Dans la mise en œuvre du second Compact, le gouvernement ghanéen avait pris l’engagement de privatiser sa société d’électricité. Mais pour n’avoir pas pu conduire le processus à son terme, le Ghana a perdu une partie du financement octroyée à hauteur de 190 millions de dollars. Une manne importante dans un contexte de rareté de ressources financières. Preuve que le gouvernement américain est très regardant sur les engagements pris, et surtout sur la bonne gouvernance. Ces principes ont été rappelés à l’équipe de l’UFC-Burkina par le représentant pays du Millénium challenge account (MCC), Michael Simsik, le 21 novembre 2019 à Ouagadougou, à la rencontre portant sur l’examen du projet d’aide-mémoire. «… récemment, le MCC a pris la décision d’annuler une partie du financement du second Compact du Ghana, à hauteur de 190 millions de dollars, suite au non-respect d’une réforme majeure. Si cela a été possible pour un Compact en cours d’exécution, cela est d’autant plus facile à faire pour un Compact en phase de formulation », avertit Michael Simsik. Cette adresse diplomatique n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd, si on s’en tient aux conclusions de cette rencontre. Mieux, au détour d’un déjeuner de presse qui a eu lieu le mercredi 18 décembre 2019 à Ouagadougou, le Coordonnateur national de l’Unité de coordination de la formulation du second Compact (UFC-Burkina), Samuel Tambi Kaboré, a été rassurant sur cette épée de Damoclès qui peut planer sur le Burkina Faso. Pour lui, les engagements sont, certes, contraignants mais pas insurmontables. Il souligne que le Burkina Faso va respecter tous ses engagements contenus dans la feuille de route (une centaine de mesures) et dans l’aide-mémoire (22 mesures) récemment signée le 6 décembre 2019 entre le MCC et le gouvernement burkinabè, en présence de Kieh Kim, vice-présidente adjointe principale chargée des opérations du Compact.
La libération du secteur énergétique au privé est actée
Sur le cas spécifique de la Sonabel, Samuel Tambi Kaboré est catégorique, le Burkina Faso n’a pas pris d’engagement de privatiser la Société nationale d’électricité (SONABEL), mais de la réformer en profondeur afin qu’elle remplisse mieux ses missions. La partie américaine dit attendre des réformes en profondeur du secteur de l’électricité au Burkina Faso. Elle souhaite, entre autres, que la Sonabel revoie son système de comptabilité et que l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat et de Lutte contre la corruption (ASCE-LC) puisse exercer ses prérogatives dans les dépenses dévolues au secteur électrique. Aussi que la Sonabel puisse construire des unités de stockage d’électricité avec un fort débit et aux normes internationales ; qu’elle aille vers des sources alternatives comme le solaire.
Il y a aussi la libéralisation du secteur énergétique au privé (faire intervenir des producteurs indépendants qui vont construire des centrales solaires qu’ils vont rétrocéder à l’Etat après 25 ans d’exercice). Autre mesure, supprimer la subvention accordée par l’Etat à la Sonabel. Le souci étant d’éviter la concurrence déloyale entre le public et le privé. Œuvrer à une séparation des comptes de la Sonabel (distribution, production et transport, etc.). C’est le non-respect de ces réformes qui peut entraîner une coupure du financement par le MCC. Mais foi du Coordonnateur national, cela n’arrivera pas, car toutes les dispositions ont été prises par l’Etat burkinabè pour parer à toute éventualité. Mieux, le gouvernement est en avance avec l’adoption de la loi 14 prise en 2015 qui consacre la libération du secteur énergétique au privé. En juin 2020, le Burkina Faso passera à une phase décisive de la mise en œuvre du second Compact obtenu en décembre 2016.
Celle de la phase du démarrage effectif. Pour ne pas rater ce coach dont les retombées sont énormes, provisoirement chiffrées à 489,1 milliards FCFA pour booster le secteur de l’électrification, le gouvernement est en train d’accélérer la cadence.
Ambèternifa Crépin SOMDA
On ne joue pas avec l’argent du contribuable américain
D’après Michael Simsik, les réformes demandées par le MCC ont pour but final de sécuriser les investissements en améliorant durablement le secteur. Il souligne que les engagements dans cette aide-mémoire sont primordiaux pour assurer la durabilité des investissements futurs. « Nous sommes tenus de confirmer à notre hiérarchie, au Congrès américain, et aux contribuables américains, que les fonds du Compact, sous forme de don, auront un impact durable. Le MCC est regardant, et même intransigeant, sur la nécessité d’avoir des réformes structurantes pour le secteur, en partenariat avec le gouvernement, ainsi que sur la responsabilité de chacun à atteindre ces objectifs », ajoute-t-il.
L’aide-mémoire est un document pré-conventionnel
L’aide-mémoire comprend 22 mesures et actions, dont :
-5 à satisfaire avant la signature du Compact ;
-11 avant l’entrée en vigueur du Compact (12 à 18 mois après la signature) ;
-6 pendant la mise en œuvre du programme et assises sur les décaissements successifs.
Certaines conditions préalables, même satisfaites avant l’entrée en vigueur, seront observées pendant la mise en œuvre.
Encadré 3 : Mise en œuvre de la feuille de route, une centaine de mesures et actions ont été proposées :
Phase 1 : mesures immédiates, à réaliser courant 2020, dès la signature du Compact ;
Phase 2 : mesures de court terme, à réaliser pendant la mise en œuvre du Compact, soit de 2021 à 2026 ;
Phase 3 : mesures de moyen terme, à réaliser pendant la période post-Compact, de 2026 à 2030 ;
Phase 4 : mesures de long terme, à réaliser de 2030 à 2035.
Pour ce qui est des mesures et actions immédiates et de court terme (phases 1 et 2), la plupart d’entre elles seront financées par le MCC, respectivement, sur le Fonds de développement du Compact (CDF) et sur le Compact.