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Le grand retour de la Russie en Afrique

Le premier Sommet Russie-Afrique a «ouvert une nouvelle page» des relations entre Moscou et le continent africain, a déclaré Vladimir Poutine en clôturant l’évènement, ajoutant qu’il fallait «intensifier la coopération» pour remplir les objectifs de Moscou.
C’est du 22 au 24 octobre dernier qu’a eu lieu dans la station balnéaire de Sotchi, le Sommet Russie-Afrique co-présidé par Vladimir Poutine et Abdelfattah Al Sissi, président de l’Union africaine. Les 54 Etats africains étaient représentés, dont 47 chefs d’Etat et de gouvernement. Il s’agit du premier Sommet Russie-Afrique depuis la chute de l’URSS en 1991.
Le Sommet, qui doit se répéter tous les trois ans, est d’autant plus important que Moscou, après cinq années de sanctions économiques occidentales, a un besoin crucial de partenaires et de débouchés pour conjurer sa croissance atone.
Dans un contexte de tensions exacerbées avec les pays occidentaux, il est aussi l’occasion pour Moscou, après son grand retour au Moyen-Orient à la faveur de ses succès syriens, de montrer qu’elle est une puissance d’influence mondiale.

Rattraper son retard par rapport aux grandes puissances
Les motifs de la tenue de ce sommet sont donc à la fois politiques et économiques. Pour la Russie, c’est un moyen d’accroître son influence mondiale après son retour au Moyen-Orient et le succès de son intervention militaire en Syrie. Sur le plan économique, c’est l’occasion de trouver de nouveaux débouchés suite à la fermeture de certains marchés européens et occidentaux à la suite des sanctions dues à la crise ukrainienne.
D’autant plus que l’Afrique, riche de ses ressources naturelles, connaît une croissance économique intéressante. La Russie souhaite combler son retard par rapport aux grandes puissances, puisque ses échanges commerciaux en 2018 avec l’Afrique ne se sont élevés qu’à 17 milliards de dollars, contre 275 milliards pour l’Europe et 200 milliards pour la Chine, premier pays partenaire économique du continent africain. De leur côté, les pays africains ont répondu en grand nombre au Sommet de Sotchi, car ils souhaitent multiplier les partenaires au bénéfice du continent africain.
D’autre part, le discours politique russe invoque une coopération sans interférence dans les affaires intérieures, et est favorable à la stabilité des régimes même autoritaires. Sur un autre plan, la Russie est déterminée à apporter son aide à la lutte anti-terroriste, qui est primordiale pour beaucoup de pays africains qui subissent les sévices des groupes terroristes tels que Daech et Boko Haram. La Russie a enfin une grande expertise dans le nucléaire civil, la fabrication d’armes sophistiquées et tous les volets du secteur sécuritaire.

C’est du 22 au 24 octobre dernier qu’a eu lieu dans la station balnéaire de Sotchi, le Sommet Russie-Afrique co-présidé par Vladimir Poutine et Abdelfattah Al Sissi, président de l’Union africaine. Les 54 Etats africains étaient représentés, dont 47 chefs d’Etat et de gouvernement. Il s’agit du premier Sommet Russie-Afrique depuis la chute de l’URSS en 1991. (Ph. AFP)

Afin de préparer ce Sommet de Sotchi, le ministre russe des Affaires étrangères, Serguei Lavrov, a effectué en mars 2018, une grande tournée en Afrique australe et centrale en visitant l’Angola, le Namibie, le Mozambique et l’Ethiopie. En 2019, ce fut le tour de l’Afrique du Nord, avec la visite de l’Algérie, du Maroc et de la Tunisie. Des accords militaires ont été signés avec la République démocratique du Congo, l’Ethiopie et le Mozambique, et la Russie a annulé 20 milliards de dollars des dettes contractées par les pays africains vis-à-vis de Moscou.
Sécurité, lutte contre le terrorisme, développement économique, formation.
Alors que le Président Poutine a promis de doubler les échanges de la Russie avec l’Afrique dans les cinq ans à venir et de multiplier les investissements, l’entreprise russe Rosatom, déjà présente en Zambie, a signé un contrat avec l’Ethiopie pour la construction d’un réacteur nucléaire expérimental.
De son côté, le Rwanda a obtenu la construction par la Russie d’un centre de recherche sur le nucléaire. Un accord a été également paraphé pour la construction au Maroc d’un complexe pétrochimique d’une valeur de deux milliards d’euros. Des contrats miniers sont en cours entre la Russie, le Soudan du Sud et la Guinée équatoriale, alors que les géants pétroliers Gasprom et Rosneft sont présents dans plusieurs pays africains. La Russie a pu percer également en Afrique francophone, en contrôlant l’appareil sécuritaire étatique de la République centrafricaine, et en signant un accord militaire avec le Mali.
L’Agence russe Rosobonexport d’exportation d’armes a participé au Salon international sur la sécurité et la défense à Abidjan en janvier 2019 et coopère avec le G5 Sahel. Enfin, la Russie intervient dans plusieurs pays africains par l’intermédiaire d’entreprises privées de sécurité pour former et entraîner les militaires et les forces de l’ordre de ces pays.
La déclaration finale du Sommet Russie-Afrique a jeté les bases d’un nouveau partenariat équitable et multiforme entre la Russie et l’Afrique. Elle a défini des axes dans les domaines de la sécurité, la lutte contre le terrorisme, le développement économique et la formation.
Elle souligne la détermination de la Russie et des pays africains à contribuer à la paix et à la sécurité internationale, à la construction d’un système de relations internationales plus juste et plus équitable, basé sur les principes du respect de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de la non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats.
La déclaration soutient l’Agenda 2063 des pays africains et l’Agenda 2030 pour le développement durable de l’ONU. Enfin, elle institue le Sommet Russie-Afrique tous les trois ans.

L’Economiste /Edition N°:5628/ 04/11/2019


Attirer les convoitises

Dans un monde perturbé, les grandes puissances utilisent tous les moyens pour augmenter leur influence et se hisser aux premiers rangs. Deux puissances se détachent nettement, à savoir les Etats-Unis et la Chine. Celles qui suivent,  Europe, Russie, Japon et Inde tentent de se placer au mieux.
Avec particulièrement la Russie, en 2018, les échanges s’élevaient à 20 milliards de dollars, moins de la moitié de ceux de la France et dix fois moins que la Chine. Et la majorité du commerce concerne les ventes d’armes, rare domaine dans lequel la Russie est en tête en Afrique. Entre 2014 et 2018, la Russie représentait ainsi 49% du total des importations d’armes en Afrique du Nord et 28% de celles d’Afrique subsaharienne, selon l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI).
Aujourd’hui, dans ce contexte mondial, l’Afrique qui dispose d’immenses ressources naturelles et où beaucoup reste à faire, attire toutes les convoitises. Il appartient à l’Afrique de tirer partie de cette situation pour accélérer son développement et permettre à sa population de vivre dignement.

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