LA Chine est désormais le principal partenaire commercial de l’Afrique, devant les Etats-Unis. En 2017, ses échanges avec le continent ont atteint 170 milliards de dollars, en hausse de 14%.
La Chine, «principal pays partenaire émergent de l’Afrique», a favorisé l’essor du commerce et de l’investissement avec le continent, notamment par des dons ou des prêts concessionnels publics. Mais certains pensent que cela a surtout fait exploser la dette des bénéficiaires de ces crédits.
L’endettement des pays africains et du prêt chinois fait l’objet de polémiques ces derniers jours. Pour certains, la Chine pousse les pays africains à ce qu’ils ap- pellent «l’étranglement de la dette». Pour d’autres, c’est un partenariat gagnant- gagnant. Mais une chose est sûre: la Chine n’a obligé aucun pays africain à contracter une dette auprès d’elle.
C’est en toute indépendance, en toute souveraineté, en âme et conscience que les pays africains sont allés vers la Chine pour demander un prêt. Un prêt qui, normalement, devrait leur permettre de se développer. Lorsqu’on demande un prêt, c’est pour mener une activité précise. C’est pour résoudre un problème et avancer. Donc la bonne question c’est: est-ce que le prêt contracté est bien utilisé?
La Chine octroie des prêts. Certes. Mais l’utilisation qui en est faite dépend des dirigeants du pays ayant contracté la dette. On accuse la Chine de vouloir étouffer les pays africains par la dette. Mais tous les pays ayant traité avec la République populaire de Chine n’ont pas sombré dans l’impasse.
Prenez le cas du Rwanda où le pays connait, depuis quelques années, une montée en puissance. Le président chinois, Xi Jinping, a récemment signé 15 accords commerciaux avec ce pays, dont un prêt de 126 millions de dollars pour financer deux projets de route. Le pays s’impose désormais comme l’un des pays émergents
d’Afrique. Pourquoi ce n’est pas le cas dans les pays où on fouette durement les prêts chinois? Pourtant, ils ont tous contracté le même prêt chinois. La réponse est toute simple: tout réside dans la gestion du prêt.
Si l’argent acquis par prêt est mal utilisé, il va de soi que le pays se retrouve dans l’impasse. S’il est bien utilisé, le partenariat gagnant-gagnant entre les deux pays sera visible, à l’image du Rwanda. Il est grand temps d’arrêter de rejeter la faute sur les autres et de faire son mea culpa.
Certains analystes fustigent aussi la Chine de vouloir avoir une main mise sur les pays africains, à travers le contrôle de ses infrastructures. Mais le droit de gouver- ner une infrastructure d’un pays ne signifie pas forcément gouverner ce pays.
Ne pas s’ingérer dans les affaires internes d’un pays, la Chine en a fait sa devise: «Les investissements de la Chine en Afrique ne s’accompagnent d’aucune condition politique. La Chine ne s’immisce pas dans les affaires intérieures de l’Afrique et ne lui impose pas sa volonté», a affirmé le président chinois Xi Jinping, lundi 4 février 2019, au cours de World Economic Forum 2019. Ce principe a été reformulé en «cinq non» pendant le sommet de Beijing du Forum sur la coopération Chine-Afrique.
D’ailleurs, beaucoup de ports africains sont en réalité gouvernés par des pays occidentaux. Mais contrôlent-ils le pays? Un proverbe africain dit ceci: «Même si tu n’aimes pas le lièvre, reconnais au moins qu’il court plus vite que toi ». En toute objectivité, il faut reconnaître que la Chine a beaucoup apporté aux pays africains. Et elle a développé une offre de financement taillée sur mesure pour le continent. Selon la China Africa Research Initiative de l’Université Johns Hopkins, la Chine a ainsi prêté 94 milliards de dollars à l’Afrique entre 2000 et 2015. Cela a servi à construire plus de 6200 kilomètres de voies de chemin de fer et 5000 kilomètres de routes. Cela a aussi financé quelques projets pharaoniques, à l’image de la ligne ferroviaire qui relie Nairobi à Mombasa qui est devenue un projet emblématique de la coopération Chine- Afrique. Il faut noter que ces prêts ont favorisé le développement des infrastructures et la croissance économique dans la plupart des pays africains. Il est vrai que certains pays comme le Congo-Brazzaville ont connu des problèmes de surendettement, mais cela n’est pas en lien avec les prêts chinois. Dans le cas du Congo, c’est plutôt lié avec les compagnies pétrolières occidentales qui ont de facto prêté à usure le Trésor de l’État. D’ailleurs, même si la Chine est un grand créancier dans tout le continent africain, on n’a jamais vu qu’elle presse le paiement de sa dette. Bien au contraire. Elle est même allée jusqu’à annuler des dettes, comme ce fut le cas au Cameroun en 2019.
JB
Gérer le risque financier
AUJOURD’HUI, la Chine a renoué ses relations diplomatiques avec le Burkina Faso. On le sait, ce pays est en chantier; il se construit. Les défis socio-économiques, sécuritaires et infrastructurels sont énormes. Mais le pays manque crucialement de moyens financiers. La Chine est disposée à lui apporter son soutien. Doit-il refuser le prêt préférentiel de la Chine ou pas? La question n’est plus sur un «oui ou non» mais sur «comment». Ce qu’il sied de faire, c’est plutôt de bien identifier et de gérer le risque financier, de choisir et de donner la priorité aux projets qui possèdent le plus de potentialités économiques et sociales.
En réalité, pour terminer, le prêt chinois n’est pas un problème en soi. Le problème, c’est l’utilisation qui est faite de ce prêt. Un prêt bien utilisé n’appauvrit pas, mais enrichit.