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Dix ans après le grand crash La compétition fiscale menace toujours l’économie et la démocratie – Par : Wayne Swan.

Il y a dix ans, le 15 septembre 2008, la banque d’investissement américaine Lehman Brothers déposait son bilan suite à l’effondrement de son portefeuille de prêts immobiliers. Cette faillite a provoqué la pire crise du système financier mondial depuis la Grande Dépression, privant des centaines de milliers de personnes de leurs emplois et de leurs logements. Conséquence inévitable de décennies de réglementation financière laxiste, l’effondrement pèse autant que si on rayait l’économie allemande de la carte. Une action politique rapide et coordonnée, sous l’impulsion du G20 – le groupe des 20 premières économies de la planète – a toutefois permis d’éviter le déclenchement d’une récession mondiale plus profonde et plus prolongée. Depuis 2008, les partisans de la régulation ont gagné du terrain, en luttant contre de puissants groupes d’intérêts. Ils ont mis en avant les cicatrices profondes qu’avait laissées le crash de 2008 en termes de production et d’emploi, tentant ainsi de reconstruire une architecture financière mondiale plus robuste. Il est urgent de mettre fin à cette compétition, comme nous le pensons

Il y a pile 10 ans, Lehman Brothers fut incapable d’honorer ses engagements: faillite immédiate ! LB est devenue le symbole de la plus grande crise financière de tous les temps. Quelques semaines plus tard, le président américain élu, Obama, et le président de la FED, Bernanke,  parviennent à convaincre le président en titre, Bush, qu’il faut sauver les banques. Ce qu’ils firent, contre la conviction américaine qu’il faut laisser le capitalisme tuer les mauvaises entreprises. En fait, cette règle est une mystification. Dix ans plus tard, les causes de la faillite du système sont à nouveau là. C’est le «meilleur ministre des Finances du monde» qui le dit. (Ph. AFP)

au sein de la Commission indépendante pour la réforme de la taxation internationale des entreprises (ICRICT), un groupe de personnalités issues de gouvernements, de milieux académiques et de la société civile. L’impôt n’est pas seulement le prix que nous payons pour une société civilisée, et la contrepartie demandée au secteur privé pour des infrastructures publiques et une main-d’œuvre de qualité. C’est aussi une soupape de sécurité essentielle permettant aux gouvernements démocratiques de faire face aux pouvoirs non élus que sont les multinationales, dont certaines pèsent désormais plus lourd que certaines économies du G20. La course au nivellement par le bas de l’impôt sur les sociétés prive les gouvernements non seulement de revenus, mais aussi de l’un des outils politiques les plus puissants pour réduire les inégalités. L’économiste Gabriel Zucman – également membre de l’ICRICT – et ses collègues ont récemment montré que 40% des profits des multinationales, soit 600 milliards de Dollars, sont transférés chaque année dans des paradis fiscaux (voir L’Economiste du Faso et L’Economiste). L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et le G20 se sont emparés du dossier de la réforme du système fiscal mondial avec le «projet Beps» (Erosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices). C’est un pas important dans la bonne direction. Il pousse notamment à la déclaration dans chaque pays des bénéfices et des impôts payés par les multinationales, ainsi qu’à un échange d’informations entre les pays. C’est néanmoins loin d’être suffisant. Pour l’ICRICT, la solution la plus équitable et la plus efficace consiste à taxer les multinationales en tant qu’entreprises uniques effectuant des transactions dans le monde entier, et non pas une myriade de filiales artificiellement indépendantes les unes des autres. Les bénéfices globaux et les impôts associés pourraient alors être répartis en fonction de facteurs tels que les ventes, l’emploi et les ressources utilisées par l’entreprise dans chaque pays, plutôt que de l’endroit où se trouvent leurs sièges sociaux et où ils revendiquent leur propriété intellectuelle. Seules des réponses au niveau mondial peuvent protéger les économies et les démocraties. Quand une société permet aux multimillionnaires et aux multinationales de détenir 10% du PIB mondial dans des paradis fiscaux, elle alimente les réactions populistes ; véritable terreau de l’autoritarisme. En tentant d’attirer les multinationales avec des impôts de plus en plus bas, les gouvernements fuient leurs responsabilités démocratiques et se précipitent tête baissée dans la prochaine crise mondiale.

L’Economiste Edition N° 5351
du 17/09/2018


Une bataille, ce n’est pas la guerre!

Le G20 n’a gagné qu’une partie (voir ci-contre). Parallèlement, les pays se sont lancés dans une compétition pour baisser l’impôt sur les sociétés, afin d’attirer les multinationales. Cette course au moins-disant menace aujourd’hui d’avoir des conséquences aussi redoutables que celles de la crise financière.
La tendance mondiale est toujours très inquiétante :
– Aux Etats-Unis, Donald Trump a réduit les taux d’intérêt sur les sociétés de 35 à 21%, entraînant des rachats d’actions record et des primes aux chefs d’entreprises, au détriment de la croissance des salaires pour le reste de la main-d’œuvre.
– Le Canada, qui a réduit les taux d’imposition des sociétés à un rythme similaire entre 2000 et 2011, subit de nouvelles pressions pour les faire baisser davantage.
– Le Royaume-Uni est sur le point d’abaisser d’un point son impôt sur les sociétés, pourtant déjà le plus faible du G7, le groupe des sept pays les plus industrialisés.
– L’Union européenne abrite d’ailleurs une poignée de pays qui mériteraient la qualification de paradis fiscaux tels que l’Irlande, les Pays-Bas et le Luxembourg.

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