La Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM) vient de lancer sa troisième cohorte d’entreprises sélectionnées dans le cadre du programme Elite BRVM Lounge pour intégrer le troisième compartiment de la place d’Abidjan réservé aux PME/PMI. A l’occasion de cet évènement, L’Economiste du Faso a rencontré le Directeur de l’antenne nationale de la BRVM à Ouagadougou. Léopold Ouédraogo explique, dans cette interview, les objectifs de cette initiative et les opportunités qu’elles pourraient offrir aux sociétés en quête de croissance.
L’Economiste du Faso: Qu’est-ce qui a motivé la création de ce troisième compartiment au profit des PME/PMI ?
Léopold Ouédraogo (Directeur de l’antenne nationale de la BRVM): Ce compartiment a été envisagé à partir du retour que nous avions des acteurs du terrain, chaque fois que nous avions des contacts avec les chefs d’entreprises, il nous revenait que le marché financier ne s’intéressait qu’aux grandes entreprises. C’est ainsi que la Direction de la bourse a entamé la réflexion pour voir dans quelle mesure on pouvait prendre en charge cette préoccupation. Surtout que l’économie de la sous-région est essentiellement portée par les PME/PMI.
Ainsi, à partir de 2012, une première note avait été élaborée dans ce sens. Mais, il y avait plusieurs options en concurrence. En 2014, une étude a été diligentée pour trouver la meilleure formule qui consiste à ouvrir dans le marché des actions, un 3e compartiment pour permettre à ces entreprises de se financer. Après plusieurs échanges avec le régulateur, le Conseil régional de l’épargne publique et des marchés financiers (CREPMF), ce compartiment a été mis sur pied le 19 décembre 2017.
Est-il fonctionnel à ce jour ?
Ce que je peux dire, c’est qu’il est techniquement fonctionnel. Cela veut dire que s’il y a une entreprise qui répond aux critères de ce compartiment et qui souhaite être cotée, cela peut être effectif dès demain. Le système est opérationnel. Mais pour le moment, il n’est pas alimenté. Le programme Elite de la BRVM vise justement à préparer les entreprises candidats à leur entrée en bourse dans le 3e compartiment. Les études avaient relevé qu’il fallait un accompagnement durable pour les entreprises qui allaient se présenter pour ce compartiment afin qu’elles soient aguerries.
Nous sommes partis d’un bench marking qui a fait ressortir que sur d’autres marchés, on avait créé ce genre de compartiment et cela n’a pas fonctionné faute d’accompagnement. A titre d’exemple. Le Botswana, depuis 2004, n’a que 8 entreprises cotées, le Malawi, lui, depuis 2007, n’en a aucune. Le Kenya, qui a une des bourses les plus dynamiques, n’a que 4 entreprises depuis 2013. En Angola, au Rwanda, il n’y a toujours rien. Il y avait matière à réfléchir pour éviter de tomber dans les erreurs des initiatives précédentes. Cette nécessité d’accompagner les entreprises s’est traduite par deux options. La première qui n’est pas abandonnée est la mise en place d’un fonds qui pourra prêter de l’argent aux entreprises afin qu’elles s’y préparent, avec des possibilités différées dans le cadre du remboursement, afin que l’entreprise sente moins le coût de l’introduction à la bourse.
Le plus important accompagnement demeure le programme Elite. Si on veut en faire l’économie, nous sommes à 30 entreprises au total pour les trois cohortes. Pour la troisième cohorte qui vient d’être lancée le 24 juin 2019, BBS First Security SA y figure pour le compte du Burkina Faso.
Quels sont les critères pour entrer dans la cohorte ?
Pour y être, il y a des critères qui portent sur le chiffre d’affaires qui est de 500 millions au moins. Au niveau du capital, un minimum de 10 millions et avoir le statut de société anonyme. Pour ce qui concerne le niveau d’endettement, on demande d’avoir un endettement raisonnable. Pour ce qui est du total bilan, il faut qu’il soit assez conséquent.
La démarche est volontaire…
Oui, la démarche est volontaire. Nous sommes en train de préparer la quatrième cohorte et nous recherchons des entreprises pour cela. Si des entreprises sont intéressées par notre programme pour renforcer leurs capacités de passer d’un niveau de développement à un niveau superieur ou passer d’un statut national à régional ou international, c’est le bon canal pour le faire.
C’est donc une occasion à saisir ?
C’est une aubaine. Le programme est gratuit. Il coûte 300.000 dollars mais est financé par la BAD (Banque africaine de développement) et la BRVM. Il faudrait que les entreprises en profitent parce qu’au finish, que les entreprises aillent en bourse ou pas, elles capitalisent un certain nombre d’acquis en termes de formation, d’organisation de capacitation en matière de recherche de financement et surtout elles bénéficient d’un vaste réseau d’entreprises à l’international en matière de coopération (NDLR : voir encadré).
L’objectif de ce programme personnalisé est de donner des outils aux entreprises et de les intégrer dans un réseau et permettre leur développement à long terme en créant des champions régionaux ou sous-régionaux.
Il y a quelques entreprises burkinabè dans les différentes cohortes, avez-vous espoir qu’une d’entre elles aille jusqu’au bout et s’inscrive à la cote?
Nous avons bon espoir qu’il y en ait. C’est l’objectif final de ce programme. Quand on échange avec certains dirigeants, ils voient en ce programme une opportunité de passer à une étape supérieure. Il y a des entreprises qui ont atteint un niveau de développement tel qu’elles sont dans la perspective de s’ouvrir sur l’extérieur en termes de croissance de marché. La plupart des entreprises burkinabè qui sont dans les cohortes sont dans ce cas. Donc un des atouts de ce programme, c’est de les appuyer en termes de stratégies pour qu’elles se positionnent en termes de recherche de financement et de développement.
Là, on recherche les PME/PMI, qu’en est-il des grosses entreprises ? Le Burkina n’a que 3 entreprises cotées.
Nous sommes toujours à pied d’œuvre. L’approche consiste à rencontrer régulièrement des entreprises qui, de par leur potentiel, pourraient tirer parti d’une introduction à la bourse. Nous avons des candidats, mais le processus prend du temps.
Vous avez vu le cas de l’Onatel. Le processus a fait l’objet de nombreux échanges. Il fallait expliquer aux gouvernements et aux autres parties prenantes. Il y a des processus de deux ou trois ans, voire cinq ans pour certains. A l’antenne, c’est un travail de suivi d’un vaste portefeuille de grandes entreprises. Chaque année, nous continuons la discussion, nous rassurons, en espérant le déclic.
On a un secteur qui consomme d’énormes capitaux comme le secteur minier mais aucune des entreprises ne lève des fonds au niveau régional…
Il y a un problème avec nos pays. On aurait pu faire en sorte que les populations participent à la croissance de ce secteur et partagent les bénéfices en imposant aux gens qui viennent s’installer de réserver une part des sociétés ouverte au public de l’UEMOA. Cela changerait la vision des populations sur le secteur minier.
Si ces sociétés devaient lever des fonds dans l’espace UEMOA, elles règleraient le risque de change, impliqueraient les populations à la vie de la société qui en bénéficierait des retombées. La vision changerait forcément.
Propos recueillis par AT
ELITE-BRVM en quelques mots
Le Programme ELITE est un programme international développé par le London Stock Exchange Group en 2012.
C’est une plate-forme unique qui permet un cadre d’échange structuré, à long terme, entre les petites et moyennes entreprises à forte croissance d’une part, et les experts de l’industrie, les sociétés de conseil et les communautés d’investisseurs d’autre part, afin d’aider ces entreprises à se préparer et se structurer pour leur prochaine étape de croissance.
L’objectif principal de ce programme est de mettre à niveau les moyennes entreprises les plus performantes et les plus ambitieuses de la sous-région, afin qu’elles aient les capacités requises pour lever les fonds nécessaires à leur développement via une introduction au troisième compartiment de la BRVM au terme de leur formation.
Pour ce faire, ELITE-BRVM se décomposera en 3 phases, qui impulseront les changements organisationnels requis au sein des PME candidates :
1- Un programme de formation
2- Une période d’accompagnement soutenue par des mentors
3- Un accès direct à la communauté financière par le biais d’une plateforme communautaire dédiée.o
«BRVM Petites Capitalisations»: critères indicatifs d’admission
Accompagnement pour l’introduction en bourse
L’émetteur candidat à l’admission au troisième compartiment désigne un Listing Sponsor qui est une Société de gestion et d’intermédiation (SGI).
Le Listing Sponsor assiste la société candidate dans l’accomplissement de ses diligences lors de l’introduction au troisième compartiment et s’assure, sur une base continue avec la première cotation, que l’émetteur se conforme aux obligations légales et règlementaires du marché financier régional de l’UEMOA.
Des conditions d’admission allégées et simplifiées
Est admissible au troisième compartiment, toute société répondant de façon cumulative aux critères suivants:
– Avoir le statut juridique de Société anonyme;
– Disposer d’un capital social minimum de dix (10) millions FCFA;
– Disposer d’états financiers certifiés des deux exercices précédant l’année de la demande d’admission à la cote ;
– Produire un plan d’affaires sur un horizon de trois (03) ans ;
– Diffuser, au titre du flottant, une quantité minimale de 500.000 titres correspondant au minimum à 10% du capital social ;
– Avoir signé un contrat avec un Listing Sponsor.
En outre, les actionnaires détenant au minimum 10% du capital social de la société candidate, au moment de son introduction sur le compartiment, doivent s’engager à maintenir leur participation à un niveau au moins égale audit seuil, pendant une période de 3 ans, à compter de la date de la première cotation.