Le bilan annuel de Reporters sans frontières, publié le 18 décembre 2018, déplore une violence «inédite» à l’encontre des journalistes. Des violences qui sont en hausse pour cette année, comparativement aux dernières années où elles étaient en baisse.
Les chiffres sont parlants. 80 journalistes ont été tués à travers le monde en 2018, contre 65 l’année dernière.
Parmi ces victimes: 63 journalistes professionnels, soit une hausse de 15 %, 13 journalistes non professionnels (contre 7 l’an dernier) et 4 collaborateurs de médias.
De plus, selon le rapport, plus de la moitié des journalistes tués ont été «sciemment visés et assassinés». L’exemple le plus probant est celui de l’éditorialiste saoudien Jamal Khashoggi, assassiné au Consulat d’Arabie Saoudite à Istanbul, le 2 octobre, et du journaliste slovaque Jan Kuciak tué le 21 février.
Dans le détail, les victimes sont majoritairement des hommes (77 pour 3 femmes), travaillant localement (75 journalistes locaux et 5 étrangers).
C’est l’Afghanistan qui a été le pays le plus meurtrier pour les journalistes cette année, avec 15 journalistes tués, devant la Syrie qui occupait cette place depuis 2012 et reste deuxième pays le plus dangereux avec 11 journalistes tués.
Le 30 avril, un double attentat à Kaboul a tué neuf journalistes. Cet attentat est le plus important commis contre des journalistes depuis le massacre de Maguindanao en 2009, aux Philippines.
Autre fait notable pour RSF, près de la moitié des journalistes se sont fait tuer dans des pays en paix, comme le Mexique (9 journalistes assassinés, 3e pays le plus dangereux), l’Inde (6 morts) et les Etats-Unis (6 morts) qui font leur entrée dans ce sombre palmarès, après la fusillade sanglante contre la Rédaction du Capitol Gazette.
348 journalistes en détention
Par ailleurs, le nombre de journalistes détenus dans le monde est lui aussi en hausse, souligne RSF: 348 contre 326 en 2017 (+7 %), une augmentation qui concerne particulièrement les journalistes non professionnels.
Cinq pays détiennent à eux seuls plus de la moitié des journalistes emprisonnés: l’Iran, l’Arabie Saoudite, l’Egypte, la Turquie et la Chine, plus grande prison de journalistes du monde avec 60 journalistes détenus, dont les trois quarts sont des non-professionnels. «Avec le durcissement de la règlementation concernant Internet, ces journalistes sont emprisonnés, dans des conditions souvent inhumaines, pour un simple post ou un billet d’information sur les réseaux sociaux ou une messagerie privée», lit-on dans le rapport annuel de RSF.
Enfin, l’ONG a enregistré trois nouveaux cas de journalistes disparus au cours de l’année, deux en Amérique latine et un en Russie.
RSF considère qu’un journaliste est porté disparu lorsqu’il n’y a pas suffisamment d’éléments pour déterminer s’il a été victime d’un homicide ou d’un enlèvement, et qu’aucune revendication crédible n’a été diffusée.
«La haine contre les journalistes proférée, voire revendiquée par des leaders politiques, religieux ou des business men sans scrupules a des conséquences dramatiques sur le terrain et se traduit par une hausse inquiétante des violations à l’égard des journalistes», déplore Christophe Deloire, Secrétaire général de RSF. Le rôle des réseaux sociaux est aussi décrié dans le bilan annuel de Reporters sans frontières. «Les réseaux sociaux portent à cet égard une lourde responsabilité, ces sentiments haineux légitiment ces violences et affaiblissent, un peu plus chaque jour, le journalisme et, avec lui, la démocratie».
NK