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Consommation collaborative : Menace pour le commerce et les services? – Par : Claude Nègre

La dénomination «consommation collaborative» d’un mode de consommation cherche encore son cadre conceptuel, si l’on en juge par la variété de ses attributs relatés dans la presse économique: économies, source de revenus,  quête de lien social, altruisme, aspiration à l’autonomie et l’indépendance,…, et la relative rareté  des publications académiques sur cette question en sciences de gestion.
Felson et Spaeth avaient défini, en 1978, avant la révolution Internet donc la consommation collaborative comme des «événements dans lesquels une ou plusieurs personnes consomment des biens ou des services économiques dans un processus qui consiste à se livrer à des activités communes».

Folle croissance via les plateformes collaboratives
Epiphénomène ou tendance lourde? Fondés sur la digitalisation d’un processus de mise en rapport entre particuliers, offreurs et demandeurs de certains services souvent conçus et développés par des particuliers devenus entrepreneurs, les modèles économiques de partage seraient  aujourd’hui promis à une folle croissance via les plateformes collaboratives.
L’émergence de ces services est  observable notamment dans les secteurs des services (loisirs, hébergement, transport, finance) où quelques acteurs majeurs internationalisés font figure de pionniers, mais également à travers une multitude de sites Internet dévolus à la location d’objets  entre particuliers. Le  postulat sociologique de la suprématie de l’usage sur la propriété «transaction» qui peut être «intermédiée» par le marché sans qu’aucun transfert de propriété «n’ait lieu» (Bardhi F., Eckhardt G.M., 2012) ou le recentrage sur la valeur d’usage et sur «les effets utiles que procurent dans l’usage et l’intégration des produits ou  des services» (Gaglio G., Lauriol J. Du Tertre C., 2011) semble dominant dans la littérature consacrée à la consommation collaborative (Botsman R., Rogers R., 2010) ; et une première catégorisation (la co-utilisation, la co-élaboration, le troc et la cohabitation) a été proposée en 2012 par Novel et Riot.
Dans un article récent, Isabelle Robert et al.(1),  s’appuyant sur une analyse de 27 sites Internet de consommation collaborative, ainsi que sur plusieurs études académiques, situent le phénomène dans l’économie de la fonctionnalité et proposent trois catégories: les services d’usages partagés (Product-Service-Systems: plateformes de location); les marchés de redistribution incluant  le troc, don ou échange ; les styles collaboratifs de vie regroupant les formules de partage de ressources immatérielles (crowdfunding, coworking, couchsurfing, achats groupés directs au producteur…).
Le développement de la consommation collaborative semble s’inscrire dans une volonté d’émancipation du consommateur  face  à la normalisation des espaces marchands et de désintermédiation des transactions. En ce sens, elle questionne l’évolution du comportement du consommateur face  aux organisations réticulaires du commerce et des services en général, et de la franchise en particulier. Dans une étude la plus exhaustive, réalisée par le laboratoire CERGAM de l’Université d’Aix-Marseille, commanditée par la Fédération française de la franchise, et publiée en novembre 2017(2), il est  observé une forte croissance du nombre de plateformes collaboratives ;  elles-mêmes en constante évolution.
Toutefois, de grands secteurs d’activités tels que la vente de fleurs, l’optique-lunetterie ou  la coiffure, parmi lesquels se trouvent de nombreux réseaux de franchise ne comptent pas encore d’offre collaborative. L’étude identifie cependant 260 plateformes collaboratives opérant dans des secteurs traditionnels d’activités de la franchise, tels que l’hébergement, la location de véhicules, la restauration ou l’aide à domicile. Dans les secteurs de l’hébergement et la location de véhicule caractérisés par une concurrence frontale de la franchise et de l’offre collaborative, la recherche  auprès des consommateurs a permis d’établir l’existence de trois catégories de consommateurs: des adeptes du collaboratif, des consommateurs classiques et d’autres, nombreux, qui semblent plus opportunistes et varient dans leurs choix pour l’un ou l’autre des types d’offres, en fonction de facteurs contextuels. Il s’agit principalement  de consommer à moindre coût et de façon plus éthique tout en favorisant les  interactions sociales. Il semble pourtant que la  consommation collaborative  tire son attractivité de la qualité des sites des plateformes.

Dimension financière des défis
Toutefois, cette recherche met en exergue une faille importante de l’offre collaborative ; une réelle insatisfaction du consommateur dans les cas fréquents de manque d’interlocuteur pour la prise en compte de ses  réclamations. On pourra y voir une conséquence directe de la spécificité d’une offre limitée à la mise en contact entre particuliers. De même, le non-respect des prix annoncés sur les sites par nombre de particuliers ; et échappant à toute sanction ; auquel peuvent s’ajouter des surcoûts réclamés par les plateformes, apparaît comme un élément déceptif de l’offre collaborative.
Il est probablement encore trop tôt pour diagnostiquer l’impact de la consommation collaborative sur la franchise dans une approche prospective. Toutefois, la franchise peut  tirer profit de son savoir-faire et de la confiance que le consommateur accorde à l’enseigne, ainsi que des garanties que les réseaux offrent face aux aléas observés dans l’économie collaborative.
On pourra ajouter à l’approche marketing des forces concurrentielles en présence de la dimension financière des défis ainsi posés. A force de bouclages de levées de fonds, des startups devenues pour certaines leaders mondiales de l’économie collaborative, bien que non encore introduites en Bourse,  dans l’hébergement et le transport des particuliers notamment, atteignent des niveaux de valorisation  proches des capitalisations des  plus grands opérateurs traditionnels comme dans l’hôtellerie, par exemple.
La financiarisation croissante observable  des réseaux de franchise  et des opérateurs de l’économie collaborative, à la fois indicateur de confiance et accélérateur du développement de ces formes d’offres commerciales, augure d’une intensification de la concurrence  dont il reste à espérer que le consommateur sorte gagnant.

L’Economiste Edition N° 5199
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(1) in «La consommation collaborative, le versant encore équivoque de l’économie de la fonctionnalité», Robert I., Binninger A.S., Ouarahmoune N., Développement durable et territoires, vol 5, n°1, Février 2014 : Ecologie industrielle, économie de la fonctionnalité.
(2) «Consommation collaborative et désintermédiation, menace ou source d’opportunités pour la franchise?» Bertrand D., Chameroy F., Philippe J., Léo P.Y., Recherche commanditée Cergam, Aix-Marseille Université/FFF, Novembre 2017.

L’Economie collaborative

L’économie collaborative est une économie de pair à pair. Elle repose sur le partage ou l’échange entre particuliers de biens (voiture, logement, parking, perceuse, etc.), de services (covoiturage, bricolage, etc.) ou de connaissances (cours d’informatique, communautés d’apprentissage, etc.), avec échange monétaire (vente, location, prestation de services) ou sans échange monétaire (dons, troc, volontariat), par l’intermédiaire d’une plateforme numérique de mise en relation.
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Définition  de l’économie collaborative donnée par la Direction de l’information  légale et administrative, www.vie-publique

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