Certaines mesures prises par le Burkina ces temps-ci vont dans le sens de la lutte contre les prix de transferts. Au plan légal et réglementaire, le ministère de l’Economie, des Finances et du Développement (MINEFID) a pris un arrêté (N°2018-211/MINEFID/SG/DGI), le 26 avril 2018, fixant les modalités d’application de l’obligation documentaire en matière de prix de transferts. Cet arrêté est une application de l’article 99 du Code général des impôts. Il indique la documentation permettant de justifier la politique de prix de transferts. Cette documentation comprend des informations générales sur le groupe d’entreprises associées, comprenant la description générale de l’activité déployée, incluant les changements intervenus au cours de l’exercice ; la description générale des fonctions exercées et les risques assumés par les entreprises associées ; une liste des principaux actifs incorporels détenus, notamment les brevets, marques, noms commerciaux et savoir-faire en relation avec l’entreprise et une description générale de la politique de transferts du groupe. Le deuxième lot d’informations à fournir concerne l’entreprise elle-même. Les informations concernent la description générale de l’activité déployée, incluant les changements intervenus au cours de l’exercice ; la description des opérations réalisées avec d’autres entreprises associées, incluant la nature et le montant des flux, y compris les redevances ; une liste des accords de répartition de coûts, ainsi qu’une copie des rescrits ou accords conclus et affectant les résultats de l’entreprise ; une présentation de la ou des méthodes de détermination des prix de transferts dans le respect du principe de la pleine concurrence et comportant une analyse des fonctions exercées, des actifs utilisés et des risques assumés, ainsi qu’une explication concernant la sélection et l’application de la ou des méthodes retenues. Lorsque la méthode choisie le requiert, il doit y figurer une analyse des éléments de comparaison considérés comme pertinents par l’entreprise. Enfin, un troisième lot d’informations est exigé lorsque les transactions de toute nature sont réalisées avec une ou plusieurs entreprises associées et établies dans un Etat non-coopératif. Dans ce cas-ci, la documentation doit également comprendre, pour chaque entreprise bénéficiaire de transferts, l’ensemble des documents qui sont exigés des sociétés passibles d’impôts sur les sociétés, y compris le bilan et le compte de résultats. La seconde mesure prise est le renforcement des capacités des agents des impôts. En fin mai 2018, une formation du Forum des administrations fiscales ouest-africaines (FAFOA) sur les prix de transferts a concerné une dizaine de cadres de la direction générale des impôts. En mi-juin 2018, en collaboration avec l’Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE), la direction générale des impôts a encore organisé une formation sur la fiscalité internationale et l’échange de renseignements entre les administrations fiscales.
Le secteur minier et les multinationales concernés
Adama Badolo, directeur général des impôts, s’est exprimé sur les prix de transferts, en marge de la formation initiée par le FAFOA en fin mai 2018. Pour lui, c’est une problématique internationale liée à l’érosion des bases d’imposition et les transferts indirects de bénéfices. Les prix de transferts sont pratiqués par les grands groupes et les entreprises liées. Autrement dit, si vous avez une multinationale qui a une filiale au Burkina, il faut faire attention aux prix que cette multinationale pratique avec sa filiale. En termes simples, si ces entreprises appartiennent à un même groupe, si l’on ne fait pas attention, elles vont pratiquer des surfacturations pour transférer indirectement leurs bénéfices. Finalement, la base imposable de ces sociétés va être réduite. Pour les pays dans lesquels sont basées les filiales, l’impôt sur le bénéfice est ainsi affaibli. Adama Badolo reste convaincu que le Burkina doit également lutter contre la fraude fiscale internationale. Même si elle n’est pas pratiquée par plusieurs entreprises, une petite fraude à l’échelle internationale est très grave. Il informe par la même occasion qu’au Burkina, en plus des multinationales, c’est le secteur minier qui est le plus exposé à ces pratiques. Au niveau international, des estimations ont été faites par l’OCED, et elles indiquent justement que beaucoup d’argent se perdent par ce truchement, a-t-il conclu.
Elie KABORE