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Remis Fulgance Dandjinou: «Le métier de Porte-parole est extrêmement valorisant»

Quelles sont les innovations apportées au département de la Communication ? Quels sont les résultats atteints? L’Economiste du Faso a rencontré Remis Fulgance Dandjinou, ministre de la Communication et des Relations avec le parlement, Porte-parole du gouvernement. Dans cette interview, Remis Fulgance Dandjinou fait le point des projets en cours dans son département, notamment le passage des médias publics à société d’Etat.

L’Economiste du Faso : Cela fait presque 3 ans que vous êtes à la tête du département de la Communication. Quel bilan pouvez-vous faire ?
Remis Fulgance Dandjinou, ministre de la Communication et des Relations avec le parlement, Porte-parole du gouvernement: Pour un journaliste venant du secteur privé, c’est un honneur de diriger ce département. Mais, nous avons la satisfaction d’y trouver des acteurs qui nous aident à accomplir cette mission. Au niveau des engagements du chef de l’Etat, notamment dans le cadre du Plan national de développement économique et social (PNDES), 2 éléments majeurs étaient inscrits: la finalisation de la Télévision numérique terrestre (TNT) et la formalisation du cadre juridique encadrant les organes de presse. Au niveau du département, nous avons des axes importants dont la communication gouvernementale avec la Service d’information du gouvernement (SIG) ; et également la Direction générale des médias (DGM), pour ce qui concerne la presse privée. A ce niveau, un grand projet a concerné la prise des décrets d’application de la loi sur la publicité. Nous avons également mis en place le Fonds d’appui à la presse privée (FAPP), même si quelques difficultés existent. Le troisième axe concerne la direction des relations avec le parlement qui a amélioré les relations avec le parlement. Nous avons enfin ce grand axe qui concerne la gestion des médias de service public, à savoir la Radio-Télévision du Burkina (RTB) et Sidwaya, sur lesquels des projets sont en cours de finalisation.

Concernant le cadre juridique, les associations professionnelles de médias demandent la révision de certains aspects. Quel est votre commentaire ?
Nous sommes dans une perspective d’amélioration et d’adaptation des textes, dans un contexte qui est très évolutif. Sous le CNT, nous avons dû forcer pour que les textes soient disponibles. Il n’est pas certain que nous aurions eu la suppression des peines privatives de liberté aujourd’hui, avec ce que l’on rencontre comme délits de presse. Nous devons effectivement revoir un certain nombre d’éléments. C’est le cas de la loi sur l’accès aux documents administratifs qui nécessite de créer une nouvelle autorité administrative, dans un pays où on a tendance à dire qu’il existe plusieurs institutions budgétivores. La réflexion se poursuit à ce niveau. Nous espérons que la loi sera modifiée au cours de la première session parlementaire de l’année 2019 pour la rendre effective. Au niveau des lois sur la presse écrite, audiovisuelle et en ligne, il y a aussi des améliorations à apporter. Nous avons demandé aux ministères en charge de la Défense et de la Sécurité de prendre des décrets pour préciser le contenu du secret défense.

Quel est le quotidien d’un Porte-parole du gouvernement ?
J’ai découvert le métier dans la pratique. Dans l’architecture du gouvernement, nous avons le secrétariat général du gouvernement qui est au cœur de l’administration ; et nous avons, de façon classique, le compte-rendu du Conseil des ministres, signé par le Porte-parole du gouvernement. Le Porte-parole du gouvernement s’occupe de la communication gouvernementale avec le SIG. Depuis notre arrivée, on a noté des évolutions dans la façon de percevoir le travail et dans sa mise en œuvre. Il est vrai que les départements ministériels sont responsables de leur communication. Mais, les ministères ne peuvent pas et ne doivent pas faire cavalier seul. L’enjeu d’un gouvernement comme le nôtre, arrivé dans un contexte que l’on connait, est de communiquer. Mais, plus de 2 ans et demi après, les citoyens estiment toujours que l’on a des problèmes de communication. On ne doit pas perdre de vue que la part du budget réservé à la communication dans les ministères est très insignifiant. Il nous a fallu du temps pour faire comprendre aux ministères sur quoi communiquer. Le Porte-parole n’est pas là pour dire ce que les ministères ont fait et pour prendre des coups. Il lui appartient de coordonner la communication gouvernementale. Et, c’est le SIG qui assure la liaison avec les médias d’Etat et les médias privés à travers la direction générale des médias. Le métier de Porte-parole est extrêmement valorisant lorsque vous avez l’honneur de porter les paroles de plusieurs personnes, mais à la fois frustrant, parce que vous pouvez être en face d’une situation où vous savez ce qu’il faut faire, mais on ne vous écoute pas ou on ne rend pas bien ce que vous voulez que l’on fasse. C’est dans ce dilemme que l’on se trouve. Mais, le plus important, c’est le côté enrichissant, parce que vous vous trouvez au centre de tout et vous êtes obligés d’appendre des autres.

On a eu l’impression que le gouvernement a cafouillé dans sa communication sur certains sujets comme les koglweogo et lors des attaques terroristes. Disposez-vous d’une stratégie claire en matière de communication?
Nous avons la chance d’avoir le soutien du chef de l’Etat qui, face aux critiques et aux reproches, a décidé d’auditer la communication.
L’audit a défini une stratégie claire qui donne des indications sur les procédures d’intervention des différents acteurs. Tous les ministres sont imprégnés de cette stratégie. Mais, il peut y avoir des insuffisances dans la mise en œuvre. Sur les koglweogo, il y a eu des dissonances, mais pas de couacs, parce que dans toute communication, il y a des éléments de langage.
En ce qui concerne la situation actuelle (terrorisme), nous avons mis en place un comité de gestion de la crise terroriste. Mais, l’armée, longtemps considérée comme la grande muette, a sa manière de faire.
Du côté de la justice, dès que le procureur se saisit d’un dossier d’attentat, il est difficile pour l’exécutif de parler. Pourtant, la presse est dans un besoin d’informations, et le vide crée la désinformation, les supputations et la manipulation. Il faut que la justice mette à la disposition de la presse des informations.

Quel est le lien entre le SIG et les directions de la communication dans les ministères ?
L’audit propose la relecture du décret sur le SIG. Tant que les DCPM n’auront pas le sentiment que leur action entre dans le cadre d’ensemble du SIG, on aura des problèmes. On ne peut pas décider que tous les DCMP viendront du SIG, mais ils doivent savoir qu’ils doivent travailler avec le SIG. Le DCPM est constitué parfois d’une seule personne, esseulée dans son ministère, sans un budget conséquent. Comment obtenir pour la communication d’un ministère un budget de 10 millions de FCFA ? Souvent, on fait appel aux DCMP comme maitres de cérémonies ou pour rédiger un communiqué quand c’est urgent. On leur enlève l’essentiel de leur mission. Nous avons écrit à tous les ministres pour leur expliquer qu’il faut un minimum de personnel et les moyens matériels dans une DCMP. Aujourd’hui, la situation s’est nettement améliorée. En 2019, le SIG a décidé de prendre en charge 3 actions définies par chaque DCPM que nous allons mettre en œuvre pour qu’il y ait plus de concordance dans la communication. La communication est une science qui utilise des techniques et des outils. Mais, comment arriver à faire cette jonction? Le SIG est logé au sein du ministère de la communication mais, techniquement, il dépend du Porte-parole du gouvernement. Il y a un problème d’encrage, parce qu’il peut arriver un jour où le Porte-parole n’est pas le ministre de la Communication. Nous allons continuer à renforcer l’encrage des DCMP avec le SIG. L’audit nous a aussi demandé de créer une direction qui va s’occuper des sondages d’opinion pour connaitre en temps réel la perception des citoyens sur certaines questions. Cela facilitera la prise de décision.

A quel stade se trouve le passage des médias publics à société d’Etat ?
C’est la loi qui prévoit que les entreprises publiques de presse deviennent des sociétés d’Etat afin de leur donner la capacité pour faire face à l’évolution du marché. Vous savez, nous avons décidé du changement du décor de la télévision nationale depuis 2016. Mais, ce n’est qu’en 2018 que nous avons pu le concrétiser, parce qu’on nous a demandé de passer un marché public, alors que le décor de la télévision est particulier. Il fait appel à la technique. Il faut tenir compte de la profondeur du studio, du rendu de la lumière. Un décorateur pris sur la place du marché ne se préoccupe pas de cela. Il ne connait pas ce qu’on appelle le grand angle. Nous avons donc négocié avec le ministère des Finances qui a adhéré au projet.
Le passage à la société d’Etat permettra aux médias publics d’avoir des facilités dans la gestion et de faire face à la concurrence à la fois nationale et internationale. Les travailleurs ont aussi pensé à la revalorisation de leurs rémunérations, au même titre que les travailleurs des autres sociétés d’Etat. Nous sommes en train de travailler sur tous ces aspects. Nous sommes dans un espace médiatique ouvert. Si la TNB ne propose pas de programmes qui sont accrocheurs, les téléspectateurs suivront les chaines privées. Le passage à la société d’Etat va aussi améliorer le management des médias publics.

Des sociétés d’Etat dans un environnement médiatique très concurrentiel seraient-elle a priori  viables?
Elles peuvent être viables si l’on se donne les garanties pour y aller. Une garantie en termes d’accompagnement de la mutation technologique et un accompagnement au niveau du management. L’Etat doit consentir un énorme sacrifice financier en 2019 et en 2020 en termes de milliards de FCFA pour accompagner la RTB et Sidwaya dans leurs mutations. Nous travaillons dans un comité où les travailleurs, à travers leurs syndicats, sont associés et suivent l’évolution du dossier pour savoir ce à quoi on va aboutir. Le chantier est délicat, mais il est nécessaire, parce qu’à moins de changer la loi, nous n’avons pas d’autres solutions. Pour les délais du passage à société d’Etat, je ne peux pas me prononcer. La loi prévoyait une année alors que, matériellement, ce n’est pas possible, puisqu’il faut des études. Nous avons été victimes des procédures de passation des marchés publics. Cela a contribué à rallonger les délais.

Interview réalisée par Elie KABORE et Abdoulaye TAO

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