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Mines et blanchiment d’argent : Des revenus mal gérés et mal répartis

L’industrie extractive de l’Afrique est l’une des plus importantes au monde. Pour de nombreux pays africains, l’exploration et la production de minéraux constituent des composantes importantes de leurs économies et représentent une part importante du Produit intérieur brut (PIB) ou des exportations totales.
Il est indéniable que ce secteur soit entaché d’irrégularités telles que l’exploitation minière artisanale illicite, l’évasion fiscale, les contrats frauduleux, la corruption de haut niveau et la criminalité organisée ; autant d’éléments qui contribuent, chaque année, au blanchiment ou au détournement d’un montant considérable des recettes. Ce constat a été fait par le Groupe intergouvernemental d’action contre le blanchiment d’argent en Afrique de l’Ouest (GIABA) dans un rapport intitulé: «Blanchiment de capitaux et financement du terrorisme liés au secteur de l’industrie extractive et minière en Afrique de l’Ouest)» publié en octobre 2019. Le rapport se concentre sur 10 pays membres que sont le Burkina Faso, la Cote d’Ivoire, le Ghana, la Guinée, le Liberia, le Mali, le Niger, le Nigeria, le Sénégal et le Togo.
Selon Emmanuel Mathias, expert senior du secteur financier au Fonds monétaire international (FMI), cité dans le rapport, des liens ont été établis entre le commerce de métaux précieux, en particulier celui des diamants, et les flux financiers illicites, la corruption, le trafic de stupéfiants, la contrebande d’armes, le financement du terrorisme et d’autres activités illégales qui accompagnent la création de richesses et la croissance économique. Le GIABA n’occulte pas les causes de cette situation. Il estime que les organismes de répression criminelle ne sont pas bien outillés pour faire face au très haut degré de sophistication des éléments criminels opérant dans l’industrie extractive.
En effet, ce secteur extractif demeure la principale source de devises et constitue l’épine dorsale de 11 sur les 15 économies des États de l’Afrique de l’Ouest. Mais ces pays possèdent des institutions règlementaires faibles qui sont exposées à la corruption du fait de l’absence de garanties d’intégrité. A cela s’ajoutent l’ingérence politique inappropriée et la faible volonté politique de renforcer les cadres juridiques, de fournir des garanties ou d’améliorer la gestion. Ces tares ont perduré malgré les appels croissants en faveur de la bonne gouvernance dans le secteur extractif. Dans certains pays, la mauvaise gestion du secteur a fait perdurer l’insécurité et même déstabilisé les gouvernements.
Sur la base des informations mises à sa disposition, le GIABA conclut que la corruption constitue une des infractions sous-jacentes les plus graves du secteur extractif, par laquelle d’importantes quantités de produits illicites font l’objet de blanchiment.
L’étude a bénéficié du soutien considérable des autorités de supervision et de règlementation des institutions des États membres, telles que les Cellules nationales de traitement des informations financières (CENTIF), les ministères, agences et départements chargés de l’industrie extractive/du secteur minier.
Elle recommande aux pays de l’Afrique de l’Ouest de prioriser l’évaluation des risques de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme dans le secteur de l’industrie extractive. Elle peut se faire par la recherche d’une meilleure compréhension des méthodes formelles et informelles d’exploitation minière, des types de minerais extraits ou commercialisés et de la cartographie des chaînes logistiques et d’approvisionnement en minéraux ainsi que des acteurs de cette chaîne.
Le GIABA recommande aussi d’inscrire les normes de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme dans le Code minier communautaire de l’UEMOA, d’initier des réformes législatives spécifiques dans le secteur miner pour tenir compte des obligations de conformité en matière de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme, de mettre en place un mécanisme inter-agences ou institutions (ministère des Mines, Impôts et Douanes, Police, organismes de lutte contre la corruption, services de renseignement, etc.) de lutte contre le blanchiment d’argent et de financement du terrorisme et d’autres infractions sous-jacentes pertinentes liées à l’industrie extractive.

Elie KABORE


Situation de l’industrie extractive : Qu’en est-il du cas du Burkina Faso concrètement ?

Interrogés sur le cadre juridique régissant le secteur minier burkinabè, le gouvernement et la société civile nationale l’ont trouvé adéquat, contrairement aux opérateurs miniers pour qui ce cadre est inadéquat. L’efficacité de la supervision du secteur a été jugé inadéquate par tous les acteurs qui ont pourtant trouvé que les revenus collectés sont mal gérés. Il n’existe pas, selon eux, une équité dans le partage de ces revenus. Le gouvernement, la société civile et les opérateurs miniers sont unanimes qu’il manque la reddition des comptes dans le secteur. Quant à l’impact du secteur, il a été jugé très faible. Ils estiment qu’à un niveau faible, l’adoption des meilleures pratiques internationales influe sur la génération et la mobilisation de revenus provenant du secteur.

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