Dans quel contexte les premiers Codes miniers du Burkina Faso ont-ils été adoptés ? Est-ce que le pays accorde trop d’avantages miniers, notamment, les exonérations fiscales ? Quel est l’apport du secteur dans le tissu économique burkinabè ? Avec la situation sécuritaire peu reluisante, la menace va-t-elle réduire ou faire arrêter l’activité. Pour éclairer l’opinion sur ces préoccupations du moment, qui mieux que l’ingénieur hors classe de la géologie et des mines du Burkina Faso, Adama Pierre Traoré. Il est l’un des premiers diplômés du domaine à occuper plusieurs postes tant sur le plan national qu’international.
L’Economiste du Faso : Dans quel contexte les premiers Codes miniers ont été adoptés (1997 et 2003) ? Quelle démarche cela a suivi ?
Adama Traoré : Avant de répondre à cette question, il faut rappeler qu’avant les lois n°23/97/AN du 22 octobre 1997 et n°031-2003/AN du 8 mai 2003 portant Code minier au Burkina Faso, le secteur minier de notre pays a été géré par la loi n°9/65/AN du 26 mai 1965 puis l’ordonnance n°76-010/PRES/MCDIM/DGM du 22 juin 1976 codifiant et réglementant le régime des substances extraites du sol et du sous-sol de Haute-Volta. Il y a également eu la RAF dont la sixième partie portait sur le secteur minier, le Code général des investissements, puis les Codes de 97 suivis de celui de 2003. Pour parler du contexte d’adoption de ces textes, je dirai que :
-la loi n°9/65/AN du 26 mai 1965 : doter la Haute-Volta de textes sortant des textes hérités de la période coloniale ;
-l’ordonnance N°76-010/PRES/MCDIM/DGM du 22 juin 1976 : doter le pays d’une loi au contenu plus nationaliste ;
-la loi n°023/97/AN du 22 octobre 1997 portant Code minier pour aller au-delà de la Déclaration de politique minière en ouvrant résolument le domaine au secteur privé ;
-la loi n°031-2003/AN du 8 mai 2003 portant Code minier au Burkina Faso pour attirer effectivement les investisseurs.
La démarche suivie pour ces deux derniers Codes a été une démarche classique. Il est à noter que la loi n°031-2003/AN du 8 mai 2003 portant Code minier au Burkina Faso avait été adopté exceptionnellement à l’unanimité, par une Assemblée nationale ayant en son sein pas moins de quatre experts du domaine dont certains étaient de l’opposition.
On estime que le législateur a octroyé beaucoup d’exonérations aux mines, quel était le contexte qui a motivé cela ?
Quand on parle d’exonération, il faut d’abord savoir ce que c’est et pourquoi on le fait. L’exonération est une disposition ou des avantages qu’un gouvernement, un Maire ou le Gouverneur prend ou donne pour attirer des investisseurs en vue du développement d’un secteur donné, d’un pays donné, d’une région donnée ou d’une Commune donnée. Si vous prenez le Code des investissements général du Burkina Faso, vous verrez, par exemple, que pour permettre le développement décentralisé, il est accordé des exonérations et avantages divers aux investisseurs. De même, si vous prenez le Code de développement industriel du Burkina, adopté en fin 2018, il prévoit un certain nombre d’exonérations et d’avantages, notamment, pour ceux qui veulent transformer les produits locaux. L’exonération est donc une décision politique dans une vision spécifique et de mon point de vue, il est erroné de considérer cela comme un manque à gagner. En effet, si l’autorité concernée, qui accorde ces exonérations ou avantages ne le fait pas, le secteur en question ne se développerait pas et par conséquent, n’apporterait rien au pays.
Qu’en est-il du contexte ?
Le contexte était que malgré le potentiel géologique, le secteur minier du Burkina Faso ne décollait pas. L’explication était que les textes légaux régissant le secteur minier ne contenaient pas de dispositions susceptibles d’attirer les investisseurs. Selon une étude menée sur l’attractivité des Codes miniers dans 30 pays par un expert du secteur en 1998, l’on classait le Burkina Faso en dernière position. Ce classement révélait que le Code de 1997 avait omis une phase importante du processus minier dans ses dispositions : la phase de construction. C’est du reste, ce qui explique que dès 1998, la relecture de ce Code a commencé pour déboucher sur celui de 2003.
Si je compare le cas du Burkina Faso à d’autres pays, je dirai que compte tenu de l’environnement infrastructurel (rareté et cherté de l’énergie, mauvaise qualité, voire absence des infrastructures de transport, y compris les voies d’accès, conditions d’accès à l’eau, etc.), j’aurais tendance à dire que ces exonérations ne sont pas beaucoup. En tout état de cause, les dispositions du Code minier de 2013 qui étaient considérées comme exagérées en termes d’avantages accordés aux mines ont été corrigées dans celui de 2015, même si la mise en œuvre de certaines de ces nouvelles dispositions se heurte à certaines difficultés suite aux réalités du moment.
Quelle est votre analyse de la situation des mines actuellement dans le contexte d’insécurité ?
La situation est plus que préoccupante. Aux contraintes d’enclavement, de cherté des coûts de production, etc. est venu s’ajouter le défi sécuritaire. Ceci a pour conséquence :
-La réduction, voire l’arrêt de la recherche et met en grand danger la pérennité de la production minière ;
-Le renchérissement de l’activité minière, les mines devant investir lourdement pour assurer la protection de leurs personnels et de leurs biens ;
-Le peu d’attraction de nouveaux investisseurs, voire le départ de certains de ceux qui sont là vers d’autres destinations, comme la Côte d’Ivoire et le Ghana.
Au bout de combien de temps une mine commence à être rentable, à rembourser ses emprunts et à désintéresser l’Etat actionnaire ?
Difficile de le dire avec exactitude, car beaucoup de paramètres rentrent en compte. Il y a, par exemple, le montant d’investissement et la taille de la société minière.
Propos recueillis par Rachel Dabiré
Quel bilan faites-vous des exonérations et facilités accordées aux mines ?
Les exonérations et les facilités ont boosté le secteur et sa contribution à l’économie est significative.
-Grand accroissement des investissements miniers annuels après : ils se sont situés entre 1 milliard et 5 milliards FCFA entre 2000 et 2003, contre 9 milliards à 19 milliards FCFA entre 2004 et 2007 ;
-Aucune exploitation minière industrielle avant 2003 en dehors de Poura, contre 13 mines en exploitation en 2018 ;
-Le produit de l’exploitation minière (Or+Zinc) est devenu le premier produit d’exportation et ce, depuis 2009 ;
-La contribution du secteur minier à la formation du PIB était de 11,4% en 2017 ;
-Les recettes minières sont passées de seulement 500 millions FCFA en 2007 à un peu plus de 226 milliards FCFA en 2017 ;
-Environ 9 000 emplois directs et plus de 26 000 emplois indirects en 2017, sans compter plus d’un million d’emplois dans l’exploitation artisanale.