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La résilience comme moyen de lutte citoyenne contre le terrorisme et l’extrémisme violent au Sahel.

Une fois de plus, notre pays est en deuil. Les ‘’fous de Dieu’’ se sont exprimés d’une manière particulièrement violente a Solhan, plongeant notre fière nation dans la consternation.

Pour beaucoup d’entre nous, cette consternation s’accompagne d’angoisses, d’une peur légitime. Après tout, le but était de nous terroriser. L’ampleur du drame à lui seul nous rend tous circonspects et des interrogations toutes aussi légitimes s’en suivent.

Parmi nous, certains laisseront cette peur se transformer en colère, un sentiment juste et explicable, puisque cela fait trop longtemps que ça dure et rien ne semble être fait pour endiguer durablement ce fléau.

Parmi nous qui sommes en colère, certains encore laisseront leurs colères les conduire à un blâme systématique qu’ils estiment justifié et opportun. Ils traiteront le président élu d’incapable, accableront les chefs militaires de tous les qualificatifs dégradants et, ils iront même jusqu’à appeler à la démission de certains acteurs cruciaux de l’appareil sécuritaire national, si ce n’est le chef de l’état lui-même et/ou son gouvernement.

Parmi ceux qui blâment les autorités, certains nostalgiques de la stabilité sécuritaire d’avant 2015, à juste titre, s’insurgeront du fait que certains officiers et leurs mythiques subalternes sont en prison pendant qu’il y’a une débâcle dans les rangs au nord. Dans cet élan nostalgique, certains d’entre nous se rêvasseront d’un leader charismatique et impitoyable qui viendra temporairement mettre à terre la démocratie et ses institutions, pour exterminer les terroristes du nord avec un style jupitérien qui inspirera les 100 prochaines générations.

Pour aujourd’hui tout cela est normal, attendu et explicable, tant l’émoi national est grand. Tout au long de ce weekend, chacun d’entre nous s’est retrouvé dans une, sinon plusieurs de ces émotions. Mais, c’est de demain qu’il s’agit…

Demain, en effet, un jour nouveau se lèvera. Le simple passage du temps nous aura affranchi d’une partie du fardeau de la consternation, de la peine liée à la peur, de la fatigue consécutive à la colère, et de la facilité de blâmer les autorités pendant ces douloureuses circonstances. La réalité cinglante d’un lundi matin nous débarrassera aussi du rêve pieux d’un nouvel Ares balafré, en uniforme de combat, aux lunettes noires et au béret rouge. Oui, une nuit serait écoulée et nous nous réveillerons avec seulement 4 choix à faire.

  • L’insouciance : C’est l’attitude qui consiste ignorer ou oublier les évènements de ce weekend, de continuer à boire sa bière ou son dolo tranquillement en espérant naïvement que cela n’arrive jamais près de là où l’on vit. Il s’agit de la posture la plus facile mais la plus nocive. Je n’en rajouterai pas.

 

  • La protestation : Cette attitude consiste à conserver sa colère pour la transformer en rancune contre les gouvernants et les chefs militaires. Cela se traduit par des dénigrements en ligne et des appels répétés à la démission ou au limogeage. Dans cette dynamique, certains iront jusqu’à insinuer un lien direct qu’on présente publiquement comme bien informé, entre la corruption dont souffre notre pays comme tous les autres, et l’impossibilité de prévenir les attaques ou neutraliser les assaillants immédiatement. Cette posture, même quand elle découle d’une bonne foi a la base, s’avère dangereuse par ce qu’elle fragilise la confiance entre les populations victimes des terroristes et le gouvernement, à un moment crucial de notre histoire qui nécessite la fluidité des renseignements alors que cela dépend fortement de l’idée que les populations se font de l’état et des gouvernants. Ce manque de confiance se mue aussitôt en pain béni pour les terroristes par ce que cela facilite leur effort de recrutement initial et de radicalisation progressive des nouveaux adhérents.

 

  • L’instrumentalisation : Il s’agit ici d’utiliser les macabres évènements de ce weekend à des fins personnelles ou des intérêts partisans. Certains d’entre nous se rendront compte demain que quand dans la colère et le besoin de blâmer les gouvernants, ils ont insulté le président ou appeler à la démission du ministre de la défense, ils ont récolté 32 ‘’J’aime’’ sur les réseaux sociaux. Comme cerise sur le gâteau, cette ancienne conquête a enfin reconnu leur charisme, et ce rival d’antan les a même appelés ‘’jeune leader visionnaire’’. Ivre de cette célébrité inattendue, animé du rêve de se transformer en influenceurs vénérés, ces quidams pourtant très honnêtes persistent et signent en multipliant les attaques et les propos insidieux contre l’Etat et l’appareil sécuritaire, allant même jusqu’à se rendre complices de la propagande de l’ennemi en inventant, diffusant ou partageant de fausses informations de nature à saper le moral de la troupe et exaspérer la population.

D’autres au contraire saisiront cette occasion pour faire de la propagande politique avec pour finalité, le retour ou la libération de leur camarades politiques. Ils voudront aussi faire passer le régime actuel pour incompétent et vouloir faire croire que leurs camps politiques possèdent des solutions meilleures qu’ils se gardent de partager pour l’instant. La raison est toute simple : ‘’pour que ça marche bien, il faut que nous pilotions nous-mêmes la stratégie et les opérations à partir de Kossyam en 2025, sinon avant. Pauvre de nous qui mourrons en attendant !

 

  • La résilience : il s’agit ici de l’option la plus difficile car elle requiert un état d’esprit et des actes concret. L’état d’esprit c’est la compréhension des aléas de la situation actuelle de notre pays dans son contexte interne marqué par des dynamiques régionales et des enjeux globaux. Cela permet de savoir sans être partisan sur le plan politique que l’ancien régime n’était pas forcément mieux équipé pour combattre les groupes islamistes.

Au contraire, la stratégie qui consistait à ménager leurs chefs en leur offrant gîte et couvert dans notre capitale, a permis à ces groupes armés de consolider leurs acquis et aiguiser leurs stratégies pour endeuiller les pays voisins d’abord avant d’asseoir leur domination dans le sahel. Il n’est pas juste d’abriter les pyromanes des pays voisins que nous appelons amis et avec lesquels nous partageons une monnaie et un destin économique.

Même si l’on veut bien croire que cet arrangement nous épargnait au moins d’être attaqués, il s’agissait surtout d’une manœuvre temporaire, pas d’une stratégie tenable a long terme. Tôt ou tard, nos voisins allaient nous appeler par notre nom, et nous rentrer dedans de tous les côtés en toute légitimité.

La résilience, c’est aussi comprendre qu’à l’impossible, nul n’est tenu. Des pays plus nantis et bien plus puissants que nous ont eu la prétention de pouvoir gérer des crises liées à des insurgés islamistes. Ils sont arrivés tambour battant et sont repartis en catimini après avoir déployé leurs meilleurs stratèges, des millions de leurs fils et des milliards de dollars sur deux décennies. La vérité est simple mais cruelle. Le terrorisme de type islamiste est chronique et pernicieux.

Ceux d’en face savent que leurs exigences sont tellement à l’opposé de la démocratie et du vivre ensemble laïc qu’ils ne s’encombrent presque jamais de formuler des revendications ou d’engager des négociations pour un compromis politique. Ils ont l’avantage de savoir que soit ils ne gagneront pas, ou qu’une potentielle victoire prendra au moins des décennies.

Celui qui choisit d’être résiliant comprend qu’une victoire totale n’est pas envisageable à moyen terme, que nous serons parfois effroyablement surpris, que nous perdrons certaines batailles, mais nous ne perdrons pas la guerre tant que nous sommes unis et solidaires.

La résilience c’est aussi poser des actes de défiance envers les terroristes dans notre quotidien. Ils veulent créer la psychose, semer le doute et nous désolidariser de nos dirigeants. Soutenons-les qui qu’ils soient, sans a priori, sans parti pris. Dorénavant, élisons-les en connaissance de cause et restons soudés derrière eux, vaille que vaille. Bien sûr, cela n’exclut pas la critique constructive et la participation effective à un débat républicain et sain duquel la contradiction engendrera la lumière. Mais il faut donner la chance à ceux qui ont fait des erreurs de les corriger en toute sérénité au lieu de toujours exiger des démissions qui in fine nous retardent en bouleversants les stratégies en place et les affinités qui animent les castings en place.

Aujourd’hui, il y a eu un attentat meurtrier. Un des nôtres est sans doute en faute ou a manqué à ses obligations. Plusieurs personnes, peut-être. Mais tous les autres jours, s’il n’y en a pas eu, c’est peut-être qu’il y a une stratégie et une synergie d’action qui est à mettre au crédit de ceux que nous vilipendons en cette circonstance qui attriste les FDS autant, voire plus que nous citoyens civils. On ne peut pas gagner tous les jours. Il est important de se demander combien d’attentats et d’attaques sont rendus impossibles par les déploiements du moment avant de crier à la corruption ou à l’incompétence quand une faille apparait dans le dispositif.

La résilience c’est également soutenir nos braves FDS par des actes concrets. Il s’agit d’envoyer un message de soutien et d’amour fraternelle à ce jeune sergent du quartier qui se bat pour nous dans le Seno. Ou encore, de rendre visite à sa mère qui se meurt d’inquiétudes pour lui et la réconforter. Peut être aussi, rendre visite  au conjoint ou à la conjointe et les enfants d’un soldat déployé dans le cadre de la lutte contre le terrorisme,  pour s’assurer qu’ils ne manquent de rien. Être résilient, c’est soutenir les veuves et les orphelins de ceux qui sont tombés sur le champ d’honneur en leur promettant que nous garderons en mémoire le sacrifice des leurs et qu’ils bénéficieront toujours de notre soutien et de notre sympathie, au lieu d’accabler leurs camarades qui continuent la lutte de railleries insidieuses et multiformes.

Cette résilience citoyenne peut et doit aussi se traduire par une envie proportionnelle de vivre normalement malgré tout, mais en tenant compte de la situation exceptionnelle de notre pays. Il s’agira par exemple pour ceux qui sont en âge d’envisager une carrière militaire de le faire, ou à ceux qui ne le sont pas d’épauler ce cousin ou ce neveu qui veut bien rejoindre les rangs, en l’encadrant dans la préparation de son test d’entrée ou en lui offrant des ressources pour améliorer ses performances sportives.

Être résilient c’est vivre dans la sérénité malgré l’émoi en s’engageant dans des partis politiques ou des organisations de la société civile pour approfondir le débat et proposer des solutions salutaires au lieu de dire ce qu’il faut pour obtenir de l’admiration et des postes juteux même quand ce n’est pas vrai. Dans la résilience, tout cela se fait dans un enthousiasme qui trahit le souhait de l’ennemi de nous voir meurtris et inquiets.

La résilience c’est surtout et enfin l’ajustement de nos attentes à la triste nouvelle réalité de notre pays. Nous sommes en guerre asymétrique contre un ennemi élusif et nous sommes pauvres et très endettés. Cette guerre testera nos penchants les plus enfouies et nos névroses les plus prononcées. Qu’on la perde ou qu’on la gagne, cette guerre nous définira d’une façon ou d’une autre. Nous nous devons donc de la gagner. Nous n’avons pas comme les occidentaux, l’option d’abandonner et rentrer. C’est notre pays et nous n’en avons qu’un seul. Nous nous devons donc de consolider notre résistance à la tentation de céder notre démocratie en échange d’une promesse illusoire de sécurité. Le seul chemin par lequel nous résisterons dignement à cette gangrène terroriste et de gagner cette sale guerre est de partager cette attitude digne et républicaine, cette résilience qui nous ressemble et qui nous rassemble autour de l’idéal de paix et de tolérance qui fera germer notre essor économique et social de façon inclusive.

 

Je suis pour la résilience. Et toi ?

 

 

Ghislain Dimitri Tapsoba, Juris Doctor, LL.M/NDR, LLM, BA.

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