Un an après la labellisation du pagne Faso Danfani (FDF), depuis le 30 avril 2019, le Burkina Faso est devenu le propriétaire unique de la marque. Quelle est aujourd’hui l’incidence sur la production et sur le chiffre d’affaires des transformatrices, notamment, les tisseuses ? Une réponse a été donnée par l’impétrant Théodore Nikiéma, à travers sa soutenance d’un Master en management et commerce international sur « Les productrices burkinabè du FDF face à la labellisation du produit : cas de l’Association des tisseuses Teega-Wendé (ATTW) », 2019/2020, thème défendu à l’Université Lyon 3 Jean Moulin. L’impétrant souligne que la labellisation, qui devrait entraîner une plus-value dans la production et surtout sur le chiffre d’affaires des tisseuses, traîne les « pieds ». Il explique que plusieurs facteurs révèlent des difficultés, notamment, le problème d’écoulement, lié au manque de marché important, le coût encore élevé du pagne FDF et la qualité du pagne. Conséquence, les tisseuses disent enregistrer une baisse de leur chiffre d’affaires. Pour exemple, l’ATTW dit être confrontée à une sensibilité du marché à la fois par rapport au prix et à la qualité des produits. Elle explique que le niveau actuel des prix de vente des pagnes est jugé élevé par rapport à d’autres produits de la sous-région. L’association souligne que le pagne Wax, par exemple, bien qu’il ne soit pas du FDF, il s’agit d’un pagne noble de très bonne qualité dont le coût revient deux fois moins cher que celui du FDF et constitue un produit de remplacement dans certaines situations. Autre entrave, le pagne FDF n’est pas suffisamment utilisé par certaines structures publiques. Or, une commande publique aurait pu booster la vente et augmenter le chiffre d’affaires des tisseuses. En effet, il ressort que le pagne FDF n’est pas utilisé pour les usages quotidiens de la société burkinabè (tenues d’écoles, tenues militaires, rideaux administratifs, …) et cela réduit les possibilités de faire du chiffre d’affaires et par ricochet, de dégager une capacité d’autofinancement considérable dans le court terme. Côté chiffre d’affaires des tisseuses, le rapport mentionne qu’elles engrangent des recettes qui varient de 20.000.000 à 140.000.000 FCFA, basées sur des productions qui oscillent entre 10 000 et 90 000 en nombre (voir encadré 1).
Comment permettre au label FDF de redynamiser le métier du tissage qui constitue un des secteurs porteurs pour l’économie burkinabè ? A cette autre question, Théodore Nikiéma répond, à partir de l’expérience de l’ATTW, qu’elle devrait œuvrer à se spécialiser davantage. Laquelle spécialisation pourrait se faire, d’une part, de façon horizontale : dans une moindre mesure, à travers le choix et la combinaison des couleurs, et dans une importante mesure, à travers la maîtrise et l’innovation des techniques de création des accessoires proposés sur la base des pagnes tissés (types de sacs, de chaussures, de produits de décoration, de rideaux, de nappes, …). Toute chose qui pourrait passer par une maîtrise du métier de la couture ou la détention de couturiers spécialistes. Une spécialisation verticale pourrait être faite vis-à-vis des produits de la concurrence, si l’on considère, d’une part, le marché des pagnes (Wax, Hitarget, FDF, Kôkô Donda, …), et d’autre part, si l’on considère le marché du pagne FDF proprement dit, dans la mesure où il existe des pagnes contrefaits.
Malgré la situation peu reluisante en termes de gain financier, Théodore Nikiéma note que la labellisation du pagne FDF a un bel avenir. Il affirme que le gouvernement burkinabè a pris la bonne option de le labéliser, car, dit-il, il est créateur de valeur ajoutée sur toute la chaîne : production, transformation, commercialisation.
Pour une rentabilité de la labellisation au même titre que le pagne hollandais, communément appelé « Wax », il suggère que l’utilisation du label FDF soit davantage approfondie afin qu’il soit viable (le coût d’acquisition du label, les conditions d’acquisition des matières premières, …). En termes de valeur ajoutée à l’échelle nationale, il invite l’Etat burkinabè à une industrialisation du processus de production du pagne FDF à moyen ou long terme. Il dit être convaincu que l’obtention du label devrait permettre, dans le long terme, d’améliorer la relation quantité et chiffre d’affaires. Aussi, les autorités doivent accentuer la sensibilisation, car, l’enquête révèle que 30% des associations ignoraient le processus de labellisation par rapport aux exigences du cahier des charges conditionnant l’obtention du label.
Ambèternifa Crépin SOMDA
Encadré
Fortes recommandations
L’étude propose au gouvernement de promouvoir l’utilisation du FDF dans l’administration publique ainsi que dans les écoles, à travers l’utilisation des rideaux FDF, nappes de tables FDF, … dans les bureaux de l’Administration ainsi que l’utilisation du pagne FDF comme pagne de confection des tenues d’écoles, et de songer à recadrer les structures ne répondant pas aux exigences du cahier des charges plutôt que de rejeter purement et simplement leurs candidatures.