Récréer un véritable tissu industriel au Burkina et faire en sorte que ce secteur devienne un vrai pilier du développement du pays. C’est l’ambition affichée à travers l’organisation, les 19 et 20 avril 2018, à Bobo-Dioulasso, du symposium national sur l’industrie au Burkina Faso. Il a permis de réunir tous les acteurs du secteur, avec pour objectif d’impulser «le changement dans la promotion de l’industrialisation». C’est-à-dire de poser les bases de la relance de l’activité industrielle.
L’initiative est de la Chambre de commerce et d’industrie du Burkina Faso (CCI-BF) qui l’avait, en effet, inscrit dans son plan de mandature 2016-2020.
Le constat actuel sur l’industrie nationale est grave. Il relève notamment «la lente descente aux enfers du secteur». De nombreuses difficultés, rappelées lors du symposium, entravent l’essor de l’industrie et constituent de réelles préoccupations pour les professionnels du secteur. Tous les acteurs reconnaissent aujourd’hui l’urgence de changer de fusil d’épaule pour arriver à juguler la situation. Le symposium doit, en effet, marquer le départ d’une forte mobilisation pour le développement d’une industrie endogène autour des avantages concurrentiels du Burkina.
Partant des éléments du diagnostic et des préoccupations typiques à l’industrie burkinabè, les acteurs du secteur ont formulé plusieurs types de recommandations pour la sortir de l’ornière.
Ces recommandations concernent en premier lieu les orientations de la politique industrielle. Il en ressort la nécessité d’élaborer «une définition et une grille de caractérisation consensuelle de l’industrie, pour bien prendre en compte toutes les dimensions de l’activité». Après cela, il faut «un plan stratégique simple et réaliste de mise en œuvre de la politique, avec des priorités clairement définies», ainsi que «l’identification des filières prioritaires de cette politique d’industrialisation». L’ultime étape après ce travail sera la réalisation d’une étude diagnostique des chaines de valeur afin de disposer de fiches synthétiques par filière pour orienter les politiques de développement.
La prise en compte de domaines variés, comme la culture, l’implication des tous les ministères, l’ouverture à toutes les régions du pays, l’alliance stratégique avec des investisseurs étrangers, est jugée nécessaire pour avoir une politique pertinente.
Pour ce qui concerne le financement de cette industrialisation, il est recommandé la mise en place de mécanismes innovants et un fonds de soutien à l’industrialisation, à la restructuration et à la mise à niveau des entreprises en difficultés.
Sur la question de l’énergie, autre grosse préoccupation pour l’industrie locale, c’est toute une politique de production et de gestion de l’énergie qui doit être instaurée pour assurer l’autonomisation des unités.
A propos de la fraude et de la concurrence déloyale, qui enfoncent les industries, il faut tout simplement être efficace dans la lutte en redoublant d’ardeur.
Le symposium du mois d’avril a aussi relevé un réel besoin en termes d’infrastructures, notamment de parcelles accessibles dans des zones industrielles dignes de ce nom. Il y a, en outre, le besoin de renforcement des capacités des techniciens et d’une main-d’œuvre qualifiée, formés dans les écoles consacrées à ce secteur. Côté formalités administratives, ce secteur doit bénéficier d’une réduction des coûts et des délais d’obtention des différentes autorisations. Il faut également des mesures incitatives fiscales et douanières, et un Code des investissements franchement plus attractif.
Au-delà de ces actions qu’on peut qualifier d’actions de terrain, il a été admis que la réussite de l’industrialisation du Burkina aura besoin du coup de pouce décisif du sentiment patriotique.
«Le développement du marché national passe par la promotion du consommer local, la promotion de la qualité et du label Burkina», note le symposium.
En clair, cela passe d’abord par un «encouragement à la transformation et à la consommation des produits locaux par des mesures incitatives et communicationnelles». Après, il faut savoir organiser régulièrement des cadres de promotion de cette production auprès du public. Un véritable salon de l’industrie burkinabè doit notamment être initié.
Concernant le modèle de création des industries, il faut «négocier avec les multinationales et les inciter à s’établir au Burkina», «renforcer la diplomatie commerciale du Burkina Faso et les missions commerciales à l’étranger».
Le bon choix stratégique pour le Burkina serait de développer le marché intérieur, dans un premier temps, et s’attaquer aux autres marchés avec le soutien des pouvoirs publics, dans un second temps. Selon les experts au symposium, les politiques et hauts fonctionnaires devraient être des VRP pour l’industrie et plus généralement pour le «made in Burkina Faso».
Karim GADIAGA
Une industrie véritablement en perte de vitesse
La stratégie industrielle du Burkina, fondée au lendemain des indépendances, était basée sur la substitution aux importations, avec pour finalité de mettre fin aux déséquilibres macroéconomiques de l’époque. Mais, au cours des années 1990, avec l’adoption des PAS, l’investissement public qui avait servi de levier à l’industrialisation sera progressivement abandonné au profit d’une approche basée sur l’exportation de produits comme le coton, le haricot vert, la mangue, le sésame, le karité…
Malgré initiatives pour relancer l’industrie, le secteur est resté embryonnaire, confronté à de grands défis d’ordre structurel et conjoncturel, dont les plus importants sont la qualité des infrastructures, l’insuffisance du capital humain, l’étroitesse du marché intérieur soumis à une rude concurrence et à la fraude qui, au fil des ans, ont pris de plus en plus de place, et les choix politiques et stratégiques.
De 1991 à 2012, la part de la valeur ajoutée de l’industrie dans le PIB du Burkina a chuté de 21, 2% à 16,1%.