Une expédition de charbon fin de la mine de Essakane a fait l’objet d’une saisie par la Brigade nationale anti-fraude de l’or (BNAF) le 30 décembre 2018 sur ordre du Procureur général, près la Cour d’appel de Ouagadougou. 30 containers contenant ce charbon fin ont été saisis à Bobo-Dioulasso et 2 autres l’ont été à Ouagadougou. La quantité saisie représente 495 tonnes de charbon fin contenant 304,273 kg d’or et 135,891 kg d’argent.
La BNAF qui a entendu plusieurs personnes dans le cadre de cette affaire a transmis son rapport au Procureur général qui n’a pas encore donné une suite officielle à l’affaire. Voici la chronologie des faits. La mine de Essakane a débuté sa production en juillet 2010 avec une teneur moyenne d’un gramme d’or à extraire par tonne de minerai. Comme la majorité des mines d’or, Essakane utilise la technique de Charbon en Lixiviation (CEL) avec récupération de l’or sur du charbon activé. Le charbon fin de l’usine de Essakane est issu de l’effritement du charbon grossier utilisé dans le procédé de CEL pour adsorber l’or en solution.
A cause des transferts et du pompage du charbon, les grains s’écrasent et produisent ainsi du charbon fin à une granulométrie inférieure à 1mm. Dans la majorité des opérations minières, ce produit est rejeté avec les résidus liquides. En 2014, Essakane a installé un système de récupération (épaississeur filtre/décantation) du charbon fin qui est ensuite stocké dans des sacs.
Au regard de la faible teneur de l’or, Essakane a stocké ce charbon fin pour la valoriser. En 2015, la mine a obtenu l’autorisation d’expédier le charbon fin stocké au Canada pour récupérer l’or contenu. Ce fut également le cas en 2016.
Pour renforcer la compréhension de l’ensemble du processus par les représentants du ministère des Mines et du BUMIGEB, une mission a visité la fonderie au Canada en mars 2016. Une visite destinée à connaître la méthode utilisée pour récupérer l’or contenu dans le charbon fin et de s’assurer de la transparence dans le processus.
La technique consiste à incinérer le charbon afin d’extraire l’or qui s’y trouve.
Mais parallèlement, la mine a installé son propre incinérateur sur son site afin d’éviter l’expédition du charbon à l’étranger. L’incinérateur de Essakane fonctionnel depuis juillet 2016 est une première du genre au Burkina Faso pour valoriser le charbon fin.
Implanté après un investissement de 1,5 milliards FCFA, l’incinérateur a une capacité de traitement du charbon fin d’environ 700Kg par jour. Comme toute unité technologique innovante, plusieurs problèmes liés aux ajustements des paramètres d’opération et au fonctionnement des équipements ont été rencontrés. Des travaux d’optimisation sont en cours sur l’incinérateur pour améliorer la productivité de l’outil. Même s’il avait fonctionné normalement, il aurait fallu pas moins de 2 ans pour traiter le charbon qui a fait l’objet de saisie.
Compte tenu de la capacité limitée de traitement de l’incinérateur, des quantités importantes de charbon fin se sont accumulées et la mine a sollicité, le 29 août 2018, une autorisation du ministère en charge des mines, pour expédier au Canada du charbon fin stocké.
Le 10 octobre 2018, le ministère donnait son accord de principe. Il met en branle ses services, dont le Bureau des mines et de la géologie (BUMIGEB) et la Direction générale des Mines et des Carrières (DGMG) pour l’évaluation des teneurs afin de déterminer les taxes à payer. Le BUMIGEB procèdera au prélèvement de 640 échantillons pour l’analyse. Les résultats de ces analyses ont déterminé les 304,273 kg d’or et 135,891 kg d’argent dans le stock. Les montants des taxes à payer ont été déterminés en fonction de ces résultats. La pesée du charbon et sa mise dans les containers ont été faites devant les agents de ces 2 structures en plus de la Douane.
Fort de cet accord de principe, Essakane convoie son charbon à Ouagadougou pour les dernières formalités douanières avant son expédition au Canada via le port d’Abidjan. Le transport vers le port devait se faire par train. Le transfert entre Essakane et Ouagadougou s’est fait en 2 vagues, la première le 2 décembre avec 20 containers et la deuxième, le 4 décembre avec 12 containers.
Le 14 décembre 2018, l’autorisation d’exportation a été signée par le Directeur général des Douanes.
Dans les normes, une fois au Canada, l’usine qui reçoit le charbon procède à une analyse. Si un écart important est constaté avec les résultats présentés par la mine, une troisième analyse se fait dans un laboratoire indépendant.
Elie KABORE
Des royalties de près de 300 millions F CFA
Pour la présente expédition, les royalties à hauteur de 4% de la valeur totale sont de 285.144.812 francs CFA. Sur cette somme, la mine paye 70% avant l’exportation, soit 199.601.370 francs CFA et les 30% restants sont payés à la fin.
Enfin, selon la loi, Essakane a l’obligation de présenter les factures définitives de la vente de cet or afin que le ministère des Mines vérifie si les taxes perçues sont en conformité avec ces premières estimations. Tous les regards sont donc tournés vers le Procureur général près la Cour d’appel de Ouagadougou qui a reçu le rapport d’enquête de la BNAF depuis le 7 janvier 2019.