L’eau est une denrée rare. Pour la protéger des abus de tous ordres, surtout de la part des sociétés minières, grandes consommatrices, le gouvernement burkinabè s’est doté d’un arsenal juridique dans ce sens. Il s’agit, entre autres, de la loi n°058-2009/AN portant institution de la contribution financière en matière d’eau (CFE) et du décret n°2015-1470 portant détermination des taux et des modalités de paiement de la taxe parafiscale. Mais depuis son adoption, certaines sociétés minières rechignent à l’appliquer. Motifs souvent évoqués, qu’elles ont fait de nombreux investissements, ou encore qu’elles ont signé des conventions minières avec l’Etat burkinabè. D’autres évoquent le fait que la société minière dispose de son propre barrage. Certaines disent être protégées par la clause de la stabilité fiscale ; à cela, elles ajoutent l’argument de l’antériorité de la loi prise par l’Etat qui ne les concernerait pas. Des arguments jugés insuffisants par la partie burkinabè.
Selon le Secrétaire permanent pour la gestion intégrée des ressources en eau (SP/GIRE), Moustapha Congo, une loi votée est applicable à tous et de ce fait, ces sociétés sont contraintes de se soumettre aux lois nationales.
Pire, Moustapha Congo pense que celles-ci usent du dilatoire pour ne pas payer la taxe sur l’eau. Face à cette situation, le gouvernement a décidé de siffler la fin de la récréation, en recommandant le payement de la CFE par les sociétés minières. Mais en attendant, le SP/GIRE annonce qu’un bilan sur les mauvais élèves sera fait en août 2019. En attendant, il a été demandé aux agents comptables dans les différentes agences de l’eau de dérouler toute la procédure règlementaire. Mieux, ceux-ci ont émis des avis à tiers détenteur sur l’ensemble des mines, et la procédure va aller jusqu’aux contentieux pour les sociétés minières qui refuseraient de payer la CFE. A défaut, note le SP/GIRE, à cette allure, l’Etat sera obligé de les attraire en Justice.
Ce marteau qui plane sur la tête des sociétés minières est dû au fait qu’à la date du 17 juillet 2019, trois rencontres ont eu lieu entre elles et le ministère de l’Eau et de l’Assainissement pour les interpeller sur le respect de la loi. De ces rencontres d’interpellations, fait savoir le SP/GIRE, les lignes n’ont pas bougé. Pire, ce sont toujours les mêmes arguments qui sont avancés par les sociétés minières.
Le SP/GIRE révèle qu’à ces différentes rencontres, le ministre leur a toujours dit que la loi n’avait pas prévu d’exonération pour aucune société minière. Mieux, il avance que «L’eau est un patrimoine commun de la Nation. Il n’y a pas de propriété privée dans le domaine de l’eau et que même si une personne physique ou morale venait à construire un barrage, ce n’est pas sa propriété privée. L’eau est un bien public de l’Etat».
Toujours sur ce sujet, Moustapha Congo souligne que la construction des ouvrages se trouve dans leur immobilisation et que de ce fait, cet argument ne peut pas prospérer. A propos de la clause de stabilité fiscale qui est très souvent brandie par les sociétés minières, le SP/GIRE bat cela en brèche et avance que la loi d’orientation relative à la gestion de l’eau qui, elle, date de 2001, a, dans une de ses dispositions, prévu le principe du «pollueur-payeur» et du «préleveur-payeur». Cette disposition, dit-il, est bien explicite dans le Code minier de 2003 et revisitée en 2015. En plus de cela, le gouvernement burkinabè fait remarquer que la taxe sur l’eau est une taxe parafiscale, au regard du fait que l’eau est une ressource naturelle. «L’eau est considérée comme un intrant, ce n’est pas par rapport à un service rendu», fait savoir Moustapha Congo.
Ambèternifa Crépin SOMDA