La mesure de la gratuité des soins mise en œuvre par le gouvernement burkinabè est connue de la majorité de la population qui la trouve salutaire et pertinente. C’est la conclusion de l’enquête que le Secrétariat permanent des ONG (SPONG) a réalisée pour le trimestre 3 de l’année 2018. L’enquête a été rendue publique en décembre 2018.
Elle relève que la grande majorité de la population préconise l’élargissement de la gratuité aux personnes âgées, aux personnes en situation de handicap, voire à tout le monde. Toutefois, malgré la gratuité des soins, des agents de santé continuent de percevoir de l’argent avec les bénéficiaires et le plus souvent, au moment de la remise des ordonnances, révèle l’étude.
Dans quel contexte cette enquête a-t-elle été réalisée ?
Au Burkina Faso, 40,10% de la population vit en dessous du seuil de la pauvreté et moins de 40% des pauvres ont accès aux services sociaux de base, notamment la santé, selon des données de l’Institut national des statistiques et de la démographie.
Une situation qui augmente le taux de morbidité et de mortalité lié à certaines pathologies et à la grossesse.
Pour faire face à cette situation, le gouvernement a pris des mesures sociales pour faciliter l’accès aux services sociaux de base par les plus vulnérables, dont la gratuité des soins chez les enfants de moins de 5 ans et les femmes enceintes.
Une mesure en vigueur depuis le 2 avril 2016
Elle vise à favoriser l’accès des groupes vulnérables aux services et soins de santé de qualité, à baisser de façon significative les dépenses énormes de santé ainsi que les décès maternels et infanto-juvéniles évitables et aussi à réduire la morbidité et la mortalité au sein de ces groupes cibles.
Pour réaliser un contrôle de l’effectivité de la mise en œuvre de cette mesure sur le terrain, des ONG ont signé des protocoles d’accord avec le ministère de la Santé. C’est dans ce cadre que le SPONG a obtenu de l’UNICEF, un appui financier pour effectuer un suivi-contrôle de l’effectivité de la mesure de gratuité dans 6 régions sanitaires du pays.
Il s’agit des régions sanitaires du Sahel, du Centre-Nord, de l’Est, du Centre-Est, du Centre-Ouest et du Centre-Sud respectivement dans les districts sanitaires de Dori, Barsalgho, Fada, Tenkodogo, Koudougou et Manga. Dans ces 6 régions, le SPONG a donné la parole à un certain nombre de personnes, dont des bénéficiaires de la mesure ou leurs accompagnants, des membres des Comités de gestion des formations sanitaires et les membres des équipes cadres de district et les Directions régionales de la Santé.
Que peut-on retenir des résultats de l’enquête ?
Sur la connaissance et la pertinence de la mesure de la gratuité des soins, la totalité des personnes enquêtées ont déclaré la connaitre à Barsalgho. Si à Dori, 92,18% ont déclaré la connaitre, ils étaient 97,78% à Fada, 98,10% à Tenkodogo, 84,44% à Koudougou, et 99,44% à Manga.
Interrogés sur la qualité de l’accueil dans les formations sanitaires, les réponses reçues des usagers tendent à dire qu’il n’a pas connu de changement qualitatif notoire avec la gratuité des soins. Par contre, les usagers trouvent que la qualité a baissé, au regard du temps d’attente qui s’est allongé. En effet, ceux-ci expliquent cette situation par l’affluence dans les formations sanitaires liée à la mesure de gratuité de soins et à l’insuffisance de personnels de santé.
Un fait notoire a été relevé, l’indisponibilité ou la rupture des médicaments de la mesure de gratuité des soins dans les formations sanitaires, créant un grand désarroi des bénéficiaires.
Presque la moitié des répondants à Dori (47,81%), à Fada (55%) et à Manga (48,33%) ont noté cette indisponibilité des médicaments.
Ils étaient plus nombreux à Koudougou (72,78%) et à Tenkodogo (85,22%) à avoir déclaré cette indisponibilité des médicaments. Par contre, 88,67% des enquêtés ont déclaré que les médicaments qu’on leur prescrivait étaient disponibles dans les formations sanitaires à Barsalgho. Les personnes enquêtées se sont prononcées sur la disponibilité des agents de santé pour assurer la gratuité des soins. Sur ce point, 77,14% des enquêtés à Dori ont déclaré que les agents de santé étaient disponibles pour leur fournir les soins. A Barsalgho, 67,62% des enquêtés ont déclaré la disponibilité des agents. Ils étaient 77,14% à Fada, 79,52% des enquêtés de Koudougou, 85,24% à Manga et 97,14% à Tenkodogo qui ont déclaré que les agents de santé étaient disponibles pour leur fournir les soins.
Elie KABORE
Sanctionner les agents indélicats
Au terme de l’enquête, des recommandations ont été formulées, à savoir poursuivre la communication sur la gratuité des soins pour sensibiliser les populations ainsi que les prestataires de santé, la disponibilité des médicaments et les autres intrants nécessaires à la prise en charge des patients, la promotion des bonnes pratiques en matière de gestion des mesures de l’effectivité. Il a aussi été recommandé de donner une suite aux contrôles en encourageant les agents exemplaires et en sanctionnant les agents indélicats conformément aux dispositions légales en la matière.