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Campagne électorale: le «gombo» était gluant pour certains artistes

Ces artistes étaient plus visibles sur les scènes des candidats dits « baobab », MPP, CDP, UPC…. (DR)

Campagne électorale rime avec proposition de programme de société et joutes verbales pour espérer alpaguer des militants. C’est aussi un grand moment attendu par certains secteurs d’activités tels que le culturel, les imprimeries, les vendeurs de mobylettes, de bâches, de chaises, de sonorisation et de voitures d’occasion de réaliser des chiffres d’affaires intéressants à la fin de la campagne. Tout Burkinabè qui a suivi de près les élections de 2020 a pu noter que les candidats ont misé dans le marquage serré avec les artistes tant nationaux qu’internationaux. Ces artistes étaient plus visibles sur les scènes des candidats dits « baobab », MPP, CDP, UPC…. Si c’était dans l’armée, on aurait dit que le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) a réquisitionné les artistes les plus en vogue pour sa tournée de campagne. C’est ainsi que Floby, Dez Altino, Imilo le Chanceux, Tanya, Sana Bob… ont tenu en haleine les militants dans les 13 régions du pays où le candidat du parti a tenu ses meetings.

A l’UPC, Hawa Boussim était aussi beaucoup sollicitée. Pour ces artistes choisis pour haranguer, soulever, galvaniser les militants venus aux meetings, à travers leurs mélodies, le retour financier est un ticket gagnant de la loterie.

Les vendeurs de mobylettes ont fait de bonnes recettes financières. (DR)

Les contrats exclusifs empocheront des gros cachets en fin de campagne

Et pour cause, le « gombo », pour emprunter le mot du milieu culturel, est gluant. Le journaliste culturel, Hervé David Honla, se réjouit de cette sollicitation des artistes burkinabè, qui ont été beaucoup ébranlés par la Covid-19.  Car, dit-il, cette pandémie y a laissé des plumes dans le milieu artistique, empêchant les tournées musicales, conséquence, moins d’entrée d’argent. Sur ce sujet, il confirme que si ces artistes  sont sincères, ils vont, au terme de la campagne, engranger des sommes qu’ils n’ont jamais reçues depuis leur carrière.  De son expérience dans le landernau culturel depuis plus d’une décennie et au regard des cachets des prestations play back, il table sur 300 000 FCFA pour chaque spectacle. Un calcul rapide nous permet de savoir que l’artiste va engranger, pour les 13 régions, 3. 900 000 FCFA. Un montant qui peut être plus, si l’artiste est sollicité par le même parti dans les provinces et Communes, ou s’il a des accointances avec le candidat, etc. Il y a une deuxième catégorie d’artistes qu’on pourrait appeler « spéciaux », il s’agit de ceux qui ont une notoriété sur le plan national. On peut citer sans se tromper Floby, Dez Altino, Sana Bob, Hawa Boussim… Hervé David Honla a révélé que ces artistes avaient signé des contrats d’exclusivité durant toute la campagne. Ceux-ci pourraient voir, avec le traitement spécial, leurs cachets triplés, voire 5 à 6 fois. Une somme qu’il trouve justifiée du fait que les artistes étrangers qui sont démarchés par des candidats repartent avec de gros montants. Sur la liste, Extra Musica, Nouvel Horizon, Oumou Sangaré, Innoss-B, Débordo Lekufa, Fadel Dey, etc. Pour lui, s’il est vrai que l’année 2020 a mal débuté pour les artistes, elle est en train de bien se terminer. Le fait que ce soient toujours les mêmes artistes qui sont sollicités est dû au fait qu’ils ont un bon staff managérial, un bon carnet d’adresse et une bonne stratégie de communication, selon le journaliste culturel. Toujours dans le milieu culturel, parmi ceux qui en tirent à bon compte, il y a les maîtres de cérémonie (MC). Certains en font des prestations occasionnelles, d’autres, comme les artistes, signent des contrats d’exclusivité pour toute la tournée du candidat. Et là aussi, le cachet est consistant selon le candidat. Un MC qui tourne avec un des partis d’opposition s’est montré muet comme une carpe sur le « jackpot ». 

Les « petites imprimeries » se plaignent

Autre secteur d’activité qui a aussi bénéficié de la campagne électorale, c’est celui de l’imprimerie. Selon un sérigraphe qui a requis l’anonymat, les imprimeries de petite taille n’ont pas tiré un avantage financier de la période électorale. Il souligne qu’elles n’ont eu que de petites commandes dont les bénéfices ne dépassent pas 500 000 FCFA. A l’inverse, les grandes imprimeries ont réalisé des bons chiffres d’affaires. Un employé d’une de ces imprimeries affirme que leur entreprise a bénéficié d’un appel d’offres ouvert de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) pour la confection de bulletins de vote, de feuilles de résultat, des badges d’accréditation…) et de la confection des posters des candidats, hormis celui du parti au pouvoir. Sans être dans le secret des dieux de la comptabilité, il confie que les caisses de l’entreprise devraient augmenter avec ces contrats.

Location de bâches, de chaises, de sonorisation et de moyens roulants : bus et véhicules fortement sollicités

Les vendeurs de mobylettes ont fait de bonnes recettes financières. Des partis politiques, à l’image du MPP, ont gratifié certains de leurs directeurs communaux d’engins à deux roues pour la mobilisation. Un des bénéficiaires, militant de l’Arrondissement 1 (précisément koulouba), nous confie avoir reçu une mobylette de marque « Sirus ».

Si nous partons sur la base de 300 directeurs communaux sur les 350 Communes que compte le Burkina Faso, cela fait une manne financière importante que les vendeurs de ces engins se sont partagé. A titre d’exemple, une telle marque coûte, sur la place publique, 400 000 FCFA l’unité, et si l’on multiplie ce montant par 300, cela donne 120. 000. 000 FCFA. Si les deux autres « baobabs » appliquent la même recette (UPC et CDP), la note financière va augmenter pour les vendeurs de motocyclettes. Pour le déplacement dans les régions, provinces et Communes pour la tenue des meetings, il faut mobiliser une grosse artillerie de logistique : location de bâches, de chaises, de sonorisation et de moyens roulants, notamment, bus et autres véhicules.

La liste peut se compléter avec les hôtesses et les vigiles. Il faut préciser que tout au long du traitement de ce dossier, la quasi-totalité de nos interlocuteurs ont refusé de s’exprimer. o

Ambèternifa Crépin SOMDA

 

Encadré

Que dit la loi sur les gadgets ?

Pour les prochaines échéances électorales, l’employé de « petites imprimeries » demande la relecture de l’article 68 bis du Code électoral adopté en 2015, interdisant les pratiques publicitaires à caractère politique, l’offre de tissus, de tee-shirts, de stylos, de porte-clefs, de calendriers et autres objets de visibilité à l’effigie des candidats ou symboles des partis ainsi que leur port et leur usage… 90 jours avant tout scrutin et jusqu’à son terme. Et pour cause, dit-il, cette loi empêche eux « les petites imprimeries » de réaliser des bénéfices conséquents.

Encadré 2 : Un bonus du BBDA attend les artistes

Un autre bonus attend les artistes en fin de campagne électorale. C’est celui lié au payement des droits d’auteur  par les partis politiques exigé par le Bureau burkinabè du droit d’auteurs (BBDA) conformément à la loi sur l’utilisation de leur musique lors de la campagne électorale. Sur ce point, les formations politiques qualifiées de gros utilisateurs de musique paient au moins 5 millions FCFA. Les moyens utilisateurs paient au moins 3 millions FCFA et les petits utilisateurs paient 100 000 à 500 000 FCFA.o

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