Une délégation du groupement professionnel des industriels a été reçue par le Premier ministre Paul Kaba Thiéba. Une entrevue dictée par l’urgence d’une situation de crise que vivent les sociétés industrielles. Des milliards de FCFA de stocks invendus gisent dans les entrepôts. La machine est en train de s’enrouiller, parce que l’Etat serait défaillant. En cause : une prime à la fraude et la non-application effective des textes en matière d’importations des huiles alimentaires. L’industrie burkinabè est en train d’en payer un lourd tribut, particulièrement le secteur des huileries. La première conséquence, et la plus visible, est le stock d’invendus. D’après le mémorandum remis aux autorités, le secteur cumule 10 mille tonnes d’huiles, tous conditionnements confondus, pour une valeur estimée à plus de 10 milliards de FCFA. La SN-CITEC détiendrait près de la moitié de ce stock d’invendus, et l’autre moitié est repartie entre les membres des Groupements de transformateurs des produits oléagineux (GTPOB) et d’autres unités de la place. Au dire du chef de file des huiliers, ces «stocks représentent huit (8) mois de besoins de consommation du Burkina Faso». Ainsi, les capacités de stockages des entreprises concernées ont atteint leurs limites. Et la question se pose de savoir comment préparer la prochaine campagne dans de telles conditions. Sans écoulement rapide de ces stocks, les usines risquent de se mettre en arrêt de production ; avec inévitablement la mise en chômage technique d’une partie du personnel dans un premier temps. Si rien n’est fait, ce sera la mort programmée des unités de production qui auront du mal à faire face aux pertes qui s’accumulent, se lamentent les acteurs. Cette situation de mévente et ses conséquences ne vont pas manquer d’impacter la campagne cotonnière. En effet, d’après le document d’état des lieux transmis au Premier ministre, les huileries pèsent pour 25 milliards de FCFA dans l’achat de la graine de coton ; leur matière première pour la transformation. Ce sont des industries de soutien à la production cotonnière qui fournissent, outre les huiles alimentaires, du savon et des aliments pour bétail. Les caisses de l’Etat, également, sont victimes de la crise dans le secteur des huileries. Les gros producteurs sont connus et fichés par les services des impôts comme collecteurs de la TVA. D’après les professionnels du secteur, « il ressort de nos constats que la part de la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) collectée au profit du trésor public à la vente des huiles de nos unités industrielles est en chute libre de l’ordre de 60% depuis un an ». Quant à l’importation, les huiliers du Burkina l’estiment à plus de 52 mille tonnes. Le hic, c’est que les acteurs de cette chaine ne paient ni impôts ni taxes (il s’agit de la TVA et du BIC qui devraient ressortir sur certaines factures de mise sur le marché des importateurs). La facture normalisée n’y est pas appliquée non plus, selon une de nos sources. Le manque à gagner pour les caisses de l’Etat s’élèverait de ce fait à plus de 20 milliards de FCFA. Présent dans le secteur industriel depuis plus de trente, ce cadre d’une société de la place est formel: «La cote d’alerte est dépassée, on est jamais tombé aussi bas! Le secteur est en asphyxie». Et pourtant, selon lui, les causes sont connues: «C’est la fraude et une mauvaise application des textes censés réguler le marché qui exposent l’industrie burkinabè à la concurrence déloyale des produits importés». Les principaux acteurs, cette fois-ci, ont décidé de se faire entendre et d’exiger des mesures de soutiens plus fermes. Avec le retour du gouvernement de Chine, l’on s’attend à des rencontres houleuses.
FW
Quand un contribuable interpelle la DGI
La scène parait surréaliste, mais elle est réelle. Un des gros producteurs d’huiles du pays, dans la tourmente des invendus et voyant son stock grossir, a pris sur lui d’adresser un courrier à la Direction générale des impôts (DGI) aux fins d’attirer son attention sur le fait que le volume de ses déclarations de TVA était en chute de moitié, et a expliqué dans cette lettre les circonstances de cette baisse, pour attirer l’attention de l’autorité sur les prix anormalement bas des huiles importées ; du fait, justement, de ventes hors TVA. Cette société annonçait à l’occasion une baisse de près de 50% de ses déclarations de TVA.