En ouvrant son sous-sol aux investisseurs privés au milieu des années 90, le gouvernement burkinabè espérait en tirer un meilleur profit. Cependant, l’analyse faite par L’Economiste du Faso des différentes conventions minières indique que le Burkina Faso s’est fait gruger. L’analyse de L’Economiste du Faso a concerné 3 périodes. La première correspond à celle avant l’adoption du Code minier de 2003. Au cours de cette période, le Burkina Faso a signé 2 conventions minières dont l’une avec High River pour l’exploitation de la mine de Taparko et l’autre avec Cluff Mining pour l’exploitation de la mine de Kalsaka. Ces 2 conventions prévoient chacune une stabilisation du régime fiscal sur la durée de la convention. L’article 24 de la convention avec Taparko indique que toutes dispositions législatives et réglementaires existantes ou à venir, contraires aux dispositions de la présente convention, sont inapplicables. Cluff Mining a bénéficié de cette faveur dans l’article 13 de sa convention minière. Mais, le Burkina Faso s’est fait avoir. Les 2 conventions prévoient que toutes dispositions favorables après l’entrée en vigueur des conventions seront étendues à ces 2 sociétés minières. High River et Cluff Mining vont ainsi profiter de ces types de dispositions. Dans la convention avec High River, la part de l’Etat dans le capital était de 20%. Depuis l’adoption des Codes miniers de 1997 et de 2003, High River a revu la part de l’Etat à la baisse pour l’établir à 10% comme le prévoient ces Codes. C’est dire que le Burkina a perdu la moitié des dividendes à percevoir de cette société à cause de cette disposition. Quant à Cluff Mining, elle a ramené le taux de l’impôt sur le bénéfice de 35%, comme il est écrit dans la convention, à 17,5%, pour se conformer aux dispositions du Code minier de 2003. Ces données sont vérifiables dans les différents rapports de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives. Pendant que ces 2 sociétés profitaient de ces conditions favorables, elles refusaient d’appliquer les dispositions du décret de 2010 qui fixent les royalties entre 3 et 5% en fonction du prix de l’or sur le marché international. En rappel, de nombreuses sociétés minières avaient mené leurs études de faisabilité alors que le cours de l’or variait entre 800 et 900 Dollars l’once. Mais, depuis la fin de l’année 2009 et le début de l’année 2010, on a assisté à une remonté du cours de l’or. Le gouvernement a alors adopté un décret pour fixer le taux de prélèvement des royalties à 3,4 et 5% en fonction du prix de l’or afin de mieux profiter de cette remontée. Le rapport de la commission d’enquête parlementaire sur «La fraude fiscale, l’impunité fiscale, les restes à recouvrer et les chèques impayés», rendu public le 16 octobre 2015 sous la Transition, avait révélé que Taparko devait près de 1,7 milliard de FCFA au Trésor public suite au non-paiement des royalties à 4 et 5%. Une information démentie par la direction de la société, en son temps, évoquant la clause de stabilité qui fixe les royalties à un taux de 3%.
Adoption de la convention-type
La deuxième période concernée par l’analyse correspond à celle entre l’adoption du Code minier de 2003 et celui de 2015. Elle est marquée par l’adoption d’une convention minière type. C’est dire que toutes les conventions minières des sociétés devaient être identiques. Cette convention-type prévoit une stabilité du régime fiscal et douanier. La grande différence est que la stabilité ne concerne pas «les droits, taxes et redevances minières». Sur la base de cette exception, en 2010, le gouvernement a adopté un nouveau décret qui a permis de revoir à la hausse le montant des taxes et redevances minières, en remplacement de celui de 2005. Ce décret a été appliqué à ces sociétés sans difficulté. C’est pour cela que l’argument de la stabilité fiscale avancé par les sociétés minières pour ne pas participer à hauteur de 1% du chiffre d’affaires à l’alimentation du Fonds minier de développement local créé par le Code minier de 2015 passe mal. Le Fonds minier de développement local et la contribution financière sur l’eau ne sauraient être considérés comme des éléments de fiscalité. Selon nos estimations, le manque à gagner suite à la non-perception des ressources de ce fonds auprès des sociétés minières serait de 27,852 milliards de FCFA. C’est peu dire que le gouvernement du Burkina Faso a perdu des milliards de FCFA en raison d’un régime d’imposition et douanier trop généreux consenti aux sociétés minières. Un manque à gagner qui aurait pu servir à améliorer les conditions de vie des communautés touchées par l’implantation des sociétés minières. Pouvait-il en être autrement lorsqu’on sait que certaines conventions ont été rédigées par les investisseurs eux-mêmes, le Burkina Faso s’étant contenté de les cosigner ?
Joël BOUDA
Le Code de 2015 limite la durée de la stabilité
La troisième période concernée par l’analyse est celle après l’adoption du Code minier de 2015. Une des innovations de ce Code est la limitation de la stabilisation du régime fiscal à la durée de vie de la mine telle que mentionnée dans l’étude de faisabilité, sans dépasser 20 ans. Le Code minier garantie la stabilisation du régime fiscal et douanier aux titulaires de permis d’exploitation. Cette nouvelle convention minière type exclue également «les droits, taxes et redevances minières » de la garantie de stabilité.