Quelle est l’analyse que la Ligue des consommateurs du Burkina (LCB) fait de la récente étude de l’UEMOA en date du mois d’octobre 2020 qui porte sur l’inflation des produits de grande consommation ? Lequel rapport place le Burkina Faso en tête. Pour avoir une réponse, L’Economiste du Faso a donné la parole au président responsable, Dasmané Traoré. Pour lui, s’il y a inflation, c’est parce que le consommateur burkinabè n’est pas exigeant et est complice de la situation. Lisez plutôt !
L’Economiste du Faso : Selon une étude de l’UEMOA en date du mois d’octobre 2020, il ressort un fort taux d’inflation des « produits alimentaires et alcoolisés », de même qu’au niveau des « alimentations » et « restaurants et hôtels ». De cette étude, le Burkina Faso détient la palme du taux d’inflation sur les 8 pays membres. Avez-vous fait le même constat au niveau de la Ligue des consommateurs du Burkina (LCB) ?
Dasmané Traoré : Il faut noter que depuis l’apparition de la Covid-19, il y a eu une désorganisation au niveau de la consommation liée à l’offre, parce qu’à un moment donné, l’offre était inférieure à la demande, si bien que nous avons assisté à une flambée normale des prix des produits de grande consommation. Une fois le confinement terminé, les prix ne sont pas retombés. Ce qui est devenu presque normal aujourd’hui, parce qu’avant le confinement, les indicateurs ont montré, par exemple, que le stock du riz disponible était suffisant pour une durée acceptable. Mais de façon artificielle, vous avez des gens qui créent la pénurie de la marchandise sur le marché de vente, ce qui entraîne automatiquement une augmentation du prix. Du coup, cela les arrange. A la LCB, nous constatons qu’au-delà de l’inflation des prix des produits alimentaires, c’est beaucoup plus lié à la qualité des produits et à la quantité des produits ; parce que pour un sac de riz de 50 kg, le consommateur peut se retrouver avec 43 kg au prix d’achat de 50 kg. Cela est une forme d’inflation. Tout comme un kilogramme de viande que vous achetez à une valeur donnée alors qu’effectivement, le poids ne vaut pas un kilogramme. Là également, cela peut créer une inflation. C’est une manière d’augmenter le prix du produit sans que le consommateur puisse s’apercevoir. Je l’ai expérimenté avec un vendeur de pomme de terre, qui m’a fait comprendre qu’en réalité, ils se baladent avec deux balances, une pour peser le vrai kilo et l’autre le faux kilo avec des prix différents. C’est dire que certains commerçants vendent aux clients un produit alimentaire pour un kilogramme qui se trouve être faux. Le même constat s’observe au niveau des vendeurs de poisson, etc. Beaucoup de produits vendus sur le marché ne répondent pas au poids réel, si bien que cette inflation dont parle l’étude de l’UEMOA, même si on ne la voit pas, elle existe, car quelque part, les consommateurs sont simplement grugés pas les commerçants. Il revient aux autorités de prendre toutes les dispositions idoines pour protéger le consommateur, dans la mesure où cela relève du ressort de l’Etat.
Face à ce constat qui désavantage le consommateur, la LCB a-t-il approché le gouvernement burkinabè ?
La LCB travaille en tandem avec la Brigade mobile de contrôle et de répression de la fraude. Ensemble, nous arrivons à retirer du marché des produits prohibés à la consommation. Par contre, ce qui est du poids, cela relève de l’Agence burkinabè de normalisation, de la métrologie et de la qualité (ABNORM) qui s’assure du contrôle, de la qualité et de la métrologie des produits. Même au niveau du carburant, il y a des stations-services où le client n’est pas servi pour un litre mais plutôt pour 900 millilitres et les 100 autres constituent un bénéfice pour le propriétaire de la station-service. Cela est aussi une forme d’inflation. Sur les 100 millilitres, si le vendeur venait à commercialiser un million de litres, multiplier par 100 millilitres, cela fait 100 millions de millilitres, donc un gain financier important plus son bénéfice net. Tout cela sur le dos du consommateur. L’inflation au Burkina Faso est liée au fait que le contrôle n’est pas aussi rigoureux de la part des autorités.
Selon une étude de l’Institut national des statistiques et de la démographique (INSD), le prix de certains produits alimentaires tels que la viande de porc et le dolo auraient flambé ces derniers mois…
La consommation du porc est en nette augmentation, liée à la survenue spontanée des marchés anarchiques de vente de porcs sur l’ensemble du territoire national. Lesquels marchés sont bien approvisionnés et la demande est plus forte que l’offre. Nous constatons que la consommation a augmenté, toutefois, il faudrait que le consommateur prenne des dispositions, car ils sont rares, les vendeurs de porcs qui amènent les bêtes au laboratoire pour la visite médicale auprès du vétérinaire. L’immense majorité de la viande de porc consommée au Burkina Faso échappe au contrôle vétérinaire, si bien que cela pose un énorme risque sanitaire pour les consommateurs. C’est le lieu ici d’interpeller les autorités de ce pays sur la gravité de la situation afin que des mesures appropriées soient prises. Sinon, nous avons l’impression que l’abattage clandestin du porc n’est plus clandestin, mais en passe d’être normalisé. Autrement dit, c’est le normal dans l’anormal. Pour preuve, si vous partez à l’abattoir frigorifique de Ouagadougou, la quantité de viande de porcs abattus par jour est nettement inférieure à ces nombreux lieux de vente de porc au four dans la ville de Ouagadougou. Pire, il y a des zones d’abattages clandestins de porcs qui n’échappent pas au contrôle de l’autorité. Dans la même veine, le consommateur aussi, qui est conscient de la situation, ne se plaint pas. Je crois que quelque part, les consommateurs sont aussi complices de cette inflation constatée, à partir du moment où ils se complaisent dans cette situation. Les consommateurs ne font pas de la dénonciation de telles anomalies une priorité. Pire, au lieu de dénoncer et de refuser d’en consommer, les consommateurs poussent cette complicité en consommant ces produits impropres. Une telle attitude aurait pu amener le vendeur à revoir sa façon de faire. Le consommateur est en partie responsable de cette inflation. Vous soupçonnez qu’un tel produit ne vaut pas son prix, abstenez-vous de l’acheter. Même chose avec les produits ne contenant pas de date de péremption ni du fabricant, abstenez-vous. Si un produit est de qualité, alors pourquoi cachez ses références.
Comment la LCB interprète-t-elle le fait que le Burkina Faso détient la tête de proue de l’espace UEMOA des pays où l’inflation sur les produits alimentaires a le plus flambé ?
Remarquez une chose, le Burkinabè n’est pas très exigeant en termes de consommation. Souvent, vous êtes surpris de constater un attroupement de consommateurs chez un vendeur de viande impropre et ce, parce que c’est moins cher. Alors qu’à côté, chez un autre vendeur de viande incontestablement propre, l’affluence est moindre et pour cause, ils trouvent que sa viande est chère. Le consommateur burkinabè court toujours derrière ce qui est moins cher. Et dans ce qui est moins cher, il y a toujours quelque chose de louche, de caché, de pas clair. C’est à ce niveau qu’il faut forcément mettre l’accent sur la sensibilisation des consommateurs. Il ne sert à rien d’aller acheter un produit alimentaire moins cher si à long terme, je vais dépenser des millions FCFA pour me soigner. o
Interview réalisée par Ambèternifa Crépin SOMDA
Encadré
Fêtes de fin d’année: surveiller les boîtes de mayonnaise et de moutarde
En cette fin d’année, nous appelons les consommateurs à beaucoup plus de vigilance et de prudence. Pourquoi, parce que c’est le moment où certains commerçants véreux mettent sur le marché des produits impropres à la consommation. Lorsque vous allez acheter du poisson braisé, je suis convaincu que sur 100 consommateurs, un nombre très limité demanderait à voir la date de péremption de la mayonnaise ou de la moutarde utilisée. Cela dénote une fois que le consommateur burkinabè n’a aucune exigence vis-à-vis des prestataires de services qui sont en face de nous. Alors que nous avons bataillé dur pour avoir nos ressources financières, il faudrait que nous l’utilisions à bon escient. o