Pour tous les usagers des Routes nationales (RN), la décision de détruire les ralentisseurs anarchiques traduite par le lancement d’une campagne nationale de destruction, le 8 mai 2018, est un ouf soulagement ; à cause des incidents et autres désagréments dont ils sont à l’origine. Et pour ce qui concerne particulièrement les sociétés de transport routier de personnes ou de marchandises, cette destruction est un impératif attendu depuis longtemps. Pour elles, au-delà des «dos-d’ânes» ou «gendarmes couchés» qualifiés d’anarchiques, c’est toute la vision relative à l’érection des ralentisseurs, y compris ceux réalisés par les autorités en charge de la route, qu’il faudra revoir. Car, disent-elles, les solutions pour la limitation de la vitesse des véhicules et celles visant à réduire les accidents sont plus ailleurs que dans la façon dont on construit aujourd’hui «ces obstacles» sur les RN.
Le nombre de ralentisseurs, connus sous l’appellation locale «gendarmes couchés», est très élevé sur les principales routes du Burkina. C’est un constat partagé à la fois par des usagers de la route en voitures personnelles, les chauffeurs des compagnies de transport de voyageurs desservant les différentes villes, les passagers de ces cars et, surtout, les chauffeurs de camions «poids lourd» transportant des marchandises.
Fin septembre 2017, dans un document publié par la Chambre de commerce et d’industrie du Burkina, un chauffeur de la campagne de transport STAF, sur la route Ouagadougou-Fada NGourma, avait tenu des propos de colère assez édifiants. «Le nombre de gendarmes couchés est trop sur la route. Cela fatigue énormément les chauffeurs et empêche pratiquement de rouler. Il faut permanemment freiner pour monter et descendre», s’était-il écrié au volant de son autobus tout juste après avoir franchi trois ralentisseurs en moins de deux kilomètres dans les environs du village de Tuiré avant Zorgho. Il avait même été menaçant sur le coup. «Il faut qu’on règle ce problème. Un jour, nous, les chauffeurs routiers, nous organiserons un mouvement pour demander la levée de tous ces ralentisseurs. C’est la faute à l’Etat. On ne peut pas laisser les populations s’installer trop près de la voie et ériger des «gendarmes couchés» pour empêcher les véhicules de rouler. Les gens sont venus trouver la route. L’Etat devrait prendre une mesure pour interdire toute installation à moins de 100 m de la route», proposait le chauffeur de STAF.
Le 8 mai dernier, à l’occasion de la campagne nationale de destruction des ralentisseurs anarchiques, le ministre en charge des Transports, Vincent Dabilgou, confirmait la présence excessive des ralentisseurs sur les RN.
Sur les 365 km de la RN1 reliant Ouagadougou à Bobo-Dioulasso, il a indiqué la présence de 141 ralentisseurs. Cela équivaut à une moyenne de 2 ralentisseurs/km. Du côté de la RN6, entre Ouagadougou-Sapouy-Léo-frontière du Ghana, les 160 km comptent jusqu’à 93 ralentisseurs.
Au cours de leur passage sur certaines routes, des citoyens ont également fait leur propre décompte. Sur une portion d’environ 83 km de la RN3, entre Ouagadougou et Kaya, axe qui a d’ailleurs été choisi pour le lancement de la campagne nationale de destruction des ralentisseurs, un usager de la route a dénombré 67 «gendarmes couchés». Il note que parmi ces 67 ralentisseurs, il y en a 21 qui sont réalisés de manière artisanale avec des signalisations approximatives là où on a tenté d’en faire.
Sur l’économie de façon générale, l’impact de ces dos-d’ânes réalisés sur des hauteurs variables, est très négatif, à en croire les estimations faites par des transporteurs burkinabè.
«Les 141 ralentisseurs entre Ouaga et Bobo représentent environ 1h30mn de plus sur le trajet, pour les cars de voyageurs. C’est également 20% d’augmentation sur la consommation de carburant des autobus. Cette augmentation est forcément répercutée sur le prix des marchandises destinées aux consommateurs et sur le prix du billet du voyageur. Ça fait énormément mal à l’économie», indique le patron d’une nouvelle compagnie de transport entre Ouaga et Bobo. Il fait par ailleurs remarquer que les dos-d’ânes entrainent un amortissement accéléré du matériel roulant. Ce qui est vrai également pour les véhicules du parc de l’Etat. C’est donc toute la chaine économique basée sur le transport qui fait les frais des ralentisseurs en subissant ces contrecoups.
Un autre gros souci avec les ralentisseurs, ce sont les ennuis de santé pour les usagers, les personnes âgées, les malades et, surtout, pour les chauffeurs qui se retrouvent régulièrement sur les routes.
«Les gendarmes couchées sont comparables aujourd’hui à l’alcool frelaté qui tue à petit feu ; avec les nids de poule ils engendrent des maux au bas du dos pour les chauffeurs. Nous sommes malades, et on meurt à petit à feu. Quelqu’un qui fait pour la première fois la route Ouaga-Bénin dans un poids lourd sera obligé de passer à l’hôpital pour une perfusion à l’arrivée. Dès qu’on rentre de voyage, on n’a aucune autre envie que de dormir», indiquait fin septembre 2017 Salif Ouédraogo de l’Union des chauffeurs routiers du Burkina (UCRB).
Karim GADIAGA
Sensibiliser les populations et rester ferme
Nombre de ralentisseurs ont été érigés par les autorités en charge de la route, mais beaucoup d’autres le sont à l’initiative des populations riveraines des RN.
«Les villageois se sont installés aux abords des routes nationales et dictent leurs lois aux transporteurs. C’est triste !», regrette un transporteur.
«Certes, les ralentisseurs ont été mis pour la sécurité des populations, mais ce n’est pas la bonne solution. Pour la sécurité des populations, il leur appartient de savoir bien se comporter avec la route. Elles sont installées trop proches des voies et ne comprennent pas le code de la route. Il faut non seulement les écarter et ensuite les sensibiliser au code. Certains accidents arrivent à cause de leur ignorance», estime Salif Ouédraogo de l’Union des chauffeurs routiers du Burkina (UCRB).