Le Plan national de développement économique et social (PNDES) 2016-2020 a 4 ans. Adopté en Conseil des ministres le 20 juillet 2016, une conférence s’est tenue à Paris les 7 et 8 décembre 2016 pour son financement.
Quatre ans après, que devient le PNDES? Alain Siri, Secrétaire permanent du PNDES, fait le bilan et dégage des perspectives pour 2020, la dernière année de mise en œuvre.
L’Economiste du Faso : Rappelez à nos lecteurs les objectifs du PNDES?
Alain Siri, Secrétaire permanent du PNDES: Le Plan national de développement économique et social (PNDES) 2016-2020 s’était fixé comme objectif global de transformer en profondeur, la structure de l’économie burkinabè afin de générer une croissance forte, durable, inclusive.
Une économie qui crée des emplois décents pour tous et qui induit de ce fait, l’amélioration du bien-être. A partir de cet objectif global, des objectifs stratégiques ont été identifiés, dont l’amélioration de l’efficacité des gouvernances (politique, économique, administrative, locale, environnementale).
Le plan veut aussi favoriser l’émergence d’une économie moderne basée sur un secteur privé évolutif, compétitif sur des industries de transformation et de services de plus en plus dynamiques qui permet de réaliser une croissance économique forte de 7,7% en moyenne. A terme, il est recherché la création de 50.000 emplois décents par an et la réduction de l’incidence de la pauvreté au-dessous de 35%, contre 40% au moment de sa formulation. Le plan veut également impulser une dynamique de maîtrise de la croissance démographique et d’accélération du développement du capital humain (éducation, santé, protection sociale). Le PNDES a une dimension de durabilité afin de favoriser des modes de consommation et de production durables.
Pour une partie de l’opinion publique, Paul Kaba Thiéba est parti de la Primature avec son PNDES. Est-ce le cas?
L’ancien Premier ministre Paul Kaba Thiéba a porté effectivement avec vigueur, l’action publique de développement et la communication sur la mise en œuvre du PNDES pendant son mandat. C’est un mérite. Mais comme cadre d’orientation de l’action publique au développement, le plan a été annoncé par le président du Faso dans son programme de société au moment de la campagne électorale.
Vous aurez remarqué que l’actuel Premier ministre, Christophe Dabiré, dans son discours de la politique générale prononcé le 18 février 2019, a déclaré, dès l’entame de ce discours, qu’il présentait sa feuille de route pour contribuer à réaliser le programme présidentiel traduit en PNDES. Et quelques mois plus tard, quand il a présenté la situation de la nation, il a articulé son intervention sur les acquis de la mise en œuvre du PNDES. Le plan qui guide l’action publique au développement est toujours en vigueur.
Avant le PNDES, le Burkina Faso a mis en œuvre d’autres plans de développement. Quelle est la particularité du PNDES ?
Le PNDES programme l’action publique au développement sur la base de l’approche « gestion axée sur les résultats de développement », comme le préconisent les directives de l’UEMOA. Contrairement aux anciens référentiels comme le Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté (CNLP), la Stratégie de croissance accélérée et de développement durable (SCADD), qui avaient comme approche de programmation la gestion axée sur les objectifs.
Sur le contenu, le PNDES élargit les instruments de dynamisation du développement de l’économie au-delà des pôles de croissance comme énoncés par la SCADD. Cet élargissement tend vers la transformation structurelle de l’économie par la transformation des produits agro-sylvo-pastoraux.
Le PNDES a introduit des innovations sur la gouvernance et la planification de l’économie. Des lois ont été adoptées, dont celle sur le pilotage de l’économie et de la gestion du développement durable qui oblige l’Etat à organiser le pilotage de l’économie autour de 14 secteurs. On a la loi sur la gestion durable du territoire.
Tout cela semble théorique. Concrètement, quel est l’impact du PNDES sur le quotidien du Burkinabè?
Cette question préoccupe de nombreux Burkinabè, mais si vous faites attention, vous percevez les impacts sur la vie des citoyens. Sur la stabilité du cadre macroéconomique, les salaires des agents publics et les fournisseurs sont régulièrement payés, contribuant ainsi à faire vivre des familles par des revenus distribués par l’Etat. On a les réalisations d’innovations en termes de construction de nouvelles routes.
Au-delà de ce que les employés et les fournisseurs de l’entreprise qui a réalisé la route gagnent, l’infrastructure profite aux usagers en termes de frais de carburant, d’entretien des moyens de transport et de gain de temps. Les nouvelles routes profitent aux riverains qui développent des activités commerciales. Les impacts sont aussi visibles dans les secteurs sociaux comme la réduction du coût d’accès à la santé maternelle et infantile.
A ce stade, quel est le niveau de mobilisation des ressources ?
Le coût du PNDES est de 15.395 milliards FCFA, dont 9.825,2 milliards FCFA de ressources propres. La stratégie de financement du plan repose sur le financement interne, représentant 64% de son budget global.
A la conférence de Paris, l’Etat burkinabè était allé à la recherche de ressources pour combler ce gap de financement qui correspond à 36% du budget global, soit 5.570,2 milliards FCFA.
Au titre des ressources propres, à la date du 30 septembre 2019, le Burkina Faso a mobilisé 56,3% des ressources, soit 5.531,48 milliards FCFA sur les 9.825,2 milliards FCFA.
Concernant les ressources extérieures, au 30 juin 2019, les ressources mobilisées pour le financement du PNDES s’élèvent à 3.833,24 milliards FCFA. Ce montant représente 68,8 % du gap à rechercher pour le financement du PNDES qui s’élève à 5.570,2 milliards FCFA.
L’ensemble des ressources mobilisées en 04 ans s’élève à 9.364,72 milliards FCFA, représentant 60,82% du budget global du PNDES.
Nous devons inverser la tendance, c’est-à-dire, augmenter le taux de mobilisation des ressources propres.
56,3% des ressources internes mobilisées à un an de la fin du PNDES. Est-ce que le Plan n’était pas trop ambitieux au départ ?
Le Plan n’était pas trop ambitieux, puisque les 64% de taux de mobilisation de recettes propres devraient être financés moyennant une pression fiscale de 19,5%, alors que la norme UEMOA préconise 20%. De 2016 à 2018, la moyenne est de 17%. Il manque 3 points de pourcentage, ce qui correspond à un manque à gagner de 240 milliards FCFA de recettes fiscales par an.
Des pays de développement similaire au Burkina Faso mobilisent les recettes avec un taux de 20%. Le Togo est à 21%, le Sénégal fait autour de 19%.
Mais la tendance est bonne, parce que le Burkina a quitté la zone de 14,5% de pression fiscale pour atteindre 17%. Nous devons consolider cette tendance et tendre vers les 20% pour que le niveau des investissements augmente. En ce moment, on percevrait plus les changements.
Quels sont les secteurs qui ont reçu le plus de financements ?
Tous les secteurs en ont reçu. Mais certains secteurs ont concentré plus à cause de la structure de financements. C’est le cas des secteurs comme l’éducation, qui concentre l’essentiel de la Fonction publique, la santé, les infrastructures, l’agriculture, la défense et la sécurité.
Ces financements ont amélioré plusieurs ratios. Dans le secteur de l’éducation, le taux d’achèvement au post primaire est passé de 24% en 2015 à 40% en 2018. Ce taux serait plus grand si l’insécurité n’avait pas contribué à fermer des établissements scolaires.
Dans le secteur de l’eau et l’assainissement, le taux d’accès à l’eau potable est passé de 71% en 2015 à 74% en 2018, cela correspond à 640.000 nouveaux bénéficiaires d’eau potable. En termes d’accès à l’électricité, le taux est passé à 18,8% en 2015 à 23% en 2018. Si les projets de connexion des ménages en cours sont livrés, on atteindrait les 26% en 2020. En matière de route, plus de 1.900 km de pistes rurales sont achevés, 530 km de routes bitumées réalisés, etc. Certains indicateurs tendent déjà vers la cible prévue pour 2020.
Vous avez parlé de l’impact de l’insécurité sur le secteur de l’éducation. Quelle est la situation dans les autres secteurs?
L’insécurité est la plus grande difficulté de ce Plan. L’Etat a dû réorganiser le budget pour procéder à des réallocations de ressources au profit de la défense et de la sécurité au détriment des investissements dans d’autres secteurs.
Les destructions de biens publics sont aussi un autre impact, parce qu’elles entraînent des reculs dans certains secteurs. L’impact au niveau humain concerne les victimes des attaques, les déplacements de populations. Tous ces impacts créent un climat d’attentisme de la part de certains acteurs, affectent ainsi la dynamique économique. Les prévisions de croissance en 2019 se situent à 6%, contre 6,8% en 2018, alors que techniquement, rien ne pouvait conduire le pays à ce fléchissement entre les 02 années.
En dehors du terrorisme, quelles sont les autres difficultés rencontrées ?
La grogne sociale a affecté la mise en œuvre du Plan, puisque l’Etat a fait face à des dépenses salariales plus importantes qu’il avait prévues au départ. Ces dépenses se font au détriment de l’investissement qui touche directement à tous les Burkinabè.
Le Plan a rencontré des difficultés d’ordre technique, comme la non-maîtrise des procédures de marchés publics par les acteurs de la chaîne de dépenses. Les procédures de certains partenaires ont aussi freiné le respect des délais d’exécution. On n’oublie pas les difficultés avec les acteurs du secteur privé qui exécutent les marchés dont certains ont de faibles capacités.
Est-ce vrai que le PNDES comptabilise certains travaux qui ont démarré sous l’ancien régime à son compte ?
Dans nos rapports, c’est très clair. Il n’y a pas de confusion. Par exemple, le barrage de Samendeni, la centrale solaire de Zagtouli, nous précisons que ce sont des chantiers achevés sous le PNDES. Jamais nous n’osons dire que ce sont des chantiers réalisés sous la période du PNDES. Mais au-delà des polémiques, tous ces chantiers ne visent que le bien-être des populations.
A un an de la fin du PNDES, quelles sont les perspectives pour surmonter les difficultés et améliorer la mise en œuvre?
Pour chacune des difficultés, des instruments ont été développés. Face à la question sécuritaire, l’Etat a développé le Programme d’urgence du Sahel pour apporter des solutions qui complètent celle militaire. Sur la fronde sociale, la concertation se poursuit avec les partenaires sociaux. Pour les difficultés d’ordre technique, des formations en matière de marchés publics ont été organisées et des mesures d’allégement de procédures prises. Les seuils de passation des marchés ont été rehaussés. Pour le reste du temps, l’idée est d’achever le maximum des chantiers ouverts. Il s’agit de sérier les chantiers qui ont la chance d’être achevés. Dans la loi de finances 2020, les ministères ont déjà identifié ces chantiers prioritaires. Un accent sera mis également sur le suivi de ces chantiers.
Etes-vous un Secrétaire permanent satisfait, un peu satisfait ou découragé?
Je suis un Secrétaire permanent satisfait. Dans la plupart des secteurs, on enregistre des motifs de satisfaction. Ce qui me satisfait le plus, ce sont les appréciations des institutions indépendantes, comme les institutions de notation, qui indiquent que la mise en œuvre du PNDES avec les investissements est dans la catégorie des catégories B, avec une perspective stable. A étant la note maximale. Le dernier communiqué du FMI dit que l’institution est satisfaite du Burkina malgré l’insécurité.
Interview réalisée par Elie KABORE
Le bilan du PNDES en bref
Budget global: 15.395 milliards FCFA
Part des ressources propres: 9.825,2 milliards FCFA, soit 64%
Part des ressources extérieures: 5.570,2 milliards FCFA
Ressources propres mobilisées: 5.531,48 milliards FCFA, soit 56,3% des ressources propres (au 30 /09/2019)
Ressources extérieures mobilisées: 3.833,24 milliards FCFA, soit 68,8 % des ressources extérieures (au 30 /06/2019)
Ressources totales mobilisées : 9.364,72 milliards FCFA, soit 60,82% du budget total .