Depuis la fin du mois de février 2020, le gouvernement applique les dispositions du Code général des impôts sur l’Impôt unique sur les traitements et salaires (IUTS). Ce qui ne rencontre pas l’assentiment de certains syndicats qui ont déclenché des mouvements dont la grève générale qui débute aujourd’hui.
Des sit-in sont organisés dans tout le pays. La marche-meeting du 7 mars a été une des activités de ce mouvement en attendant la grève lancée pour cette semaine. Ce groupe de syndicats semble déterminé dans la lutte. En face, le gouvernement montre la même détermination et compte tenir, advienne que pourra.
Il s’est même engagé à mettre en œuvre certaines réformes déjà rejetées par ces mêmes syndicats. Parmi ces réformes, le système de rémunération des agents publics et la vérification de l’authenticité des diplômes des fonctionnaires de l’Etat.
Les syndicats contestataires exigent du gouvernement de renoncer à prélever l’IUTS sur les primes et les indemnités des agents publics et le remboursement de la retenue du mois de février 2020.
Jusqu’où ira ce bras de fer ? Quelles seront les conséquences sur une société déjà en proie au terrorisme, à la prise en charge de près de 800.000 personnes déplacées internes ?
De nombreux observateurs de la scène publique et même des militants du parti au pouvoir estiment que le gouvernement ne tiendra pas le coup. Ils ont toujours en mémoire, les précédentes crises sociales qui ont débouché sur une grande reculade du gouvernement.
Il n’est donc pas exclu, pour eux, que ce gouvernement revienne sur sa décision de prélever l’IUTS sur les primes et les indemnités du public tout en l’appliquant à ceux du privé. Une telle décision gouvernementale n’étonnerait personne.
Pourquoi, c’est maintenant que la question de l’IUTS fâche alors qu’il a été adopté depuis 1970. Depuis sa création, l’IUTS est imposé sur les salaires, les primes, les indemnités et les avantages en nature des agents, qu’ils soient du public, du privé et du parapublic. Des exonérations sont prévues pour certains cas. Au moment de son institution, les indemnités des agents publics- pas de gros montants- n’étaient touchées par l’IUTS. Ces travailleurs qui se sont habitués à cette forme d’exonération estimaient que leurs primes et indemnités n’étaient pas concernées par l’IUTS.
Au fil des revendications, les travailleurs du public ont exigé et obtenu plus de hausse des indemnités (qui ne sont pas frappées par l’IUTS) que de salaires de base concernés par ces retenues. Et depuis le début des années 2010, les revenus des agents publics ont commencé à connaitre des augmentations. Du côté du gouvernement, les logiciels de paie des salaires n’ont jamais été paramétrés pour prendre en compte l’IUTS sur les primes et les indemnités.
Pendant ce temps, le privé payait normalement l’IUTS sur les salaires, les primes et les indemnités depuis 1970. Le gouvernement a décidé de quitter cette position intenable où les uns paient et les autres pas. Il y avait deux solutions, faire payer le public aussi ou le supprimer sur le privé et le parapublic, avec la possibilité pour ces derniers d’exiger des remboursements.
L’argument sur la recherche de l’équité fiscale évoqué par le gouvernement est donc recevable. Soit l’exonération touche tous les agents, soit le prélèvement est fait sur tous. Mais il est évident que le gouvernement aura du mal à mettre un terme à l’IUTS sur les primes et indemnités du privé comme l’exigent les syndicats, parce que l’IUTS provenant de cette catégorie d’agents est très important. Une exonération totale de l’IUTS sur toutes les primes et les indemnités serait la porte ouverte à toutes les manipulations. Employés et employeurs du privé pourront s’entendre pour transférer une partie du salaire de base en indemnités afin d’échapper à l’IUTS, ce qui constituerait des recettes en moins pour le budget national.
Que représente l’IUTS dans le budget national pour que le gouvernement tienne tant ?
L’IUTS est un impôt collecté par la Direction général des Impôts. En 2019, la DGI a mobilisé 844,644 milliards FCFA d’impôts. L’IUTS a été collecté à hauteur de 113,73 milliards FCFA, représentant 13,46% du recouvrement total de la DGI en 2019. Il s’est toujours positionné comme le 3e impôt le plus important pour la DGI, après la Taxe sur la valeur ajoutée et l’impôt sur les sociétés. En plus de son importance, son montant recouvré connait une évolution positive d’année en année.
En 2018, l’IUTS a rapporté 101,500 milliards FCFA, soit 12,06% de plus qu’en 2019. En 2017, l’IUTS a été collecté à hauteur de 89,664 milliards FCFA. Il a rapporté 78,996 milliards FCFA en 2016, 65,65 milliards FCFA en 2015 et 64,4 milliards FCFA en 2014.
Pour l’année 2020, les prévisions de recettes de l’IUTS sont fixées à 120 milliards FCFA.
Elie KABORE
Contribution du public à l’IUTS
Quelle est la contribution des agents du public à l’IUTS ? La contribution du privé et parapublic dans l’IUTS a toujours été importante. Selon les chiffres des 2014, 2015 et 2016 en notre possession, le privé et le parapublic collecte les 4/5e de l’IUTS total.
Le public ne mobilise que 1/ 5e. En 2015, par exemple, 82,1% de l’IUTS proviendrait de la contribution du privé et du parapublic.
Une situation qui s’explique non seulement par le fait que les agents du privé et du parapublic sont plus nombreux que ceux du public, mais aussi, ils paient l’IUTS sur les salaires, primes et indemnités. Pour le gouvernement, l’IUTS est une recette sûre.