Une nouvelle bataille entre les syndicats et le gouvernement se profile à l’horizon. Exit les revendications pécuniaires et autres conditions de travail. Le conflit va porter sur le terrain juridique des restrictions aux libertés syndicales. S’appuyant sur l’avis du Conseil d’Etat, le gouvernement a pris les dispositions pour interdire les sit-in ; cette forme de manifestations qui faisait florès et face à laquelle il n’avait ni moyen de faire assurer la continuité du service publique ni d’émettre des réquisitions.
A la lumière des grèves de la semaine écoulée, on peut dire que le gouvernement à limiter les dégâts. Et à l’occasion de cette première manche qui devait être une jauge de la réponse que le gouvernement entendait donner à l’avis juridique du Conseil d’Etat, l’avantage revient provisoirement au gouvernement. Mais, les syndicats organisent déjà dans la riposte. Une dizaine de syndicats a publié le 24 mai 2018 une déclaration dans laquelle ils remettent en cause l’avis juridique du Conseil d’Etat en s’appuyant sur un avis technique d’un organe du Bureau international du travail (BIT) ; avis requis en 2014 par le ministre de la Fonction publique d’alors (Voir encadré). La question aujourd’hui est de savoir, entre les deux, lequel prévaut. Ce que l’on pourrait attendre des syndicats, c’est qu’ils attaquent la légalité des actes posés par le gouvernement à l’occasion de leurs dernières grèves devant les juridictions nationales compétentes afin que la justice tranche définitivement le différend.
Le gouvernement, en demandant l’avis du Conseil d’Etat sur la légalité du sit in, voulait protéger ses arrières dans sa stratégie de «containment» des mouvements sociaux à répétition. Il s’attendait certainement à une levée de boucliers de la part des syndicats ; et elle ne va pas tarder.
En attendant, le gouvernement surfe sur cet avis pour mettre de l’ordre dans les mouvements de grève en cours. D’abord, pour les sit-in, l’avis a eu un premier résultat dissuasif. Il s’agit du report d’au moins quatre sit-in. Il s’agit de ceux projetés au ministère des Affaires étrangères et de la Coopération; au ministère du Commerce, de l’Industrie et de l’Artisanat ; au ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation et au ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat.
Mais, il ne faudra pas crier victoire, parce que ces syndicats pourraient rebeloter avec des préavis de grève. Et c’est sur ce terrain surtout que le gouvernement attend les syndicats, car il entend désormais faire jouer les textes, s’appuyant opportunément sur l’avis juridique du Conseil d‘Etat.
C’est ce qui a été donné de constater à l’occasion de la grève de la coordination des syndicats du ministère de l’Economie et des Finances. L’occupation des abords des régies et du ministère a été empêchée par les forces de l’ordre, histoire de permettre aux non-grévistes et aux usagers d’avoir accès aux locaux et de pouvoir ainsi garantir la continuité du service public.
Même scénario lors de la grève du SYNTSHA au cours de laquelle des renforts sont venus de l’armée pour assurer le service minimum dans certains hôpitaux. Dans cette dynamique d’assurer le service continu, le gouvernement a mis en œuvre des réquisitions. Ce sera le cas pour les prochaines grèves, notamment au ministère des Affaires étrangères et Coopération, du 30 mai au 1er juin, et au ministère des Infrastructures, du 4 au 6 juin.
La stratégie du gouvernement vise à mettre fin aux sit-in et à cantonner les actions des travailleurs au droit du travail, à travers la notion de grève et les textes qui la réglementent.
FW
Extrait de la réponse du BIT au gouvernement :burkinabè en 2014
«La Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations (CEACR) a observé que les mouvements de grève s’accompagnent souvent de la présence, à l’entrée des lieux de travail, de piquets de grève destinés à assurer le succès de l’action en persuadant les travailleurs concernés de ne pas travailler. Selon la Commission d’experts, tant que la grève reste pacifique, les piquets de grève et l’occupation des locaux devraient être permis. Les limitations aux piquets de grève et à l’occupation des locaux ne peuvent être acceptées que si les actions perdent leur caractère pacifique. Il est cependant nécessaire, dans tous les cas, de garantir le respect de la liberté de travail des non-grévistes et le droit de la direction de pénétrer dans les locaux. En conséquence, la Commission d’experts estime que les autorités ne devraient recourir à la force publique en cas de grève que dans des circonstances exceptionnelles et des situations graves où l’ordre public est gravement menacé ; et qu’un tel recours à la force doit être proportionnel à la situation» [Voir étude d’ensemble de la CEACR, Conférence internationale du travail, 101e session, juin 2012].