Les enseignants- chercheurs burkinabè sont réputés être avoir des «matières grises» débordantes. En témoignent, les différents succès engrangés lors des concours d’agrégation du Conseil africain et malgache de l’enseignement supérieur (CAMES).
A titre d’illustration, le concours d’agrégation en science juridiques, politiques, économiques et de gestion (SJPEG) 2017 a donné les résultats suivants, sur 138 candidats présentés, 127 ont été promus aux différents grades, soit un taux de succès de 92%. Mais paradoxalement, ce «succès story» n’est pas répliqué à la faveur du prix «Abdoulaye Fadiga». Un prix initié par la BCEAO pour la promotion de la recherche économique en vue d’encourager les jeunes chercheurs dont les travaux, particulièrement remarquables, auront apporté un éclairage nouveau sur la politique monétaire ou les politiques économiques des pays de l’UEMOA.
Le prix est décerné aux lauréats, chaque deux ans au siège de l’institution à Dakar au Sénégal. En plus d’un prix dont le montant est de nos jours à 10 millions FCFA, il y a aussi un prix d’encouragement de 5 millions FCFA.
Or, le constat est que depuis le lancement de la première édition en 2008, seul un enseignant-chercheur burkinabè a pu se frayer un chemin en remportant le prix d’encouragement. C’était à l’édition 2012 avec son article intitulé: «Concentration bancaire profitabilité bancaire et développement financier bancaire dans l’UEMOA».
Dr Seydou Ra- Sablga Ouédraogo, qui en est l’auteur, est enseignant-chercheur à l’UFR/SEG de l’université Ouaga 2 et directeur exécutif de l’institut Free Afrik. A part lui, aucun autre Burkinabè n’a décroché ni le prix d’encouragement encore moins le prix Abdoulaye Fadiga. Pourtant à l’inverse des jeunes enseignants-chercheurs burkinabè, leurs confrères d’autres pays membres de l’UEMOA sont chaque fois primés.
C’est ainsi qu’on dénombre de 2008 à 2018, trois Ivoiriens ; trois Béninois, deux Sénégalais ; deux Togolais et un Nigérien qui était d’ailleurs le premier lauréat de ce prix en la personne du Pr Nasser Ary Tanimoune.
L’édition 2016 a été infructueuse
Mais pourquoi le prix Abdoulaye Fadiga fuit-il les enseignants-chercheurs burkinabè ? La réponse à cette situation nous a été donnée par le directeur adjoint de l’UFR/SEG, Docteur en science économique, Ousmane Traoré, qui dit être d’avis avec le constat selon lequel, il y a une faible participation des enseignants-chercheurs burkinabè. Il justifie cette faible participation à trois critères majeurs. Le premier est lié à l’âge proposé par le comité scientifique de sélection de la BCEAO qui est «de 45 ans au plus à la date de dépôt». «C’est maintenant que l’université Ouaga 2 est en train de rajeunir son personnel enseignant», se justifie-t-il. A cela, s’ajoute le critère suivant, l’article proposé ne doit «ni avoir fait l’objet d’une publication antérieure ou en cours, ni de proposition simultanée de publication dans une autre revue, y compris sous forme de document de travail, notamment de «working paper» au sein d’une quelconque institution». Il souligne que ce critère a amené beaucoup de ses collègues enseignants comme lui qui sont des potentiels candidats au concours d’agrégation du CAMES 2019 et qui étaient aussi potentiels candidats au prix Abdoulaye Fadiga à renoncer.
Pour étayer ce dilemme auxquels eux les enseignants-chercheurs font face. Ousmane Traoré relate sa propre situation: «Sur ce cas, si j’étais à Dakar au moment du lancement du prix Abdoulaye Fadiga et je voulais proposer un article pour l’édition 2018, mais lorsqu’on regarde les conditions de participation, je me suis abstenu, parce que le même article, je m’apprêtais à l’envoyer à une revue de publication, toute chose contraire à l’esprit du prix». Comme dernier point, le directeur adjoint de l’UFR/SEG y voit l’insuffisance de communication sur le prix Abdoulaye Fadiga auprès des enseignants-chercheurs. Mais sur cette dernière faiblesse, il souligne que la direction générale de l’UFR/SEG va initier un travail de communication et de sensibilisation à l’endroit du corps enseignant que sont les doctorants et les professeurs. «Je constate que cette année, deux ivoiriens, un togolais et un béninois ont été distingués, il n’y a pas de raison que dans les années à venir, il n’y ait pas de burkinabè. Dans la mesure où nos universités forment les nationalités sus- citées», a-t-il ironisé.
Il faut noter qu’en plus du prix en numéraire, d’autres avantages incitatifs sont accordés aux lauréats. Il s’agit d’une bourse auprès de la BCEAO afin de poursuivre ses recherches et également de séjourner au moins 2 ans au sein de la Banque centrale pour une meilleure appropriation des missions de l’institution. Le gros bonus est qu’il y a la possibilité pour les gagnants d’y faire carrière à la BCEAO. C’est d’ailleurs à ce titre que de nombreux lauréats sont aujourd’hui consultants ou chercheurs à la BCEAO. En rappel, la 5e édition qui a eu lieu en 2016 a été infructueuse.
Rachel DABIRE
Prix d’encouragement décerné au Dr Ra-sablga Seydou pour son article : «Concentration bancaire, profitabilité bancaire et développement financier bancaire dans l’UEMOA»
«L’article s’intéresse plus particulièrement au secteur bancaire, notamment la relation qui prévaut entre la concentration bancaire et la profitabilité bancaire d’une part puis, d’autre part, le développement bancaire. Les principaux résultats des travaux montrent que la concentration bancaire accroît la profitabilité des banques et limite le développement financier du secteur. L’auteur préconise qu’une attention particulière soit accordée à la concentration bancaire dans la surveillance bancaire et que la concurrence soit promue».