L’ANALYSE des budgets des quatre dernières années (2016 à 2019) fait ressortir une hausse continue des budgets alloués aux salaires et une baisse drastique des budgets des investissements. Ces quatre années correspondent à la mise en œuvre du Programme national de développement économique et social (PNDES) qui a été bâti autour des investissements comme le moteur de la croissance.
Le volume important du budget des salaires au détriment des investissements fait craindre une récession économique à long terme.
Au 31 décembre 2016, les dépenses salariales étaient chiffrées à 554,47 mil- liards FCFA. Par contre, les dépenses d’investissement d’un montant de 460,780 milliards FCFA étaient inférieures aux salaires.
En 2017, un effort a été fait pour revoir à la hausse les investissements à 799,087 milliards FCFA contre 570,04 milliards FCFA pour les salaires. En 2018, les indicateurs vont se dégrader. Avec un budget d’investissement de 790,553 milliards FCFA contre 630,730 milliards FCFA de dépenses salariales.
Une dégradation qui va s’accentuer en 2019, puisqu’on assiste à une chute du budget des investissements à 628,057 milliards FCFA alors que le budget consacré aux salaires a connu une nette hausse pour se situer à 835,9 milliards FCFA. Outre les salaires versés aux agents publics, des primes de motivation sont également servies à certains agents.
L’augmentation de la masse salariale et l’octroi des primes de motivation en cours d’année se font souvent en violation des principes budgétaires comme il est dit dans la loi organique N°073-2015/CNT du 6 novembre 2015 relative aux lois de finances: «Aucun projet de loi, aucun projet de décret devant entraîner des charges nouvelles ne peut être voté ou signé sans que ces charges aient été prévues, évaluées et autorisées dans la loi de finances».
C’était le cas de l’octroi du fonds commun qui se faisait en dehors du budget national. Ce qui a conduit l’Assemblée nationale à introduire l’octroi du fonds commun dans la loi de finances 2019. On constate également qu’après chaque accord signé avec les syndicats, le gouvernement se voit obligé d’opérer des ajustements de crédits budgétaires au niveau des autres natures de dépenses pour les réaffecter aux salaires. Ces ajustements ont été opérés principalement sur les dépenses d’investissement.
Le cas le plus flagrant a été relevé en 2017. Les dépenses d’investissements sur ressources propres au cours de l’année sont passées de 888,96 milliards FCFA à 577,66 milliards FCFA suite aux ajustements opérés, soit une baisse de 35,02%.
En 2018, les dépenses en salaires sont passées de 630 milliards FCFA à 700 milliards FCFA, soit une hausse de près de 170 milliards FCFA alors que le budget des investissements a été diminué en cours d’année de 295,763 milliards FCFA. L’augmentation du budget des salaires au détriment des investissements compromet la croissance économique du pays.
En effet, le Burkina a besoin de résorber le nombre important de classes sous paillotes et en construire de nouvelles afin de d’accroître l’offre en éducation. Le pays a besoin de rapprocher les citoyens des centres de santé par la mise à disposition d’infrastructures sanitaires.
La gratuité de soins au profit de la mère et de l’enfant fait partie des mesures qui participent au développement social mais aussi économique tout comme la mise à disposition d’eau potable des citoyens qui participent à réduire les maladies et à améliorer leur bien-être. Avec l’absorption des recettes fiscales par les salaires, il se pose un problème de justice fiscale pour la grande majorité des Burkinabè qui vivent de l’agriculture, de l’élevage. Ceux-ci ont aussi besoin de facilités pour avoir accès aux intrants agricoles, à la mécanisation des moyens de production et aux ressources en eau pour diversifier leurs activités.
Comment écouler les produits locaux si des unités de transformation ne sont pas installées dans le pays? Il est reconnu que la transformation locale des produits contribue à créer de la valeur ajoutée pour le pays. Avec la tendance actuelle, si rien n’est fait pour inverser la tendance, le Burkina fonce droit vers une récession économique.
Elie KABORE
Les raisons de la hausse soutenue des budgets des salaires
DEPUIS 2011 à nos jours, on a assisté à l’octroi de statuts particuliers à certains corps comme la magistrature, la Police nationale, les greffiers, les agents des Eaux et Forêts, la Douane, etc. Pourtant, avant cette date, seule l’armée disposait d’un statut particulier. Ces nouveaux statuts particuliers sont accompagnés d’une nouvelle grille indemnitaire et salariale.
En 2014, le gouvernement a procédé à une révision de la grille indemnitaire de tous les autres agents qui a eu une incidence de près de 50 milliards FCFA sur la masse salariale. L’entrée en vigueur de la loi 081 portant statut de la Fonction publique a aussi eu une incidence d’environ 52 millions de dollars. Depuis 2016, les accords signés entre le gouvernement et les différents syndicats suite aux nombreuses grèves ont également eu des incidences sur la masse salariale.