Le niveau de corruption a augmenté au cours de l’année 2017 selon le rapport 2017 sur l’état de la corruption, rendu public le 17 juillet 2018 par le Réseau national de lutte anti-corruption (REN-LAC). En effet, sur les 2.000 personnes interrogées, 69% ont indiqué que la corruption est fréquente ou très fréquente au Burkina. Cette étudiante de 24 ans de Bobo-Dioulasso justifie sa réponse : «Cette année, il y a eu beaucoup d’arrestations de présumés corrompus».
«Au cours de 2017, il y a eu beaucoup de scandales de corruption dévoilés par l’ASCE-LC et les médias », selon une autre étudiante de 24 ans de Ouagadougou. La tendance à la hausse de la perception de la corruption en 2017 est également expliquée par le Dr Clause Wetta, secrétaire exécutif du REN-LAC. «Malgré les discours sur la politique de tolérance zéro, les signaux de la gouvernance vertueuse promise par le président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré, tardent à se faire sentir. En témoignent les soupçons et les scandales de corruption qui étreignent les différents services et institutions (présidence du Faso, santé, éducation, infrastructures, CNSS, etc.) et qui ne semblent pas émouvoir les gouvernants». Ce passage dans le rapport vient enfoncer le clou : «Le sort réservé aux dossiers emblématiques tels que Kani’s, Guiro et les nombreuses malversations restées jusque-là impunies contribuent à asseoir dans la conscience populaire que la corruption est en passe d’être érigée en mode de gouvernance». Le rapport s’est intéressé aux expériences de corruption vécues par les enquêtés. 23,9% des enquêtés ont déclaré avoir personnellement offert de l’argent afin de recevoir un service non soumis à paiement en 2017 dans l’administration publique, contre 16,6% en 2016. Parmi les enquêtés ayant offert cet argent illégal, dans 40,8% des cas, il s’agit de l’enquêté lui-même ; dans 51,8% des cas, l’agent public a sollicité la rétribution. Le témoignage de cette prestataire résidant à Fada N’Gourma sur l’imposition d’une surfacturation par un agent de service public dans le cadre d’une commande publique en dit long sur la propension des agents publics à solliciter des rétributions illégales : «Un agent du Haut-Commissariat m’a contactée en vue d’assurer la restauration des participants à une conférence.
Il m’a dit de prévoir la restauration de 100 personnes, mais de mentionner 150 participants sur la facture. J’ai voulu refuser parce que j’en avais marre de ces pratiques, mais pour ne pas perdre le marché, j’ai été obligée d’accepter la proposition. Quand ma facture a été réglée, je lui ai remis la somme d’argent correspondant aux frais de restauration des 50 participants fictifs à la conférence».
C’est aussi le cas de cet usager de la route âgé de 22 ans qui a remis 2.000 FCFA à un policier municipal sur l’Avenue Charles De Gaulle afin d’éviter une contravention 6.000 FCFA. Dans 7,3% des cas, des «intermédiaires» sont intervenus dans la transaction. Pour avoir la conscience tranquille, certains agents se cachent derrière des arguments du genre : «C’est un cadeau de satisfaction de l’usager ; c’est en signe de remerciement. On ne peut pas refuser sans blesser le donateur, etc.», selon le rapport. Le rapport a évalué le coût de la corruption en 2017. Les rétributions monétaires illégales offertes par les enquêtés est de 7.373.765 FCFA dans une fourchette de 500 FCFA à 800.000 FCFA. Les principales raisons qui motivent les usagers des services publics à offrir des rétributions illégales en échange du service sollicité sont liées à l’urgence du besoin. Le niveau de la corruption a augmenté en 2017, alors que certaines actions ont été prises dans le sens de la lutte.
Font partie de ces actions, l’adoption des décrets d’application de la loi sur la commande publique, l’adoption de la loi sur les pôles judiciaires spécialisés dans la répression des infractions économiques dont un à Ouagadougou et l’autre à Bobo-Dioulasso, la publication des rapports des commissions d’enquêtes parlementaires qui vont dans le sens de la lutte anti-corruption, etc. Toutefois, le REN-LAC déplore que certaines mesures prises par le gouvernement soient de nature à compromettre la lutte anti-corruption. Il s’agit de l’adoption du projet de loi portant allègement des procédures de contractualisation du programme de Partenariat public-privé, des tergiversations dans l’opérationnalisation de l’ASCE-LC et dans la mise en œuvre de la loi sur l’accès à l’information.
Police municipale, douane, DGTTM: le trio de tête des services les plus corrompus
Le rapport sur l’état de la corruption établit le classement des services perçus par les enquêtés comme les plus corrompus en 2017. La police municipale se classe au premier rang. Sur 258 contacts avec la police municipale, 240 personnes ont fait l’objet de corruption. La douane a été citée comme le deuxième service le plus corrompu. Sur 60 sollicitations, 38 ont fait l’objet de corruption à ce niveau. La DGTTM est le troisième service corrompu selon les répondants. Sur 118 sollicitations de service, 62 cas ont fait l’objet de corruption. La gendarmerie se classe au 4e rang.
Elie KABORE