Un communiqué publié par le Conseil régional de l’épargne publique et du marché financier (CREMPF) a mis en garde l’opinion sur la récurrence d’offres de placement aux promesses de rendements élevés au Burkina Faso. Nisfaso, Globumi, Ontega Trading Finance, Avatrade Finance et Sofato ont été mis à l’index par le régulateur du marché financier de l’UEMOA. Avec le Directeur de l’Antenne nationale de la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM), Léopold Ouédraogo, L’Economiste du Faso vous propose un éclairage sur le dossier.
L’Economiste du Faso: Le CREPMF a publié un communiqué rappelant que l’appel à l’épargne publique est règlementé et que tous ceux qui se livraient à cet exercice sans autorisation sont dans l’illégalité. Quel commentaire faites-vous de ce communiqué ?
Léopold Ouédraogo, Directeur de l’Antenne nationale de la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM): D’abord, je voudrais préciser que je n’interviens pas au nom du CREPMF. Avant de me prononcer, il est important de préciser que le communiqué est authentique. Parce que certaines personnes tentent de dire le contraire.
Ce communiqué vient attirer l’attention de l’opinion, des épargnants sur un certain nombre de propositions qui leur sont faites et qui leur font miroiter des gains très élevés. Il s’agit de les appeler à la prudence et de s’assurer que leurs interlocuteurs ont les autorisations nécessaires pour cette activité.
Pour les entreprises visées dans le communiqué, le régulateur les invite à se conformer à la règlementation. Le CREPMF a certainement vérifié l’activité de ces entreprises et a conclu qu’elles exerçaient hors du cadre règlementaire. Il faut rappeler que le numéro IFU et le RCCM ne suffisent pas pour mener des activités qui touchent à la gestion et à l’appel public à l’épargne. Les banques, par exemple, ont un registre du commerce ou un IFU, mais pour exercer comme banquier, il faut bien un agrément de la BCEAO, cela est valable pour le pharmacien qui a besoin d’un agrément pour vendre du médicament.
Les entreprises visées ne mènent pas les mêmes activités …
Oui, il y a deux catégories: celles qui font des activités de placement et celle qui font un appel public à l’épargne. Qu’importe le segment sur lequel elles sont pour mener une telle activité, il faut un agrément de l’autorité de régulation ou un visa de celle-ci. Pour l’appel public à l’épargne, n’est permis que si un dossier en bonne et due forme est déposé auprès du Conseil régional et que l’opération en vue a obtenu un visa du CREPMF.
Je voudrais préciser que le communiqué rappelle juste des règles de droit et attire l’attention des uns et des autres que le Conseil est dans une phase d’information et de sensibilisation.
Il y a eu des cas au Burkina où des épargnants ont été floués de plusieurs milliards. Pourquoi le régulateur fait-il ce communiqué maintenant, selon vous ?
Le Conseil a un regard sous-régional et selon l’évolution des choses, il est appelé à intervenir. Il a déjà publié un communiqué de ce type en février 2018. Il y a eu 6 à 8 entreprises qui étaient indexées, dont la majorité en Côte d’Ivoire. Et ce communiqué qui indexe des sociétés burkinabè n’est donc pas un cas isolé, il est diffusé comme la dernière fois au sein de l’Union.
Le communiqué cite des entreprises burkinabè qui ont pignon sur rue pour certaines, comment expliquez-vous le fait qu’elles ignorent cette règlementation ?
On peut le penser. Il s’agit de créateurs d’entreprises qui ont eu des idées et qui n’ont pas été bien conseillés ou qui ne connaissent pas vraiment l’environnement juridique de leurs activités. En principe, cela ne devrait pas arriver. Mais ce qui me conforte dans cette position, c’est que certaines entreprises, dès qu’elles ont eu l’information, sont en train de prendre les dispositions pour se conformer à la loi.
Revenons sur les notions de placement et d’appels publics à l’épargne. Qui peut le faire ?
Pour recevoir de l’épargne du public, il y a trois catégories de structures qui sont habilitées à recevoir et placer de l’argent: les banques, la microfinance et les sociétés de gestion et d’intermédiation. Toutes les autres structures qui le font sont hors la loi.
Pour l’appel public à l’épargne, c’est quand une personne morale ou un groupe de personnes dit qu’il a besoin de tel montant pour financer une société et en contrepartie offre des droits aux souscripteurs.
Mais les conditions sont claires. Si cet appel de fonds dépasse un cercle de 99 personnes, il devient un appel public à l’épargne. Ce sont les textes du CREPMF et de l’OHADA qui le prévoient ainsi.
Toute personne qui utilise la voie de la publicité ou des démarcheurs avec des prospectus est en situation d’appel public à l’épargne, même si les 99 personnes ne sont pas atteintes. Enfin, toute société qui souhaite faire un appel public à l’épargne doit monter un dossier à cet effet et requérir le visa du régulateur.
Même l’Etat du Burkina Faso, en situation d’appel public à l’épargne, soumet un dossier et sollicite un visa à cet effet. Ces procédures ont été édictées dans le but ultime de protéger les épargnants. Si on ne régule pas, les conséquences peuvent être désastreuses au plan économique et social ou politique.
Que peuvent faire ces entreprises indexées?
Si elles tiennent à exercer dans ce secteur, il faut se mettre à jour. Celles qui ont des opérations en cours, c’est de les suspendre et de les régulariser avant de poursuivre.
Se mettre en règle ne va-t-il pas être plus difficile pour certaines en termes de capacités ?
Elles sont de tailles diverses, certaines pourraient le faire plus facilement que d’autres. Par exemple, pour l’appel public à l’épargne, c’est faisable. Le but ici, c’est de donner des garanties aux épargnants à travers la régulation et l’application de la règlementation du secteur afin qu’ils ne soient pas floués.
C’est une question de responsabilité sociale. On a vu des dérapages ailleurs qui ont failli provoquer des troubles sociaux, voire politiques.
On constate un engouement pour le trading en ligne. Ce secteur échappe-t-il au régulateur ?
Ici, vous parler du trading sur le marché des devises. Cela consiste à utiliser du CFA pour acheter d’autres devises. Prendre des positions et faire des gains. C’est une activité qui a cours effectivement. Mais, elle est régulée par la BCEAO. Il faut s’assurer que la structure qui vous propose ces offres-là est reconnue par le régulateur. Il faut être très prudent. Des épargnants ont pris leur capital retraite pour investir sur ces marchés avec tous les risques liés à ce type de placement.
Interview réalisée par FW
Que disent les textes ?
Ci-dessous, les trois premiers articles de l’Instruction N°36/2009 portant modification et annulation de l’Instruction N°33/2006 relative à l’appel public à l’épargne au sein de l’UEMOA. Ils sont contenus dans le chapitre 1 qui traite des dispositions générales. Ces articles précisent qui peut émettre un appel public à l’épargne et les conditions y relatives. Le chapitre 2, quant à lui, porte sur les diligences qui incombent à chaque type d’émetteur.
Article 1
Sont réputés faire appel public à l’épargne, les Etats ou toute autre entité.
Dont les titres sont disséminés au-delà d’un cercle de cent personnes, n’ayant aucun lien juridique entre elles ;
Qui, pour offrir au public de l’UEMOA des produits de placement, on recourt soit à un syndicat de placement, soit à des procédés quelconques de sollicitation du public au titre desquels figurent notamment, la publicité et le démarchage ;
C) Dont les titres inscrits à la Bourse régionale des valeurs mobilières.
Article 2 :
Les opérations d’appel public à l’épargne sur le marché financier régional de l’UEMOA sont soumises au visa préalable du Conseil régional.
La formalité du visa préalable n’est pas exigée pour les emprunts émis par un Etat ou un groupe d’Etats.
Le visa octroyé par le Conseil régional doit faire l’objet d’une large diffusion sur le territoire de l’UEMOA.
Article 3 :
Toute entité ou personne qui entend procéder à un appel public à l’épargne dans le cadre d’une émission ou d’une cession est tenue :
D’établir une note d’information, soumise au visa obligatoire du Conseil régional, à l’exception de celle élaborée par un Etat ou un groupe d’Etats ;
De désigner une Société de Gestion et d’Intermédiation (SGI) comme chef de file du syndicat de placement des titres.