L’omerta sur les différentes actions de l’Armée ne date pas d’aujourd’hui. D’où son nom de grande muette qui lui colle à la peau. Beaucoup d’informations sont classées de secret défense et ce, pour des raisons de sécurité. «L’Armée ne s’expose pas à l’ennemi, sinon elle devient vulnérable».
Ce grand tabou règne, même pour ce qui est de son budget de fonctionnement. Le Burkina Faso n’échappe pas à cette règle, mais depuis quelques années, le «tabou» longtemps observé sur les dépenses de défense et de sécurité est plus au moins levé.
En marge d’un panel initié par le Centre d’information, de formation et d’études sur le budget (CIFOEB) sur le thème: «Dépenses sécuritaires et transparence budgétaire», animé par le Contrôleur d’Etat, Urbain Millogo, le 8 novembre 2019 à Ouagadougou, le Directeur central de l’Intendance militaire, le Colonel-Major Jean-Baptiste Parkouda, a révélé que le budget de l’Armée n’était pas aussi fermé qu’on le pense.
Pour preuve, il dit que le budget de l’Armée est voté à l’Assemblée nationale comme pour toutes les autres institutions. Aussi, il ajoute que toutes les dépenses de fonctionnement sont contenues dans la loi de finance que tout citoyen peut consulter. Mieux, depuis quelques années, le budget de l’Armée est annuellement contrôlé par l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat et de Lutte contre la corruption (ASCE-LC).
A cette entité de veille citoyenne s’ajoute l’Inspection générale des forces armées nationales (IGFAN) qui, également, inspecte la régularité du budget de l’Armée. Un constat qui a été confirmé par le Contrôleur d’Etat de l’ASCE-LC, Urbain Millogo, qui souligne la disponibilité des documents budgétaires sur l’Armée. «Les dépenses sont effectivement soumises au contrôle du contrôleur financier et sont enregistrées dans le circuit de la dépense. Des audits sont régulièrement faits par l’ASCE-LC et l’Inspection générale des finances sur la commande publique, la gestion des carburants et lubrifiants ; les comptes de dépôts et les régies d’avances», a-t-il mentionné.
Toutefois, le secret défense est opposable à certains contrôles de dépense afin de ne pas s’exposer à l’ennemi. Et l’officier supérieur de l’Armée burkinabè de clarifier cette «omerta». Il souligne que pour des raisons de sécurité, il y a tout de même des limites aux différents contrôles.
Lesquels portent sur la commande de certaines armes qui relèvent du secret défense et bien d’autres aspects. Ce volet a été confirmé par Urbain Millogo qui assure que tous les rapports non couverts par le secret militaire sont transmis à l’ASCE-LC. Il a tenu à saluer les efforts déjà fournis par l’Armée burkinabè dans le contrôle.
Pour lui, les différentes inspections participent à la lutte contre la corruption au sein du département de la Défense. Pour une gestion efficace et efficiente du mécanisme de contrôle, il a souhaité que l’IGFAN soit dotée en personnel outillé, qualifié et suffisant pour le contrôle. Réaliser des audits conformément aux standards internationaux, idem pour l’Inspection technique de la sécurité.
Ce panel a été riche en débats, il avait pour but de montrer les forces et les faiblesses sur la transparence budgétaire de la défense et de la sécurité. Autre objectif poursuivi par le CIFOEB était d’interpeller le gouvernement qui fait déjà beaucoup d’efforts dans les allocations budgétaires de la défense et de la sécurité à maintenir le cap, voire à faire plus. Mais un plus qui induit une contribution conséquente des contribuables burkinabè aux régies de l’Etat. Pour y arriver, le président du Conseil d’administration du CIFOEB Seydou Dao a demandé un sursaut patriotique des Burkinabè dans la mobilisation des recettes fiscales.
L’impact sécuritaire sur les budgets publics est nocif au développement
La seconde communication qui a porté sur «Mobilisation des ressources dans un contexte d’insécurité: problématique et enjeux» a révélé que des difficultés de recouvrement étaient constatées dans certaines régions fortement touchées par les attaques terroristes. Selon le communicateur, l’inspecteur des Impôts, Sayouba Sawadogo, le recouvrement des recettes fiscales des régions du Nord, du Sahel, de l’Est et de la Boucle du Mouhoun est rendu difficile à cause de l’insécurité. Il cite aussi des Communes telles que Banh, Sollé, Ouindigui. Au regard de cette situation difficile, il a exhorté le gouvernement à ne point courber l’échine, car, dit-il, un Etat défaillant sera confronté à ses fournisseurs qui eux-mêmes seront redevables aux banques…
Selon Sayouba Sawadogo, cette perturbation de l’administration fiscale dans certaines parties du Burkina Faso peut favoriser la corruption, la fuite des capitaux, le blanchiment d’argent, l’incivisme fiscal, l’évasion fiscale, voire entraîner une crise politique et des grèves. L’impact sécuritaire sur les budgets publics est nocif pour le développement d’un pays, à écouter l’inspecteur des Impôts. Sur ce, il cite en exemple le cas du Rwanda qui au moment du pic de la guerre civile, a vu ses recettes fiscales baissées de 75% en 1994 ; la Côte d’Ivoire a enregistré une baisse de ses recettes fiscales d’environ 11% du PIB en 2011, 14,8% en 2012 et 15,6% en 2013.
JB
Impact sécuritaire : le Burkina Faso est résilient
Sayouba Sawadogo, qui totalise 12 ans d’expérience en fiscalité, a toutefois mentionné dans sa communication, que le Burkina Faso était résilient. Selon des statistiques qu’il cite, il laisse entendre que certaines régies financières, notamment la Direction générale des Impôts (DGI), atteignent des taux de recouvrement supérieur à 95% et des taux de progression supérieur à 10%. Il se félicite que malgré la situation sécuritaire, le gouvernement arrive toujours à faire face à ses obligations.