Depuis 2017, le Burkina Faso a adopté le budget programme. Trois ans après, quel bilan peut-on en faire ? Dans son rapport 2019, la Cour des comptes a analysé la mise en œuvre du budget programme et formulé des recommandations en vue d’améliorer la gestion financière et comptable. Les acteurs de la chaîne d’exécution des opérations budgétaires et comptables comprennent les ordonnateurs et les comptables.
Les ministres et les présidents d’institutions sont les ordonnateurs principaux des crédits, programmes et budgets de leur ministère et leur institution. Toutefois, ils peuvent déléguer leurs pouvoirs aux responsables des programmes qui sont nommés en Conseil des ministres. Cette réforme induit une multiplicité d’ordonnateurs du budget de l’Etat dont l’avantage est la décongestion administrative de la chaîne de dépenses et une meilleure responsabilisation des ministres et présidents d’institutions.
La Cour des comptes note une non-prise d’actes de nomination de tous les responsables des programmes et une non-prise d’actes de nomination des responsables de la fonction financière auprès des ministères et institutions.
Au niveau comptable, la réforme crée des postes de comptables principaux dans les administrations des Douanes, des Impôts et du Trésor. Ils ont l’obligation de produire un compte de gestion à la fin de chaque exercice adressé à la Cour des comptes. La Cour des comptes suggère au gouvernement de mettre en œuvre diligemment le decret n°2019-0305/PRES/PM/MINEFID du 15 avril 2019 en ses dispositions relatives aux rôles des comptables principaux du budget de l’Etat, notamment, le Trésorier général de l’Etat, le Receveur général du Trésor, le Receveur général des Douanes, le Receveur général des Impots, les trésoriers ministériels et institutionnels.
Des comptables matières sont aussi prévus dans le budget programme. Ils sont chargés de la traçabilité des biens de l’Etat, de prévenir la dégradation prématurée des biens de l’Etat, de sécuriser les biens de l’Etat et d’optimiser l’utilisation des biens de l’Etat. Au regard de leur importance, la Cour des comptes recommande au gouvernement de poursuivre la nomination des comptables matières dans toutes les entités publiques.
En matière de contrôle des opérations budgétaires, la réforme vise à rendre le dispositif plus performant et plus adapté à l’environnement du budget programme. Les innovations portent sur le rôle du contrôle financier et des corps de contrôle interne et externe de l’Etat.
Le contrôleur financier exerce un contrôle a posteriori qui intervient après exécution de la dépense et porte sur les opérations budgétaires et l’exécution physique publique. Il apprécie la performance des programmes ainsi que la qualité de la gestion des ordonnateurs. A ce titre, il peut effectuer un contrôle exhaustif ou par sondage en examinant, au regard de leur légalité, la régularité des opérations et la sincérité des prix. Ce contrôle fait l’objet d’un rapport adressé à l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat et de Lutte contre la corruption (ASCE-LC).
Le contrôle physique consiste pour le controleur financier à s’assurer de l’efectivité du service fait et la conformité des documents contractuels.
Le contrôle de gestion étant d’une grande importance dans le contexte de budget programme, la Cour des comptes suggère au gouvernement de prendre des mesures, dont la détermination des modalités d’appropriation des résultats et des performances des programmes, la définition des modalités d’appréciation du dispositif de contrôle interne et le renforcement des compétences du controleur financier.
Le budget programme donnant plus de liberté de gestion, le nouveau cadre juridique introduit des corps de controle interne et externe.
Pour la Cour des comptes, les corps de contrôle (dont font partie les Inspections techniques ministérielles) dans leur format actuel ne sont pas adaptés aux exigences de la gestion axée sur les résultats. Cette adaptation du rôle des Inspections techniques ministérielles doit intégrer un contrôle qui s’assure de la conformité aux lois et règlements en vigueur.
Ce contrôle intervient pendant ou après l’exécution du budget en vue, notamment, d’évaluer le degré de conformité avec les règles et procédures d’exécution des opérations budgétaires et de trésorerie, d’identifier et évaluer les anomalies significatives résultant d’irrégularités ou de fraudes dans la gestion des deniers publics, de situer les responsabilités et prescrire des mesures visant à corriger les failles constatées dans la gestion et engendrer un effet dissuasif et persuasif sur les gestionnaires, etc.
Aux termes de son analyse, la Cour des comptes suggère au gouvernement d’envisager une réforme du contrôle administratif. A court terme, il s’agit d’adapter le champ de compétences des Inspections techniques pour prendre en compte l’audit interne, former les acteurs du contrôle, nommer des personnes en charge de l’audit auprès des ministères et institutions. A long terme, mettre en place des comités d’audits internes dans les ministères et institutions, élaborer un plan de spécialisation des agents, ouvrir une filière audit et contrôle de gestion dans les écoles de formations professionnelles.
En matière de contrôle externe des opérations budgetaires par la Cour des comptes et l’Assemblée nationale, des réformes sont à envisager afin de l’adapter au contexte de budget programme.o
Elie KABORE
Encadré
Plus de moyens au profit de la Cour des comptes
Pour que l’Assemblée nationale joue son rôle, le gouvernement se doit de déposer les rapports trimestriels à temps. Pour la Cour des comptes, la mise à disposition de plus de moyens matériels et financiers permettra à l’institution de mieux jouer son rôle de contrôle externe. Au 31 décembre 2019, l’effectif de la Cour des comptes était composé de 97 agents, dont 30 magistrats, 13 vérificateurs, 13 personnels de greffe et 21 agents administratifs. Ce personnel ne permet pas à la Cour de fonctionner normalement tout comme la dotation financière insuffisante. En 2019, le budget définitif de la Cour des comptes était de 361,133 millions FCFA. o