Le 29 janvier 2019, devait avoir lieu la première audience d’extradition de la directrice financière de Huawei, Meng Wanzhou. Elle a finalement été repoussée à début mars. Objectif, permettre à la Justice canadienne d’étudier le dossier transmis la veille de l’audition, par les USA. Désormais, le pays de l’Oncle Sam veut la juger pour violation des sanctions contre l’Iran. Meng Wanzhou a été arrêtée au Canada en décembre, à la demande des enquêteurs américains.
Le dossier publié par la Justice américaine contient une liste de chefs d’inculpation contre le fleuron chinois des télécoms et contre Meng Wanzhou qui entendait modifier les conditions de sa libération conditionnelle. Elle devra patienter jusqu’au 6 mars prochain, date de l’audience au cours de laquelle la Justice canadienne acceptera ou non de lancer la procédure d’extradition exigée par les Etats-Unis.
La tension monte avec les USA
La réaction de la Chine n’a pas tardé quand l’annonce des chefs d’accusation visant Huawei est tombée. La Chine a tout de suite accusé les Etats-Unis d’avoir des «visées politiques».
L’interpellation de Meng Wanzhou, fille du fondateur du groupe, a déjà provoqué de forts remous diplomatiques entre le Canada et la Chine. «Les États-Unis utilisent le pouvoir de l’État pour discréditer et attaquer certaines entreprises chinoises, dans une tentative d’étrangler leurs opérations, qui sont légitimes et légales», a indiqué, lors d’un point de presse régulier, GengShuang, un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères.
«Nous exhortons fermement les États-Unis à mettre fin à la répression injustifiable visant les entreprises chinoises, dont Huawei, et à les traiter de manière objective et équitable. La Chine défendra avec fermeté les droits et intérêts légitimes des firmes chinoises», a dénoncé, le 29 janvier dernier, le ministère chinois des Affaires étrangères.
Ce nouveau revirement dans l’affaire Huawei constitue un nouveau coup dur pour ce géant mondial, numéro deux des ventes de téléphones intelligents, dont des équipements télécoms ont été rejetés aux États-Unis, en Australie et en Nouvelle-Zélande sur fond de craintes relatives à la sécurité nationale.
En plus des accusations de fraude sur l’Iran, le groupe chinois est soupçonné d’avoir volé des technologies. Ses ingénieurs se seraient intéressés, dans un laboratoire de T-Mobile situé dans l’État de Washington, au robot «Tappy», imaginé par l›opérateur télécoms pour reproduire un doigt humain et tester des appareils cellulaires.
«Ces deux séries d›inculpations mettent au jour les actions éhontées et persistantes de Huawei pour exploiter les sociétés et institutions financières américaines et pour menacer la concurrence mondiale libre et équitable», a déclaré le directeur du FBI Christopher Wray.
Le ministre américain de la Justice par intérim, Matthew Whitaker, a assuré lundi que rien, dans l’acte d’inculpation, ne suggérait une implication du gouvernement chinois dans cette affaire. Mais «comme je l’ai dit à des responsables chinois en août, la Chine doit s’assurer que ses ressortissants et ses sociétés respectent la loi», a-t-il ajouté.
Huawei, dans un communiqué transmis à l’AFP, s’est déclaré «déçu» et a démenti avoir commis le moindre méfait. La compagnie a dit n’avoir «pas connaissance d’actes répréhensibles de la part de Mme Meng et est persuadée que les tribunaux américains aboutiront à la même conclusion».
Notons que ces accusations ont été annoncées sur fond de guerre commerciale déclenchée en 2018 contre la Chine par le président américain Donald Trump, et menée à coups de taxes douanières. De nouvelles négociations commerciales doivent reprendre en fin janvier à Washington, où le président américain va rencontrer le vice-Premier ministre Liu He, à la tête de la délégation chinoise.
16 choses à savoir pour comprendre le scandale Huawei
La directrice financière de Huawei a comparu mardi devant un tribunal canadien pour modifier les termes de sa liberté conditionnelle à Vancouver, au lendemain de la publication par la Justice américaine des chefs d’accusation motivant sa demande d’extradition.
Voici tout ce que vous devez savoir pour comprendre l’affaire Huawei impliquant le Canada, les États-Unis et la Chine.
Depuis 1987, l’entreprise chinoise Huawei est devenue l’un des plus gros fabricants de cellulaires et de télécommunications au monde.
Depuis plusieurs mois, le gouvernement américain se méfie de la puissance commerciale de Huawei et redoute que l’entreprise se serve de ses appareils pour faire du cyber espionnage.
Leurs produits sont vendus au Canada par Bell, Rogers, Telus et Vidéotron.
Huawei travaille aussi avec Bell et Telus pour mettre sur pied un réseau sans fil 5G, une technologie qui devrait être de plus en plus importante dans nos systèmes de communication dans les prochaines années.
La directrice financière de Huawei, Meng Wanzhou, a été arrêtée à Vancouver le 1er décembre, à la demande des enquêteurs américains.
Son arrestation par le Canada a créé une crise diplomatique avec la Chine, car des discussions avaient été amorcées en vue d’un accord de libre-échange Chine-Canada.
Le 29 janvier, la Justice américaine a formellement accusé Huawei, ses filiales et Meng Wanzhou.
Les chefs d’accusation sont liés à la dissimulation des activités de Huawei en Iran.
Ces accusations surviennent dans un contexte délicat: le président américain, Donald Trump, a déclenché, en 2018, une guerre commerciale avec son annonce controversée de nouvelles taxes douanières.
La Chine croit que les États-Unis veulent enrayer le développement de Huawei dans un but politique.
La Chine reproche au Canada d’obéir aveuglement aux États-Unis.
Depuis le début de la saga, les autorités chinoises ont arrêté deux Canadiens, Michael Kovrig et Michael Spavor. Ils sont détenus en Chine depuis le mois de décembre.
Les autorités chinoises les ont accusés d’avoir mis en danger la sécurité nationale, mais Pékin assure que ces mesures n’ont pas de lien avec l’affaire Huawei.
Meng Wanzhou pourrait être accusée des mêmes crimes au Canada.
Le 28 janvier, les États-Unis ont demandé son extradition. Elle serait alors livrée aux États-Unis pour y être jugée.
Le Canada doit gérer cette crise diplomatique sans son Ambassadeur à Pékin, John McCallum, congédié par Justin Trudeau pour avoir dit que ce serait «très bien pour le Canada» si Washington renonçait à demander l’extradition de Mme Meng.