Les élections présidentielle et législatives sont programmées, en principe, pour le 22 novembre 2020. A 5 mois de cette échéance, un doute important s’installe quant à la tenue effective des législatives. Et pour cause, suite à une tournée effectuée dans les 5 régions où la situation sécuritaire est prégnante, un rapport a été produit par l’Assemblée nationale. Ce rapport fait 19 recommandations, dont une qui demande le report du scrutin législatif. Selon le président de l’Assemblée nationale, qui a présenté ledit rapport le 8 juillet 2020 au président du Faso, les arguments qui militent en faveur de ce report ne manquent pas. Il évoque principalement le fait qu’une partie du pays est confrontée aux attaques terroristes, et qu’aujourd’hui dans certaines régions ou provinces, il est quasi impossible d’y mettre les pieds. Sur ce, il dit constater qu’en partant aux élections (…), des provinces ne seront pas représentées à l’hémicycle, quelle légitimité aura cette Assemblée ? Pour les législatives, la circonscription est provinciale. Dans une province où il y a seulement deux Communes qui ont été enrôlées, quelle peut être la représentativité d’un député élu par deux Communes sur 26 ou 30 ? », s’est-il défendu à la sortie de l’audience présidentielle. Pour lui, tenir les élections sans ces provinces s’apparente à de l’exclusion. En attendant que le gouvernement tranche, une partie de l’opinion nationale s’interroge sur les motivations réelles d’une telle démarche. Avec elle, des partis politiques et pas des moindres s’insurgent contre ce qu’ils qualifient de démarche cavalière pour assouvir des desseins inavoués. L’ADF/RDA, l’UPC dont le président est aussi chef de file de l’opposition politique (CFOP), et surtout l’UNIR/PS (parti de la majorité présidentielle), laissent entendre que ce « lenga » ne passera pas.
Me Bénéwendé Sankara quitte l’hémicycle
Interrogé par nos confrères de la radio Oméga, le président de l’UNIR/PS, également premier vice-président de l’Assemblée nationale, dit être étonné qu’on propose le report d’un an des élections législatives de 2020 pour des raisons de sécurité, mais la présidentielle, elle, devrait se tenir cette année, dans ce même contexte national. «À ma connaissance, la CENI n’a pas fait un rapport pour dire qu’elle était dans l’impossibilité d’organiser des élections couplées», a souligné Me Bénéwendé Sankara. Au regard de cette incongruité, il dit avoir quitté la plénière avant la fin des échanges, parce que n’ayant pas été convaincu de l’argument avancé. Toujours sur les ondes de Oméga FM, Zéphirin Diabré laisse entendre qu’ «il est hors de question qu’on découple les élections pour les reporter… Cette recommandation ne sera pas agréée au niveau du CFOP». Dans une déclaration en date du 8 juillet 2020 signée du président de l’ADF/RDA, le parti se démarque de cette tentative de remettre en cause les dispositions du Code électoral, surtout après une insurrection qui visait à dénoncer une modification des règles et dont les conséquences devraient servir de leçons à tous. Pour le président Gilbert Noël Ouédraogo, ce report souhaité constitue un « deal politique » pour satisfaire des intérêts individuels ou partisans. Contraire aux dispositions de la Charte africaine sur la démocratie et la gouvernance.
L’ADF-RDA dit être surprise de cette démarche parce qu’elle vient remettre en cause les conclusions du dialogue politique national tenu en juillet 2019. Aussi, dit-il, ce « lenga » (rallonge ou bonus en langue mooré) est contraire aux dispositions de la Charte africaine sur la démocratie et la gouvernance qui interdit tout changement de la loi électorale à moins de 6 mois des élections. Le parti estime que si l’élection présidentielle peut être tenue à bonne date, alors, elle peut et doit être couplée aux élections législatives conformément aux dispositions actuelles des textes. « D’ailleurs, de quelle garantie dispose l’Assemblée nationale sur la potentialité de régler la question sécuritaire durant cette année supplémentaire avant d’organiser les élections législatives comme elle semble l’insinuer ? », s’interroge-t-il. La société civile s’est aussi exprimée sur le sujet. Selon Éric Ismaël Kinda, porte-parole du Balai citoyen :» Si les députés sont de bonne foi, qu’ils renoncent à leur salaire et à leurs indemnités pour le mandat supplémentaire».
L’ADF/RDA confirme le vote de tous les députés
Mais face à ces avis contraires, Bala Sakandé et les députés du parti au pouvoir pourront rétorquer avec deux arguments juridiques en leur faveur. Primo, le souhait de ce report a reçu l’aval de tous les députés. Cette confirmation est donnée par Gilbert Noël Ouédraogo dont son parti l’ADF/RDA a un groupe parlementaire. Dans sa déclaration, il révèle qu’à l’issue de la rencontre à huis clos tenue le 6 juillet 2020, les députés ont adopté un rapport dans lequel ils se sont prononcés, à l’unanimité, pour un report « d’un an » des élections législatives et partant donc, de la prolongation de leur mandat pour cette même période. Les motifs avancés étaient : « La situation sécuritaire actuelle et le souhait des populations d’aller vers la paix au lieu de « se précipiter » vers des élections dans l’insécurité ». Le second argument est que ce report, s’il venait à être acté, obéit à l’article 81 de la Constitution du 2 juin 1991 qui stipule que le mandat peut être reporté pour une année en cas de force majeure. o
Ambèternifa Crépin SOMDA
Encadré
L’Assemblée nationale souhaite la tenue de la présidentielle
Sur le perron de Kosyam, Bala Sakandé, entouré des 5 présidents de groupes parlementaires, a préconisé le maintien de la présidentielle. « Nous ne voulons pas tomber dans un vide juridique, dans un terrorisme institutionnel (…) Pour l’élection présidentielle, la circonscription est nationale. Pour les législatives, la circonscription est provinciale», a-t-il dit.o