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Présidentielle 2020: La faisabilité des programmes est douteuse

Dr Ra-Sablga Seydou Ouédraogo, Directeur exécutif de l’institut Fee Afrik

La majorité des programmes en concurrence pour la présidentielle 2020 n’offrent pas une estimation des incidences budgétaires globales de leur action. C’est ce qui ressort de la note produite en novembre 2020 sur les coûts et financements des programmes des candidats à la présidentielle burkinabè 2020 : des limites et faiblesses importantes. Note d’évaluation thématique des programmes par Free Afrik/PAPE, Ouagadougou 2020. Il ressort de cette note que sur les documents des 13 candidats, 08 ne contiennent pas d’estimation de leur coût global, notamment, Agir Ensemble, le candidat indépendant Claude Aimé Tassembédo, Le Faso Autrement, le MPP, le CDP, OPA-BF, Soleil d’Avenir et Vision Burkina. Le MPP a indiqué, lors d’une conférence de presse, un budget global de son programme ; mais cela ne figure pas dans le programme même.
Les programmes de l’ADF-RDA, du MPS, du MCR, de MRB et de l’UPC offrent des indications de leur coût. Le programme de l’ADF-RDA est estimé à 17.600 milliards F CFA sur le quinquennat, avec des précisions sur les budgets annuels. Les estimations du MCR sont un chiffrage du coût sur le mandat qui ressort à 15.000 milliards F CFA. Le MPS offre uniquement une estimation globale de 30.000 milliards sur 5 ans. Le MRB mentionne 4.000 milliards de recettes budgétaires annuelles. L’UPC également propose une programmation annuelle dont le cumul est estimé à 17.995,23 milliards FCFA sur 5 ans.
Ainsi, pour les cinq partis dont les programmes sont budgétisés, les coûts des programmes sont très divergents : du simple au double pour les extrêmes.

Aucun programme n’indique le coût des financements sectoriels

Ainsi, les indications d’allocations budgétaires ne sont pas données pour plusieurs secteurs stratégiques pour les programmes. Toutefois, des indications disparates sont données dans la moitié des programmes politiques (ADF-RDA, MCR, MPP, MPS, MRB, Soleil d’Avenir et UPC) sur les financements sectoriels.
L’ADF-RDA consacre 55% du budget de l’État à l’investissement public sur le quinquennat. Par ailleurs, ce parti prévoit 100 milliards du budget chaque année pour le financement de l’agro-industrie et le développement rural (semences, intrants, eau, électricité, bâtiments agricoles, chaîne du froid, abattoirs).
Le MCR octroie des bourses d’études aux élèves et étudiants de 160 milliards de francs CFA par an. Il veut également créer un fonds dédié aux projets innovants de 100 milliards.
Le MPP fixe un objectif de 15% du budget national alloué à la santé et 30% à l’éducation et à la formation professionnelle.
Le MPS alloue au moins 30% du budget à l’éducation sur le quinquennat. Il veut, en outre, franchir le seuil de 2% du PIB pour les dépenses en recherche et développement dès 2021, en vue de relancer la recherche scientifique et technologique.
La candidate du MRB ambitionne de consacrer 40% des dépenses publiques à l’éducation et prévoit également un programme de construction de routes de 6.000 milliards de francs CFA sur le quinquennat, soit 2 800km de routes et 700 km d’autoroutes à hauteur de 1 200 milliards F CFA par an.
Le parti Soleil d’Avenir indique un programme de modernisation des infrastructures financé à hauteur d’un milliard par province et par an. Le programme de bourses de ce candidat est estimé à 100 milliards par an.
L’UPC fixe un objectif de 14% du budget alloué à la santé et un budget de l’éducation de 10% par an de 2021 à 2025. Par ailleurs, ce parti veut garder l’effort de financement de la sécurité nationale où pour « chaque 100 F CFA de dépense de l’État, 15 F vont à la sécurité nationale ».
En dehors de ces partis cités, plusieurs programmes n’offrent aucune indication de niveau de financement sectoriel si bien qu’il est difficile d’établir une comparaison sur les ambitions relatives aux priorités affichées, à l’exception de certains candidats dans quelques secteurs comme susmentionnés.
En somme, la budgétisation des programmes est loin d’être systématiquement pratiquée. Il est étonnant et déplorable que les deux partis qui ont gouverné le pays les années passées (CDP et MPP) ne sortent pas du lot, bien au contraire, leur programme n’est pas chiffré.
Au terme de son analyse, Free Afrik conclut que : « De façon globale, la faisabilité des programmes est, dans la plupart des cas, douteuse et leur crédibilité entachée par la faiblesse de la budgétisation et l’inconsistance des plans de financements qui n’existent pas pour la majorité des candidats».
Synthèse de Elie KABORE

 

Encadré

La fiscalité : des projections de recettes non légitimées par des réformes précises

La mobilisation des ressources propres de l’État est envisagée dans plusieurs programmes à un niveau très important. Toutefois, les idées précises de réformes permettant d’atteindre ces performances sont peu existantes ou non étayées. Par exemple, l’outil du cadastre qui, bâti de façon systématique, actualisé et informatisé, offrirait un instrument puissant de renforcement de l’assiette fiscale et de justice fiscale est soit ignoré dans la plupart des cas, soit évoqué sans le placer au niveau de priorité requis pour en tirer des résultats probants. Les programmes les plus explicites (MCR, MRB et UPC) sur le sujet demeurent toutefois sommaires. Le MCR évoque simplement « la mise en place du cadastre fiscal en vue d’avoir des données cadastrales fiables ». Le MRB prévoit « un cadastre numérique de toutes les parcelles pour la sécurisation de la propriété́ », « hautement sécurisé́ ». Une baisse de « l’impôt foncier sur les terrains bâtis et non bâtis qui sera mieux recouvré ». L’UPC indique que « pour accompagner la mise en place du cadastre fiscal qui a cours actuellement, une grande campagne de recouvrement de l’Impôt sur les revenus fonciers (IRF), que de nombreux propriétaires de bâtiments en location (…) ne paient pas, va être lancée ». Les autres programmes n’abordent pas la réforme du cadastre. Le traitement sommaire de la question de la fiscalité constitue une faiblesse criarde des programmes, d’autant que dans plusieurs cas, des plans de dépenses massives sont attendus ou des projections mirobolantes de recettes sont faites. En conséquence, la crédibilité et la faisabilité des programmes peuvent être mises en doute.

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