Le président de l’Assemblée nationale n’est pas content de la manière dont le gouvernement se montre laxiste, voire complaisant avec les sociétés minières implantées au Burkina Faso. Sans langue de bois, le chef du Parlement, Bala Sakandé, a exhorté le gouvernement à aller recouvrer son argent qui erre dans la nature.
En effet, il ressort du rapport synthèse de la mission d’information parlementaire sur l’opérationnalisation des fonds miniers, rendu public le 22 mai 2020, la problématique de l’emploi des nationaux dans les sociétés minières et l’effectivité du paiement de la Contribution financière en matière d’eau (CFE) par les sociétés minières où il y a beaucoup de restes à recouvrer (RAR) au profit du Trésor public de l’Etat.
De l’exposé fait par le rapporteur général, le député Désiré Traoré, il ressort que l’article 25 du Code minier adopté en 2015 prévoit la création de 4 Fonds miniers suivants : le Fonds minier de développement local, le Fonds de réhabilitation et de fermeture de la mine, le Fonds de réhabilitation de sécurisation des sites artisanaux et de lutte contre l’usage des produits chimiques prohibés et le Fonds de financement de la recherche géologique et minière et de soutien à la formation et des sciences de la terre. Selon le rapport parlementaire, les sociétés minières refusent, pour certaines, de payer leur part contributive comme exigée par la loi.
Fonds minier de développement local
L’article 26 du même Code stipule que le FMDL est affecté au financement des plans régionaux de développement et des plans communaux de développement. Il est alimenté par la contribution, d’une part, de l’Etat à hauteur de 20% des redevances proportionnelles collectées, liées à la valeur des produits extraits et/ou vendus, et d’autre part, des titulaires de permis d’exploitation de mines et les bénéficiaires d’autorisation d’exploitation industrielle de substances de carrières à hauteur de 1% de leur chiffre d’affaires mensuel hors taxes ou de la valeur des produits extraits au cours du mois.
A ce jour, quel est le constat sur le terrain ?
Le député Désiré Traoré révèle que sur un montant total liquidé de 76.644.525.929 FCFA (Etat et sociétés minières), le montant total recouvré s’élève à 39.100.544.420 FCFA pour la période de 2017 à 2019, soit un taux global de recouvrement de 52,87%. Ces contributions ont été versées en plusieurs tranches dans un compte intitulé FMDL/ministère des Mines ouvert à l’Agence comptable centrale du Trésor dont la répartition est la suivante : montant reversé au budget de l’Etat gestion 2018 : 8.968.148.90 FCFA. Un autre montant de 11.960.941.605 FCFA a été transféré aux Communes et régions bénéficiaires en juillet 2019. En février 2020, les régions et Communes bénéficiaires ont encore reçu 18.272.554.724 FCFA. Malheureusement, constatent les députés, ce montant n’a pas encore été transféré aux collectivités territoriales.
A la date d’aujourd’hui, les RAR sont estimés à 34.642.981.420 FCFA. Certes, l’Etat doit récupérer pour reverser aux collectivités, mais le constat est que les taux de recouvrement des montants sont de 88,31% pour l’Etat et 20,84% pour les sociétés minières. La conséquence du retard de recouvrement est qu’aucune collectivité territoriale n’a pu réaliser des investissements au titre des ressources du FMDL. Une situation qui s’explique par le fait que les comptes Trésor des Conseils des collectivités ont été approvisionnés le 22 novembre 2019 et les montants concernés ne pouvaient pas être pris en compte pour l’exercice budgétaire 2019. Toutefois, les acteurs notent un début d’opérationnalisation mais relèvent l’impréparation de l’Etat et rejette le protocole issu des négociations pour la déductibilité de certains investissements réalisés par les sociétés minières dans le FMDL. Notons que sur la base de ce protocole, la déduction estimée des investissements déjà réalisés par les sociétés minières entre 2017 et 2019 est de 5.582.642.765 FCFA.
Le Fonds de réhabilitation et de fermeture de la mine
Le rapport parlementaire note qu’à ce jour, seul la société minière Kalsaka Mining a déposé son plan de réhabilitation et de fermeture de la mine depuis mars 2019. Ce plan porte sur 200 hectares affectés par les activités minières (mine en arrêt et en cours de reprise par la société Baladji/Groupe Mining Kalsaka SA). D’après Désiré Traoré, le constat qui se dégage est que toutes les autres sociétés minières ne sont pas en règle vis-à-vis de la loi.
Pour ce qui est des contributions pour alimenter ce Fonds, il ressort qu’à la date du 15 mars 2020, 13 sociétés minières ont versé la somme de 39.327.181.591 FCFA. Mais un hic se pose, selon le rapporteur général. Au lieu que certaines entreprises reversent leurs montants dans les 13 comptes ouverts à la BCEAO comme exigé par l’Etat burkinabè, beaucoup d’entre elles les ont logés dans des banques commerciales.
Là encore, les députés révèlent que les sociétés minières se font des super bonus au détriment de l’Etat mais pire, refusent l’injonction du gouvernement, qui est de les loger dans un compte BCEAO. Mais à écouter le ministre en charge de l’environnement, Batio Bassière, dans les prochains jours, ces fonds devraient atterrir à la Caisse de consignation. En attendant, le rapport indique que sur le montant de 39.327.181.591 FCFA, seulement 4.300.995.727 FCFA sont logés à la BCEAO. Ainsi, les rapporteurs disent enregistrer un déficit de plus de 35 milliards FCFA, toujours irrégulièrement détenus dans les banques commerciales.
Fonds de réhabilitation de sécurisation des sites artisanaux et de lutte contre l’usage des produits chimiques prohibés
Les contributions à ce Fonds sont évaluées à 8.907.049 FCFA. Cette somme est logée dans un compte au Trésor public en attendant son virement dans un compte spécifique en cours d’ouverture, mentionne le rapporteur général.
Selon lui, ce montant n’a pas encore été réparti au profit des structures bénéficiaires que sont l’ANEEMAS et l’ONASSIM.
Fonds de financement de la recherche biologique minière et de soutien à la formation et des sciences de la terre
Les contributions à ce Fonds s’élèvent, en 2018, à 9.510.175.639 FCFA imputés dans un compte Trésor. Ce montant a été servi aux bénéficiaires suivants : BUMIGEB : 6.186.814.165 FCFA ; Fonds d’équipement du ministère des Mines et des Carrières : 951.817.564 FCFA ; FONER : 1.427.726.346 FCFA et l’appui aux deux universités (géologie et mines) et (science et terre) : 475.908.782 FCFA chacune. Le montant recouvré en 2019 est de 9.950.000.637 FCFA. Ce montant n’a pas encore été réparti, précise le rapporteur général. o
Ambèternifa Crépin SOMDA
Encadré:
L’apport des mines aux recettes de l’Etat : plus de
660 milliards FCFA reçus de 2016 à 2018
Le Burkina Faso compte 16 mines industrielles en production, dont 15 mines d’or et une de zinc. A ce jour, 4 mines en arrêt de production et 4 mines en construction. La contribution du secteur au PIB est passée de 0,8% en 2008 à 10, 6% en 2018. La production industrielle d’or est passée de 5,6 tonnes en 2008 à 52,622 tonnes en 2018. La production artisanale d’or est passée de 107 kg en 2017 à 307,5 kg en 2018. La production de zinc est passée de 156.679 tonnes métriques en 2016 à 165.100 tonnes en 2018. Les recettes du secteur minier au profit du budget de l’Etat sont passées de 189,983 milliards FCFA en 2016 à 226,027 milliards FCFA en 2017 et 252,848 milliards FCFA en 2018. En matière d’emplois, le secteur en a créé 9.189 emplois directs en 2017 et 10.350 en 2018.
Encadré 2:
CFE : 12,758 milliards FCFA dans la nature
Le rapport parlementaire, à propos de la contribution financière en matière d’eau (CFE), mentionne que le montant liquidé de 2010 à 2019 est de 14 milliards FCFA. Sur ce montant, la trésorerie de l’Etat n’a pu recouvrer au 30 septembre 2019, que la somme de 1,242 milliards FCFA, soit un taux de recouvrement de 8,5%. Les restes à recouvrer sont estimés à environ 12,758 milliards FCFA. Les sociétés réfractaires sont Iamgold Essakane et Semafo. A l’inverse, d’autres sociétés minières s’acquittent de la taxe CFE, il s’agit de Wagnion Gold Opération, Houndé Gold Opération, Nantou Mining, Somissa Takourka…. Mais au juste, combien doivent-elles payer ? 125 FCFA/m3 au lieu de 200 FCFA/m3 initialement prévu par les textes d’application.