydrocarbures (SONABHY). Même si la SONABHY accorde de temps en temps des dérogations à des privés, surtout les sociétés minières, les importations sont soumises à son autorisation.
En plus, l’indicent de Fada N’Gourma concerne un camion communément appelé « 10 tonnes », qui transporte des fûts remplis de carburant. En aucun cas, la SONABHY ne peut accorder une autorisation de transport du carburant dans des fûts. Le carburant, objet de l’incendie à l’entrée de Fada N’Gourma, est le produit de la fraude. Il a franchi la frontière au nez et à la barbe des agents des Douanes censés contrôler toute marchandise qui entre dans le territoire. Les agents de la police et de la gendarmerie, postés le long de ce corridor, n’ont rien vu non plus. La fraude du carburant par le Bénin est bien connue.
Les fraudeurs s’approvisionnent au Nigeria et convoient leur butin au Bénin soit par la route, soit par le fleuve. Chaque jour, ce sont des milliers de fûts de carburant nigérian qui sont déversés au Bénin. Ce carburant est ensuite transporté dans des camions du Bénin vers le Burkina Faso. Pour une source locale, la fraude du carburant a pris de l’ampleur avec la fermeture des frontières et la réduction du trafic. Seules les marchandises passent. Il est plus facile pour les douaniers de laisser passer des produits fraudés, parce que peu de personnes passent.
Une fois au Burkina Faso, les fûts sont stockés dans des cours, dans les grandes villes comme Fada, Koupéla, Ouagadougou. Des tricycles assurent le dispatching en transportant de petites quantités.
Le carburant fraudé est aussi convoyé par des camions citernes. Ils chargent pour le Mali mais leurs contenus sont déversés sur le territoire national. Des tricycles et des petits camions citernes sont utilisés pour la livraison.
Malheureusement, plusieurs incendies interviennent soit pendant le transport, soit pendant le transvasement des contenus dans des cours privées. Ces incendies ont déjà été enregistrés à Fada, mais aussi à Koupéla, Sapaga, Zorgho, Ouagadougou. Ces villes se situant sur l’axe Fada- Ouagadougou indiquent le circuit de la fraude. Des incendies de barriques de carburant enregistrés à Bogandé, à Piéla accentuent le risque de ravitaillement des terroristes. La Brigade mobile de contrôle économique et de la répression des fraudes du ministère du Commerce a aussi saisi des barriques remplies de carburant.
En mai 2021, la Brigade mobile des Douanes de Ouagadougou a saisi un camion-citerne rempli de 67.000 litres d’essence d’une valeur de 40,200 millions FCFA. Ce véhicule déversait sur le Burkina Faso, du carburant destiné à un pays voisin.
Ces incendies et saisies sont des indicateurs d’une fraude de grande ampleur du carburant. C’est un fléau bien connu dans le pays. Des enquêtes ne sont-elles pas ouvertes après chaque incendie, afin de déterminer l’origine du carburant transporté dans des conditions artisanales ?
Cette situation doit être prise avec le plus grand sérieux. Il est impossible pour un camion d’atteindre Fada sans bénéficier des complicités. Il est urgent, au vu de l’ampleur de la fraude, que des enquêtes sérieuses soient diligentées et que les fraudeurs soient démasqués et sanctionnés.
On se rappelle que la Police nationale avait animé une conférence de presse pour présenter un réseau qui excellait dans l’utilisation de faux documents pour importer des marchandises au Burkina Faso. Où en est-on avec cette enquête ?
JB
Encadré
Mettre fin à l’impunité dans le milieu
Doit-on continuer ainsi, surtout quand on sait que les terroristes s’approvisionnent auprès de ces trafiquants ? Pour des intérêts purement individuels, le pays entier vit dans la souffrance. Des décisions d’autorités sont attendues pour mettre fin à ce trafic qui se fait à ciel ouvert et protéger l’économie et les populations. o