En prélude à l’élection présidentielle du 22 novembre prochain, neuf candidats de l’opposition politique burkinabè et 22 partis politiques ont signé, le mardi 18 août 2020, à Ouagadougou, un accord pour l’un des leurs qui ira au second tour.
Convaincus que la présidentielle du 22 novembre prochain se jouera à deux tours, neuf candidats de l’opposition politique et 22 partis ont signé un « accord politique de l’opposition burkinabè pour les législatives et la présidentielle du 22 novembre 2020 ». L’objectif principal de cette entente est que les autres candidats et les partis politiques ont l’obligation de soutenir celui qui ira au second tour du scrutin présidentiel.
Dieudonné Bakouan (PJD), Tahirou Barry (MCR), Zéphirin Diabré (UPC), Eddie Komboïgo (CDP), Gilbert Noël Ouédraogo (ADF/RDA), Kadré Désiré Ouédraogo (Agir Ensemble), Victorien Tougouma (MAP), Yacouba Isaac Zida (MPS) et Ablassé Ouédraogo (Le Faso Autrement) sont les candidats signataires dudit accord. Parmi eux, Dieudonné Bakouan et Victorien Tougma ne figurent pas sur la liste définitive des 13 candidats retenus pour la conquête du fauteuil présidentiel.
Ce qui veut dire qu’il reste sept challengers signataires de l’accord en compétition. Si l’évènement a été largement médiatisé, sa finalité court le risque de faire des déconvenues. Les candidats de l’opposition, qui ont conclu cet arrangement, ont déjà montré, à travers cette option, qu’ils ne sont pas du tout unis.
L’alternance qu’ils appellent de tout leur vœu à l’issue de la présidentielle ne pourra pas être effective avec une telle stratégie mal ficelée. L’unité que Zéphirin Diabré, Eddie Komboïgo, Kadré Désiré Ouédraogo et les autres ont affichée à la signature de leur accord aurait été réelle s’ils avaient simplement fait front commun autour d’un seul candidat pour affronter le président-candidat, Roch Marc Christian Kaboré. Une candidature unique de l’opposition aurait véritablement illustré sa volonté de provoquer l’alternance à l’occasion de ces échéances électorales. Il se pourrait que le seul succès de cet accord politique ne se résume qu’à un coup médiatique.
Les candidats ayant conclu l’accord politique ont la ferme conviction que la présidentielle va connaitre son épilogue au second tour. Mais c’est sans compter avec la force de frappe de l’ogre MPP, le parti au pouvoir, et sa volonté de vouloir plier le scrutin présidentiel au premier tour.
Le MPP se trouve aujourd’hui conforté dans cette assurance, puisque depuis trois ans, le principal parti de l’opposition, à savoir l’UPC, a été secoué par des crises à l’interne. L’on se rappelle que le départ fracassant de 13 députés du groupe parlementaire UPC, en octobre 2017, avait mis au goût du jour une guéguerre qui couvait à l’issue du scrutin présidentiel et législatif de 2015.
A la veille des présentes consultations, l’UPC continue de subir une véritable saignée avec des démissions importantes dans ses rangs. Ce n’est pas non plus l’union sacrée au sein de l’ancien parti au pouvoir, le CDP. Le candidat du parti à la présidentielle, Eddie Komboïgo, ne fait pas l’unanimité parmi les caciques du parti. La candidature de Kadré Désiré Ouédraogo, démissionnaire du CDP, traduit aussi à souhait que l’accord politique comporte les germes d’une probable implosion.
Si toutefois un second tour devenait effectif à la présidentielle et que, par exemple, Kadré Désiré Ouédraogo affronterait l’autre candidat, l’attitude du CDP serait très intéressante à surveiller. C’est dire que le second tour sur lequel misent les signataires de l’accord politique risque fort de ne pas se réaliser. Un autre cas qui pourrait faire capoter l’accord serait également l’éventuel passage de Yacouba Isaac Zida au second tour.
Si la candidature de l’ancien Premier ministre de la Transition a été validée par le Conseil constitutionnel, il battra campagne par procuration, puisqu’il court le risque d’être arrêté s’il rentrait au pays. L’on verrait très mal les autres candidats soutenir un challenger absent du territoire au cas où un tel scénario venait à se produire.
Au regard de la configuration actuelle de l’environnement politique à la veille de ces élections, l’on voit bien que la compétition va se jouer concrètement entre les partis traditionnels qui ont une large assise sur tout le territoire national. Là encore, avec les démissions qu’enregistre le principal parti de l’opposition, le véritable challenger, Zéphirin Diabré, du président sortant Roch Marc Christian Kaboré, part dans une posture délicate. Qu’espérer d’une élection au moment où des ténors du parti quittent le navire ? Absolument pas grand-chose !
En plus, il faut le reconnaitre, certains candidats dits de l’opposition se sont présentés à la présidentielle avec la seule intention de faire passer leur message auprès des populations sans réelles ambitions de conquête du pouvoir.
Le nombre pléthorique de partis politiques se réclamant de l’opposition est aussi une faiblesse face aux grands partis qui disposent de militants et de moyens conséquents pour mieux persuader les potentiels électeurs. Les surprises que certains ont prédites pour ces élections se feront sentir à coup sûr au niveau des législatives, mais pas à la présidentielle. Dans tous les cas, au soir du verdict des urnes, chacun tirera les leçons qui s’imposent pour l’avenir.o
Jérôme HAYIMI
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