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Sécurisation des entreprises: une hausse des dépenses

L’impact des attaques terroristes sur le secteur privé est lourd de conséquence : peu de recouvrement des recettes ; peu de création d’entreprises, peu de création d’emplois, baisse du taux de croissance et de développement. Mais, jusqu’à quel point le secteur privé burkinabè est affecté ?
Si, depuis lors, une étude sérieuse n’était pas encore arrivée à chiffrer l’ampleur et donner des statistiques, cela est désormais connu. A travers le rapport du secteur privé de 2018 paru en décembre 2019, une analyse de l’impact de l’insécurité sur l’activité économique au Burkina Faso a été faite par la Chambre de commerce et d’industrie (CCI-BF). Cette étude a procédé par une enquête auprès d’un échantillon de 605 entreprises de tous les secteurs d’activités et identifiées dans les 13 régions du pays.

Mine et hôtellerie, les plus touchées
Les résultats de l’enquête montrent que l’insécurité a eu des effets négatifs sur le climat des affaires au Burkina Faso. Des secteurs comme l’industrie (surtout le secteur minier, où des attaques terroristes ont visé soit le site, soit le personnel) et l’hôtellerie (attaque de Splendid hôtel) ont été fortement impactés. Conséquences, ces deux secteurs ont dû se réadapter en affectant une partie de leurs investissements dans la sécurisation des sites (équipements ; recrutement d’agent de sécurité…). Autre conséquence, les dépenses en personnel pour assurer la sécurité ont également connu une hausse.
Le rapport mentionne que la période 2015-2018 a été marquée par une hausse des dépenses sécuritaires allant jusqu’à 20% des dépenses totales pour plus de la moitié des entreprises enquêtées (51%). Cette proportion d’acteurs touchée est passée à 54% entre fin 2018 et fin juin 2019.
Le niveau de baisse des effectifs permanents fréquemment rencontré par les entreprises (39 %) entre 2015 et 2018 n’excède pas 20 %. En revanche, sur la période fin 2018 au premier semestre 2019, 41 % des enquêtés estiment avoir réduit leurs effectifs permanents pour les mêmes proportions. Les enquêteurs disent avoir constaté que certains industriels ont enregistré une réduction des quantités produites (35%) et d’autres étaient dans l’incapacité à satisfaire certains marchés porteurs (29%).

Baisse du chiffre d’affaires pour les hôtels et agences de voyages
Le même rapport révèle que 89,1% des hôteliers et agences de voyages enquêtés estiment que l’insécurité affecte négativement leur activité. Cet impact négatif est jugé léger pour 26,9 %, fort pour 41,7% et extrêmement fort pour 20,5%. Toutefois, les auberges et maisons d’hôtes ont une perception moins lourde de l’impact de l’insécurité sur leurs activités. Cet état s’explique par le fait que les clients ont de plus en plus tendance à éviter les grandes structures visibles au profit de ces lieux.
En région, la perception des impacts de l’insécurité est ressortie négative pour les établissements de Fada. Cet impact négatif s’est manifesté à travers une baisse du chiffre d’affaires pour 93% des établissements hôteliers enquêtés. Parmi les 7% qui n’ont pas connu de baisse de leur chiffre d’affaires, 2% ne sont en opération que depuis 2017. Pour environ 2/3 des répondants, leur chiffre d’affaires en 2018 a connu une baisse d’au moins 25% par rapport à leur chiffre d’affaires de la dernière année de bonne activité. Pour 1/3, la baisse est de 50% ou plus, dont 6,6% des répondants déclarent une baisse qui dépasse les 75%.

Les entreprises vent debout contre l’insécurité
Face au phénomène d’insécurité et à son incidence sur l’activité des entreprises, nombreux sont les chefs d’entreprises qui développent des mesures de résilience. En effet, environ 31% des chefs d’entreprises interviewés lors de l’enquête disent avoir adopté des stratégies de réponse aux effets de l’insécurité sur leur activité économique. En ce qui concerne les mesures prises, il s’agit principalement du renforcement du dispositif sécuritaire par l’augmentation de l’effectif du personnel de sécurité (52% des chefs d’entreprises) et l’acquisition des équipements de sécurité (33%). Cette dernière mesure a connu un engouement particulier de la part des promoteurs d’établissements hôteliers. En effet, 58,7% des chefs d’établissements enquêtés affirment avoir effectué des investissements en équipements de sécurité. Il s’agit, notamment, de détecteurs des métaux à main, de portes issues de secours et de caméras de surveillance.
Les dépenses en personnel pour assurer la sécurité sont également en hausse. En effet, 42,3% des établissements ont embauché en moyenne 3 agents supplémentaires de sécurité. En outre, 19,2% font appel à des agents de sécurité plus qualifiés, entraînant un surplus de salaire moyen de 72,8% par rapport aux salaires des agents précédents, et 10,3% des établissements ont recours aux agents de la police ou la Gendarmerie nationale. En plus, 56,8% des établissements ont organisé ou pris part à des formations sur la sécurité, et cela, pour presque la moitié à leurs propres frais.
On constate que 30,6% des établissements disent avoir bénéficié d’une formation offerte par l’Etat et 17,6% par des ONG/projets. Parmi d’autres mesures prises pour renforcer la sécurité, beaucoup d’établissements indiquent qu’ils font plus de diligence dans l’enregistrement des clients sur les fiches officielles.

Cas spécifique de l’artisanat 
D’après le rapport, le cas spécifique de l’artisanat pourrait s’expliquer par le climat socio-politique qu’a connu le pays en 2014 et 2015. Les effets néfastes de l’insécurité sur l’activité économique sont multiples. On peut citer principalement la réduction du chiffre d’affaires (53% des opinions des chefs d’entreprises), la baisse ou la réduction des investissements (26%), la fermeture partielle des entreprises (11%) et le renforcement des mesures sécuritaires (5%).
Ce dernier point se traduit par l’augmentation des charges, contribuant ainsi à la dégradation du portefeuille de l’entreprise. L’avis des chefs d’entreprises sur la baisse des investissements doit attirer l’attention des autorités sur une stagnation, voire une perte de croissance de l’activité économique à partir de 2019.
Les effets immédiats de l’insécurité sur l’activité économique diffèrent suivant les secteurs d’activités. En effet, si les artisans et les acteurs du secteur enregistrent, en premier lieu, la destruction des infrastructures, soit respectivement 40% et 48% des opinions, il en est autrement pour les industries et les services. Ces derniers identifient respectivement «la destruction et le pillage des matières premières» et «la destruction et le pillage des stocks de marchandises» comme effets majeurs à court terme de l’insécurité sur leur activité économique. Les chefs d’entreprises des services (31%) et du commerce (23%) ont identifié la fermeture partielle de leurs entreprises comme étant l’effet majeur à moyen et long terme de l’insécurité sur leur activité économique.
Ensuite, vient l’incapacité d’honorer certains marchés porteurs (23%) chez les entreprises exerçant dans les services et l’augmentation des charges liées au renforcement des mesures sécuritaires chez les acteurs du commerce (21%). Quant aux artisans, les effets à moyen et long terme sont principalement, la réduction des investissements (29% des opinions), suivie de la réduction des quantités produites (14%) et de la fermeture partielle de leur entreprise (14%).

Ambèternifa Crépin SOMDA


Dépenses militaires au Burkina Faso : Une hausse en 2018

Pour le cas du Burkina, il ressort que la part des dépenses militaires dans les dépenses totales a stagné dans le temps jusqu’en 2017, avant de connaître une hausse en 2018 pour s’établir à 8,0%. Alors que les attaques terroristes s’intensifient, le poids des dépenses militaires a même chuté entre 2015 et 2017. Quant aux dépenses au niveau de la sécurité, l’instabilité institutionnelle dont le département de la Sécurité a fait face ne permet pas d’avoir une vue claire sur l’importance du budget alloué à ce secteur. En effet, le ministère a été instable en cumulant plusieurs fois d’autres attributions en plus de la sécurité, et ce n’est qu’en 2017 que le pays a eu un ministère de Sécurité plein. Comparativement aux autres pays de l’UEMOA, on constate que depuis 2014, les dépenses militaires en % des dépenses totales du Mali se sont inscrites en hausse. Depuis 2014, ce pays enregistre la part budgétaire la plus importante en faveur de la sécurité. En dehors de la Côte d’Ivoire qui a été touchée en 2016, le Togo, le Sénégal et le Bénin n’ont pas été les cibles des attaques terroristes. Ce qui pourrait justifier, dans une certaine mesure, la tendance à la baisse des dépenses militaires dans leurs dépenses totales.


5 années éprouvantes pour le secteur économique

Près de 7 chefs d’entreprises sur 10 (65%) ont indiqué que leurs activités avaient été négativement affectées par la situation d’insécurité au cours des 5 dernières années. Selon les opinions des chefs d’entreprises, les effets des attaques terroristes ont été ressentis sur leurs activités à partir de 2016. En 2017, ces effets ont été moindres qu’en 2016, mais en 2018, les attaques terroristes représentent un niveau de préoccupation équivalent à celui des braquages et des vols. Ainsi, à l’exception des artisans pour lesquels l’impact de l’insécurité a commencé à se ressentir en 2015 dans leurs activités, les autres secteurs n’ont été véritablement touchés qu’à partir de 2018 pour la majorité, à savoir les industries (40%), le commerce (32%) et les services (32%). De l’avis des chefs d’entreprises, les attaques terroristes demeurent la forme d’insécurité caractéristique de cette année 2018.

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