Nairobi a abrité, du 27 au 31 août 2018, la 5e académie internationale sur la justice fiscale. Organisée par Tax Justice Network Africa (TJNA), l’académie avait pour thème «Construire la prochaine génération de champions de la justice fiscale». Amine Bouzaïene, chercheur tunisien en matière fiscale, qui a participé à ladite formation, définit ce qu’il entend par l’équité et la justice fiscales. Il estime que la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) est l’impôt le plus injuste.
L’Economiste du Faso : Que revête la notion de justice fiscale ?
Amine Bouzaïene, chercheur tunisien en matière fiscale: La justice fiscale ou l’équité fiscale suppose que tous les citoyens paient les impôts en fonction de leurs moyens économiques. Plus le citoyen est riche, plus les taux d’imposition de ce citoyen doivent s’accroitre.
De ce fait, les ménages les plus riches doivent payer plus d’impôts que les ménages les plus pauvres. La justice fiscale ou l’équité fiscale est une condition nécessaire à l’adhésion des contribuables au système de contribution, et l’adhésion volontaire au système d’imposition. La Tunisie a inscrit ce principe dans sa Constitution depuis 1857, parce que si l’impôt est rejeté, le système ou la politique fiscale peut échouer. L’équité et la justice fiscales sont donc un préalable à la réussite de toute politique fiscale.
Pourquoi, selon vous, la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) est l’impôt le plus injuste?
La TVA est l’impôt le plus injuste, parce qu’elle est une technique fiscale qui se situe à l’opposé de la justice fiscale. En matière d’impôts, on impose soit le revenu ou la détention du capital, soit la consommation. La TVA est appliquée à la consommation. Mais, la TVA est un impôt incolore et indolore. Le contribuable, lorsqu’il la paie, ne s’en rend pas nécessairement compte. C’est un taux unique et invariable généralement entre 18 et 20% ; et est imposée à tous les contribuables, indépendamment de leurs moyens économiques et de leur faculté contributive. Appliquée aux revenus des ménages, cette imposition ne répond pas au principe de l’équité et de justice fiscales. Ainsi, elle devait être imposée de manière progressive en fonction du niveau de revenus du ménage. En plus, elle est plus supportée par les ménages pauvres que par les ménages riches. Les ménages pauvres consacrent tous leurs revenus à la consommation de produits de première nécessité qui sont frappés par la TVA. Par contre, les ménages riches consomment ces mêmes produits avec une partie de leurs revenus, et l’autre partie des revenus n’est pas taxée. Avant l’instauration de la TVA, la charge des impôts sur la consommation était partagée par les ménages et les entreprises. Avec la TVA, on a transféré la charge fiscale des entreprises aux ménages, parce que la TVA est uniquement supportée par le dernier consommateur qui est le ménage. Sur toute la chaine de production, la TVA est répercutée d’un maillon à un autre, sans qu’aucun maillon ne la supporte. Elle est décalée jusqu’au dernier maillon de la chaine qui est le consommateur. Les entreprises ne paient plus la TVA. Elles jouent un rôle de collecteur de la TVA. Toute politique fiscale qui dépend de la TVA est donc une politique injuste.
Interview réalisée par Elie KABORE
Tout à fait, je partage cet avis avec ce chercheur que moi meme j’ai eu le privilège d’interviewer à Nairobi