DU 4 au 6 avril 2019 a eu lieu au Centre international de conférences de Ouaga 2000, la 3e édition de la Semaine des énergies et énergies renouvelables d’Afrique (SEERA). Un rendez-vous d’affaires pour le pays pour exposer ses besoins en matière énergétique et recueillir les avis des experts conviés aux différents panels.
Une occasion que L’Économiste du Faso a saisie pour approcher le premier responsable du département de l’Energie du pays. Dans cette interview, le ministre Bachir Ismaël Ouédraogo fait le point de l’action du gouvernement et de ses partenaires dans le secteur de l’énergie.
L’Economiste du Faso: La dernière interview que vous nous avez accordée date d’il y a un an. Une belle occasion de faire le point de l’action du gouvernement et de ses partenaires dans le sec- teur de l’énergie.
Bachir Ismaël Ouédraogo, ministre de l’Energie: Merci pour l’occasion que vous me donnez de m’exprimer à travers vos colonnes. C’est pour nous un devoir de redevabilité de dire ce que nous faisons aux citoyens à chaque fois que l’occasion nous est donnée de nous exprimer. Pour répondre à votre question, il faut dire qu’en un an, le gouvernement du Burkina Faso, à travers mon département, a fait beaucoup d’efforts afin que tous les Burkinabè, qu’ils vivent en ville ou en campagne, aient accès à des services énergétiques de qualité et à moindre coût conformément à la vision du Président Roch Marc Christian Kaboré.
En termes de renforcement du système d’approvisionnement en électricité, il faut rappeler la réalisation de la ligne d’inter-connexion Bolgatenga-Ouagadougou et sa mise en service en juin 2018.
Cette interconnexion offre au Burkina Faso une capacité supplémentaire de 50MW extensible à 100MW. Nous nous sommes rendus tout dernièrement au Ghana, où nous avons pu rencontrer le Président Nana Akufo-Addo sur instruction du président du Faso. Nos amis Ghanéens sont disposés à augmenter la capacité qu’ils nous fournissent. En 2018, le gouvernement a également autorisé mon département à conclure des contrats avec des partenaires privés pour assurer la production d’électricité de 50MW en thermique et de 155MW en solaire.
En termes d’électrification rurale, on peut noter l’électrification de 398 localités avec un nombre d’abonnés de 31.451 pour soulager 991.510 habitants.
Pour ce qui est de l’accès des populations aux services énergétiques, mon département a pu réaliser en 2018, 49.374 nouveaux branchements. Ce qui porte le nombre d’abonnés au réseau national à plus de 750.000. Donc à ce rythme, l’objectif présidentiel de raccorder un million d’abonnés à l’horizon 2020 sera atteint.
En termes de promotion des énergies renouvelables et l’efficacité énergétique, mon département a mis en œuvre un certain nombre de projets. Il s’agit de l’installation d’environ 1000kWc dans 14 Centres médicaux avec antenne chirurgicale (CMA), 140 CSPS et écoles. Nous avons pu installer, au cours de l’année 2018, 2.085 lampadaires solaires pour l’éclairage public et vulgariser l’utilisation des lampes LED dans les ménages.
Le leadership reconnu du Président Roch Marc Christian Kaboré est aujourd’hui un gage de confiance pour nos partenaires. Cela nous a permis d’engager avec ces derniers la mise en œuvre du programme yeleen. Nous attendons de ce projet, 50MW solaire, 150.000 abonnés en milieu rural. Il y a aussi l’inter- connexion Nigeria-Niger-Bénin-Burkina Faso (330kV), le parc solaire régional (2
X 150MW), les centrales solaires de Kou- dougou (20MW), Kaya (10MW) et de Bobo-Dioulasso (17MW), où nous bénéficions du soutien de nos partenaires.
Zéro coupure cette année ou pas ? Quelles sont les dispositions qui sont prises pour que la canicule soit moins rude ?
Nous pouvons vous assurer que des efforts sont faits au niveau du ministère de l’Energie, afin que l’électricité puisse être disponible pour tous les Burkinabès Mais nous ne pouvons pas dire qu’il y aura zéro coupure. Il faut restituer la vérité pour les Burkinaè. La Nationale d’électricité n’a pas bénéficié d’investissement entre 2010 et 2015 à cause de sa situation financière difficile.
C’est aussi pour éviter de dépendre de ce que nous ne produisons pas comme le DDO et le HFO que le gouvernement a pris l’option de se tourner vers le solaire. Mieux, dans tous les pays du monde, des coupures existent pour plusieurs raisons. Des perturbations peuvent intervenir sur le réseau à tout moment. Elles entraînent des coupures d’électricité dans certaines zones et dans de pareilles situations, on ne parle pas de délestage.
La mise en service de l’interconnexion avec le Ghana couplée à la production de la centrale solaire de Zagtouli contribue à lever le déficit énergétique pour le moyen terme. Pour pallier l’insuffisance de production, le gouvernement, à travers mon département, a acquis la construction d’une centrale thermique de 50 MW en PPP. Cela doit nous permettre d’offrir de l’électricité aux Burkinabè en attendant la concrétisation des projets structurants.
Quelle est aujourd’hui la cartographie de la production de l’énergie dans notre pays en 2O18 ? En 2017, nous étions à 1.096. 038,422 kWh…
En 2018, la production de l’énergie
électrique est la suivante :
– production thermique: 870.551,429 kWh ;
– production hydroélectrique: 91.442,448 kWh ;
– production solaire: 54.092 kWh ;
importation avec les pays voisins: 782.468 kWh.
L’énergie électrique totale produite en
2018 est de 1.016.086 kWh. Nous constatons une baisse par rapport à la production de 2017. Cela est dû à une baisse de production hydroélectrique consécutive à la mauvaise pluviométrie.
Le secteur de la production a été ou– vert au privé et cela a permis au MCC de faire une belle part au secteur de l’énergie. Comment cela se passe pour le projet de parc solaire que vous aviez annoncé ?
Le MCC soutient le gouvernement du Burkina Faso pour la conduite des négociations des contrats et documents annexes avec les partenaires privés en charge de la construction des centrales en PPP, que ce soit en thermique ou en solaire. Aussi, une feuille de route est en conception par le MCC pour le développement structurel du secteur de l’énergie. Les différentes activités du MCC seront donc déclinées à travers cette feuille de route. C’est pour dire que l’un dans l’autre, nous attendons beaucoup de ce partenaire dans l’atteinte de nos objectifs.
Quelle est la part du solaire pour lequel vous déployez autant d’efforts ?
La priorité du gouvernement est de porter à 30% la part des énergies renouvelables dans le parc national en 2020. Selon les chiffres provisoires de 2018, nous sommes à 14,32% des parts des énergies renouvelables dans la production nationale.
Cependant, avec la réalisation des pro- jets en cours tels que les 155 MW en PPP, la construction du parc solaire régional (2X 150MW) dont les études de faisabilité sont en cours ; des centrales solaires de Koudougou (20MW), Kaya (10MW) et Bobo-Dioulasso (17MW), nous serons largement au-dessus de ces 30 %. L’un dans l’autre, l’objectif contenu dans le PNDES sera largement dépassé en 2020.
En 2019, peut-on s’attendre à un bond de la production solaire et pour- quoi ? Quel niveau de couverture des ménages peut-on espérer ?
Au regard des initiatives entreprises par mon département, un plus grand nombre de ménages aura accès à l’électricité, sur- tout l’énergie solaire.
En effet, à travers l’électrification rurale par mini-centrales solaires avec stockage, nous permettrons à plus de 1.000 ménages en milieu rural d’avoir accès à l’électricité, et le projet back-up solaire, lancé le 25 février dernier, offre l’opportunité à plus de 6.000 ménages d’acquérir des équipements solaires de qualité à un prêt à taux zéro grâce à l’accompagnement du gouvernement. Aussi, le programme Yeleen dans sa composante 3, permet- tra à plus de 500 ménages d’avoir accès à l’électricité. Avec le Fonds vert climat, nous avons également obtenu un finance- ment pour équiper 1.000 ménages en solar home system et 100 mini-centrales solaires off-grid pour raccorder 50.000 ménages.
Lors des dernières AG du printemps de la BM et du FMI, vous aviez annon- cé de bonnes nouvelles dans le secteur. Où en êtes-vous avec ces projets de construction des centrales solaires de Koudougou et de Kaya, notamment avec la Banque mondiale ?
Pour les projets de construction des centrales solaires de Koudougou (20MW) et de Kaya (10), les sites sont acquis, les appels d’offre sont lancés. Si tout se dé- roule normalement, nous aurons ces deux centrales au dernier semestre de 2020.
Par ailleurs, en ce qui concerne les pro- jets de construction des centrales solaires de Ouaga, Dori, Gaoua et Diapaga, nous sommes à la signature des conventions avec AFD/BAD.
Parlez-nous des projets d’interconnexion. Celui avec le Ghana avance à grands pas, quelle est sa date d’effectivité ?
L’interconnexion électrique avec le Ghana est effective depuis juin 2018, avec une puissance de 50 MW. Actuellement, nous sommes en négociation avec le Ghana pour passer à 100 MW.
Par ailleurs, dans le cadre du WAPP, en plus d’une ligne d’interconnexion de 330 kV (Nigeria, Niger, Bénin et Burkina Faso), notre pays bénéficie d’une centrale solaire de 2 X 150 MWc à vocation sous-régionale dont les études de faisabilité sont en cours.
On annonce avec tout ce train de mesures, une éventuelle baisse du kilo- watt heure, est-ce que l’usager en bénéficiera vraiment à moyen terme ?
La volonté affichée du gouvernement est de permettre l’accès de tous les Burkinabè aux services énergétiques de qualité et à moindre coût, d’où l’option de se tourner vers le solaire. La promotion du solaire que nous avons enclenchée va nous permettre de produire le kWh à moindre coût, c’est-à-dire entre 48 et 50 F le kWh, alors qu’avec le HFO et le DDO, nous produi- sons le kWh à plus de 90F. Ce qui doit se ressentir, à terme, au niveau des ménages.
Etes-vous satisfait des résultats de la défiscalisation de certains équipements solaires ? Avez-vous des chiffres liés à l’importation des produits solaires ?
La défiscalisation de certains équipements solaires permet de réduire leur coût et par ricochet, d’accroître le nombre de ménages pouvant avoir accès à l’électricité, surtout en mi- lieu rural. Ce qui est une bonne chose pour nous. Nous avons le soleil, pourquoi ne pas permettre son exploitation pour le bonheur des populations ?
La question des importations relève des ministères en charge du commerce et des finances. Cependant, dans le cadre de la politique de promotion des énergies renouvelables et l’efficacité énergétique chère au Président Roch Marc Christian Kaboré, mon département a créé une Direction générale et une Agence en charge de ces questions. Avec la mise en œuvre du projet back up solaire, l’ANEREE va assurer son rôle de contrôle de la qualité des produits solaires qui est une de ses missions statutaires.
Il est régulièrement question de la qualité douteuse des équipements et accessoires. Comment le département y veille-t-il ? Y a-t-il un contrôle ?
La plupart des équipements solaires sont importés. La question du contrôle de leur qualité est une des missions de l’ANEREE. Cependant, pour que mon département joue pleinement son rôle de contrôle, il faudra que des usines de montage des équipements solaires soient mises en place.
Beaucoup de ménages se mettent au solaire. Quelle pourrait être leur part dans la production nationale.
Depuis la défiscalisation des équipements solaires en 2012, nous constatons un engouement des ménages pour les installations solaires. Cependant, pour des raisons financières, nous ne disposons pas de statistiques permettant de capitaliser leur production. En effet, pour disposer de telles statistiques, il faut une enquête d’envergure nationale. Par contre, ce que nous pouvons maîtriser, c’est la puissance installée des systèmes solaires des projets mis en œuvre par le ministère de l’Energie qui peut être estimée à plus de 2 000kWc.
Propos rassemblés par AT