C’est dans la fleur de l’âge que Saïdou Sondo a perdu la vue suite à une maladie appelée glaucome. Il parcourt alors le Burkina et même d’autres pays de la sous-région à la recherche d’un traitement. Hélas, c’était déjà trop tard pour lui! Mais, même s’il ne recouvrira plus jamais la vue, cela ne l’empêche pas d’apprendre plusieurs métiers dans le domaine de l’agriculture, l’élevage, l’engrais, etc.
A 53 ans, il évolue dans la fabrication de savon où il fait des merveilles, selon son entourage. Il y a 34 ans, la vie pour lui était un long fleuve tranquille. Après la classe de 6e, il a laissé tomber l’école pour se lancer dans le commerce, une activité qui le fait voyager en Afrique. L’on peut alors penser que tout allait bien dans le meilleur des mondes possibles. Pas de nuage à l’horizon, à part peut-être ces maux de tête dont il souffrait sans en connaitre la cause.
En effet, il n’y avait aucun autre signe qui pouvait lui faire comprendre la nécessité de voir un ophtalmologue. Mieux, il était convaincu que la douleur finirait un jour par s’estomper. Bien sûr, c’est ce qui est arrivé. Malheureusement, ce n’était de la manière que lui espérait. La pression s’en est allée, emportant avec elle sa capacité de voir. C’est à ce moment-là seulement que Saïdou Sondo, alors âgé de 19 ans, s’est mis à parcourir les centres de santé à la recherche d’un traitement.
«Quand j’ai quitté Yako pour aller à Nouna, la température de mes yeux était de 33 degrés. Les spécialistes m’ont expliqué qu’ils ne pouvaient plus rien faire pour moi. Sur leur conseil, je me suis rendu à Ouagadougou, précisément à la mission catholique et à la Tripano. Là aussi, c’était la même rengaine», se remémore-t-il, debout, le regard perdu dans le vide. Selon ce que nous avons compris, notre interlocuteur a même fait un séjour au Ghana où il n’a pas non plus eu gain de cause. C’était déjà trop tard.
Après avoir perdu la vue, il a appris près de 48 métiers
De retour dans la capitale burkinabè, le jeune homme qu’il était à l’époque ne se laisse pas aller au découragement. Bien au contraire, il décide de s’inscrire à l’ABPAM (Association burkinabè pour la promotion des aveugles et des malvoyants) pour une formation de deux ans. A partir de là, plus rien ne pouvait encore l’arrêter. A peine majeur, il va enchaîner les formations. Saponification, élevage, agriculture, recherches sur la production de l’engrais, fabrication de pommade… bref; ce sont au total 48 métiers qu’il dit avoir appris dans des pays comme le Togo, le Ghana, le Mali et le Sénégal. Il est aussi le promoteur de l’Atelier savonnerie Sondo Saïdou (ASASA).
Petit à petit, le jeune Sondo s’adapte à sa nouvelle condition. Même s’il arrive à reprendre sa vie en main, il ne pouvait pas s’arrêter là, car grandes étaient ses ambitions. Son vœu le plus cher c’était de partager son expérience avec des personnes qui vivent dans des conditions pareilles aux siennes. Ce rêve, il le réalisera grâce au FAFPA (Fonds d’appui à la formation professionnelle et à l’apprentissage). «En écoutant un jour la radio, j’ai entendu parler de cette institution. J’ai alors décidé d’aller vers eux et de leur montrer mon savoir-faire. C’est alors que j’ai été pris comme formateur à leur niveau», nous a-t-il expliqué, en nous fixant de ses yeux rouges. Pour Blaise Oscar Ilboudo, directeur général du FAFPA, les compétences de M. Sondo ne sont plus à démontrer.
«Nous l’accompagnons depuis 2007, mais c’est en 2010 qu’il a commencé en tant que consultant. C’est une personne assez particulière. Malgré son handicap, il a pu acquérir un domicile, une voiture, il paie la scolarité de ses quatre enfants (dont l’âge est compris entre 4 et 14), il vit dignement», cite-t-il, entre autres. Mieux, il n’hésitera pas à ajouter que ce monsieur est pour eux un repère qui leur permet de dire aux personnes vivant avec un handicap de ne pas considérer leur situation comme une fatalité.
Z.S.
«Nous sommes tous des handicapés potentiels»
De 2008 à aujourd’hui, le promoteur d’ASASA a formé au total 422 personnes. A Arbolé, nous avons pu le voir à l’œuvre. C’était lors du lancement de la formation de 25 personnes vivant avec un handicap, membres de l’Association Songuitaaba des personnes handicapées(ASPH) de ladite localité. A cette occasion, le cinquantenaire, avec l’aide de son entourage qui a réuni les éléments nécessaires à ses côtés, a fait une démonstration en fabriquant, en à peine dix minutes, une bassine à moitié pleine de savon liquide. Il profitera de ce moment pour lancer un message invitant tous ceux qui vivent dans son cas à ne pas céder au découragement. A son avis, ça peut arriver à n’importe qui. «On peut être valide aujourd’hui, et demain se retrouver avec un handicap. Ça change la vie. Il faut s’adapter à la situation et apprendre à compter sur les autres», nous-a-t-il confié avant de conclure de la plus belle des manières : «Normalement, on regarde avec les yeux. Mais, quand on perd la vue, il faut apprendre à regarder avec le cœur».