Quels sont les secteurs les plus concurrentiels au Burkina Faso? Quel est le secteur le moins concurrentiel ? Les pratiques anticoncurrentielles? Les textes régissant la concurrence ? Et les solutions pour une concurrence saine ? Les réponses à toutes ces questions ont fait l’objet d’une étude commanditée par la nouvelle équipe dirigeante de la Chambre de commerce et d’industrie du Burkina Faso intitulée: «L’état du commerce et de la concurrence au Burkina Faso».
Ledit rapport qui s’est voulu représentatif a concerné 542 entreprises enquêtées réparties dans les 13 régions du Burkina Faso et a été rendu public le 30 octobre 2018 à Ouagadougou. Il ressort de l’étude que bon nombre d’acteurs (50,6%) estiment que l’état de la concurrence dans leurs secteurs respectifs est acceptable.
Cette appréciation qui semble uniforme pour la plupart des secteurs d’activités est beaucoup plus prononcée chez les opérateurs de services 55%. A côté de cette situation mi figues mi raisins, il convient de relever que pour 9,8%, la concurrence est jugée saine, tandis que pour 39,6% des entreprises enquêtées, la concurrence n’est pas effective dans leurs secteurs d’activités respectifs.
Cela se traduit dans les faits par l’existence d’un certain nombre de pratiques de nature à restreindre le libre jeu de la concurrence. En effet, les entreprises enquêtées soulignent l’existence des cas de pratiques assimilables à des abus de positions dominantes (36%); d’ententes illicites ou anticoncurrentielles (21,3%); de ventes à perte (19,5%) et de publicité mensongère ou défaut de publicité (17%).
Les autres (6,1%) sont les pratiques liées à l’imitation ou à l’utilisation du logo et emballages d’autres entreprises. En cela, il faut aussi ajouter le fait que des ventes en gros, en demi-gros et en détail sont souvent effectuées par une seule et même entreprise.
De l’avis des acteurs enquêtés, ces pratiques de nature à limiter ou restreindre la concurrence sont en grande partie l’œuvre des gros opérateurs dans leurs secteurs d’activités respectifs pour 33,5% d’entre eux, suivis des importateurs pour 20,4% d’entre eux, des acteurs du secteur informel pour 19,2% des enquêtés, l’administration publique elle-même pour 17,3% des enquêtés et des petits opérateurs.
Environnement concurrentiel
Pour ce qui est de l’environnement concurrentiel, 35,4% des enquêtés estiment que leurs concurrents directs sont les grandes entreprises nationales, suivies des entreprises du secteur informel pour 24,1%, des petites entreprises nationales pour 22,9% et des entreprises étrangères pour 17,6% des enquêtés.
De ces concurrents au niveau national, 66,5% des enquêtés estiment que leurs concurrents directs viennent de la même région contre 33,5% qui attribuent leur concurrence à des entreprises d’autres régions du pays.
Ententes anticoncurrentielles et publicité mensongère jouent sur le libre jeu de la concurrence
L’enquête sur l’état de la concurrence au Burkina Faso révèle que 32,2% des entreprises enquêtées, soit un effectif de 174 entreprises, estiment avoir été victimes de certaines pratiques suivantes: la proportion des entreprises enquêtées qui ont été victimes de pratiques anticoncurrentielles et de celles restrictives de la concurrence; la nature des pratiques identifiées dans le secteur; les auteurs présumés et l’origine de ces pratiques; les saisines effectuées par les entreprises en dénonciation de ces pratiques; la connaissance des sanctions en matière de concurrence par les chefs d’entreprises ou entreprenants.
On peut donc affirmer que d’énormes obstacles menacent la mise en place d’un marché transparent, favorable à l’investissement et à la création de richesse au Burkina Faso. En analysant des données relatives à la répartition des pratiques entravant le libre jeu de la concurrence, les rapporteurs notent que les entreprises ont plus tendance à abuser de leur position dans leurs relations commerciales avec leurs partenaires.
Elles ont également, le plus souvent, recours aux ententes anticoncurrentielles et à la publicité mensongère, toute chose pouvant être préjudiciable à la libre concurrence et porter atteinte aux intérêts des consommateurs.
L’enquête révèle que seulement 14,5% des entreprises enquêtées ont eu recours aux autorités ou structures administratives en charge de la régulation de la concurrence pour les questions relatives aux pratiques anticoncurrentielles ou restrictives de la concurrence dont elles estiment avoir été victimes.
Cette situation pourrait traduire la faible culture de la dénonciation des pratiques répréhensibles en matière de concurrence de la part des entreprises burkinabè et le manque de confiance vis-à-vis desdites autorités. Les autorités administratives et les structures d’appui au secteur privé qui ont été saisies par ces entreprises et la proportion de ces saisines sont les suivantes: 36% des saisines des entreprises étaient à l’endroit des autorités administratives (CNCC, Justice, police, MCIA, UEMOA); 28% des saisines des entreprises étaient adressées aux structures d’appui au secteur privé (CCI-BF, MEBF, APEX-Burkina, CBC, CMA-BF, CNPB); 12% des saisines des entreprises étaient à l’endroit des organisations professionnelles d’entreprises (AGOPE).
L’examen de ces résultats montre que les entreprises qui décident de dénoncer les pratiques de nature à fausser la concurrence sont plus enclines à s’adresser aux autorités administratives en charge de la concurrence et aux structures d’appui au secteur privé.
Plus de 60% d’enquêtés n’ont pas connaissance des sanctions prévues par la règlementation nationale en matière de concurrence
84,7% des opérateurs enquêtés ont une appréciation positive de la situation de la concurrence dans leurs secteurs d’activités respectifs. Malgré cette appréciation positive, il ressort que seulement 39,2% des acteurs attestent de l’existence de la règlementation en matière de concurrence au Burkina Faso et 45,5% d’entre eux déclarent la connaître. Par ailleurs, il ressort que peu d’acteurs (19,6%) ont une bonne connaissance des dispositions de cette règlementation contre environ 30% qui n’ont aucune ou une faible connaissance; la grande majorité (48,5%), en a une connaissance moyenne. Toutefois, parmi les acteurs ayant une bonne connaissance des dispositions règlementaires sur la concurrence au Burkina Faso, très peu (4,8%) les jugent efficaces. La majeure partie des opérateurs enquêtés la trouvent insuffisante (57,1%) ou à la limite acceptable (38,1%). Les résultats de l’enquête traduisent le fait que la majeure partie des entreprises enquêtées (60,51%) n’ont pas connaissance des sanctions prévues par la règlementation nationale en matière de concurrence. La proportion de celles qui n’ont pas connaissance d’entreprises ayant fait l’objet de sanction à ce titre est également très forte et représente 81,39% des entreprises enquêtées On peut donc en déduire que les entreprises enquêtées, dans leur majorité, ont une faible culture des règles de la concurrence. Cela constitue une entrave sérieuse à l’établissement d’un marché transparent.
Ambèternifa Crépin SOMDA
Sonabhy, Sonabel, Onea…, les monopoles
Il y a deux sortes de monopoles et une société ne prend le nom de monopoles que selon trois critères définis par les textes de l’UEMOA. Il existe deux types de monopoles, à savoir le monopole de droit (cas de la SONABHY) et le monopole de fait. Quatre principales propriétés sont retenues afin d’appréhender les situations de monopole dans la littérature économique.
Premièrement, il s’agit du pouvoir discrétionnaire de l’Etat à donner le statut de monopole à un certain nombre d’entreprises qu’il juge sensibles. En second lieu, le monopole peut être occasionné par la rareté absolue d’un bien. S’en suit alors de l’existence d’un secret de fabrication ou de la détention d’une licence ou d’un brevet. Enfin, à celles-ci s’ajoute l’importance des coûts fixes relativement aux coûts variables qui engendrent la quasi- impossibilité d’un nombre important de firmes relevant du privé à accéder à ce type de marché. Il ressort que les monopoles et les entreprises publiques ont constitué l’essentiel du tissu économique de production sur la période allant des indépendances au début des années 90 dans la plupart des pays de l’UEMOA. Ainsi, une brusque interdiction ou suppression serait préjudiciable à l’ensemble de ces pays. C’est ce qui justifie l’existence d’une vingtaine d’entreprises d’Etat ou sociétés d’Etat encore au Burkina Faso.
Ce sont, entre autres, l’ONEA, la SONABEL, la SONABHY, la SONAGESS, la CARFO, la CNSS, l’AGETIB, la SONAPOST, etc. A défaut de la suppression des entreprises publiques sous monopole, les textes de l’UEMOA imposent aux Etats une obligation de libéralisation de celles-ci ou exigent de ces Etats une plus grande transparence dans leurs relations financières avec les entreprises publiques et les organisations internationales.
L’industrie cotonnière la moins concurrentielle
Selon les chefs d’entreprises, pour instaurer une dynamique de concurrence sur les marchés, il faut que les autorités veillent à une organisation d’envergure des séances d’informations en matière de concurrence, 45,5%. Aussi, il faut une application plus stricte des règles de la concurrence, 27,4%, ainsi que de la révision du cadre règlementaire et institutionnel, 20,9%. Parmi les secteurs retenus, l’industrie cotonnière semble la moins concurrentielle. Elle tend vers une situation monopolistique, ce qui est d’autant plus vrai que la SOFITEX détient la part de marché la plus importante. Elle est suivie du secteur abritant les stations de services qui est généralement dominé par TOTAL et SHELL.
Les secteurs les plus concurrentiels restent celui de la cimenterie, de la télécommunication et du commerce général et relativement le secteur bancaire. Dans les faits, des cas de pratiques de nature à restreindre le libre jeu de la concurrence telles des pratiques assimilables à des abus de positions dominantes, d’ententes illicites ou anticoncurrentielles, de ventes à perte et de publicité mensongère ou défaut de publicité sont relevés, notamment de la part des gros opérateurs de chaque secteur d’activités au niveau régional et national.