C’est presqu’à la surprise générale que les Burkinabè ont appris le 17 avril dernier que l’Etat a cédé 10% de ses parts à Maroc Telecom, actionnaire majoritaire d’ONATEL SA. Déjà propriétaire de 51%, le géant marocain des télécoms conforte sa position dans l’actionnariat de l’opérateur burkinabè avec désormais 61% des parts. L’opération a rapporté à l’Etat la somme de 27 milliards de F CFA contre la cession de 3.400.000 actions. L’Etat affaiblit sa position et ne contrôle désormais que 16% d’ONATEL SA.
D’après les informations recueillies par L’Economiste du Faso sur le marché financier, la régularité de l’opération ne souffre pas de discussions. Elle a été conduite par les deux meilleures SGI de la place, selon le procédé acheté/vendu. Il s’agit d’un côté de la SBIF mandatée par l’Etat burkinabè et de l’autre Coris Bourse commis par Maroc Telecom.
Si l’opération a été bien conduite, il reste cependant qu’un certain nombre de questions taraudent l’opinion.
Il y avait-il urgence à céder les parts de l’Etat maintenant, alors que la société n’a pas encore payé les dividendes de l’exercice 2017?
Pourquoi n’avoir pas procédé autrement pour permettre aux acteurs locaux d’acheter des parts et d’avoir une certaine influence dans cette entreprise stratégique ? Tout serait parti du mois de décembre. Le gouvernement prend la décision de céder ses parts dans le premier opérateur de téléphonie du pays. Habituellement, quand un actionnaire vend ses actions, soit il veut faire une plus-value, soit il est dans le besoin. Le gouvernement semble loger dans la deuxième hypothèse. Le projet de la caisse de dépôts et de consignations est à sa phase finale. Devant les députés, lors de son discours sur la situation nationale, le Premier ministre a annoncé que l’opérationnalisation de la caisse est attendue pour la fin du premier semestre de 2018. Il a également annoncé que l’Etat allait l’abonder d’un montant de 20 milliards FCFA dans un premier temps. Dans les coulisses, c’est ce besoin urgent en fonds propres qui a motivé cette opération de cession des actifs de l’Etat.
Ainsi, le gouvernement, après le lancement de la Banque de l’agriculture du Burkina Faso en mars dernier, s’apprête à mettre en selle la CDC; un outil de financement du développement; cher au Premier ministre Paul Kaba Thiéba pour qui «il s’agit, prioritairement, de développer et de compléter l’architecture actuelle du système financier national».
Pourquoi n’avoir pas attendu le paiement des dividendes ?
Nécessité faisant loi, tout laisse croire que l’offre de vente du gouvernement à Maroc Telecom visait à mobiliser rapidement des ressources. Surtout que cela conforte la position de ce dernier. C’est ici que des griefs apparaissent contre le gouvernement. On lui reproche d’avoir donné l’opportunité à Maroc Telecom d’avoir une majorité écrasante dans l’actionnariat de l’opérateur historique. Les informations dont nous disposons font croire que le paiement devait être effectif ces jours-ci. Le deuxième grief formulé contre l’Etat est relatif au timing de l’opération financière. Celle-ci a lieu avant la publication officielle du bilan annuel et l’assemblée générale des actionnaires. L’Etat aurait pu engranger quelques millions supplémentaires en termes de dividendes, apprend-on, s’il avait attendu cette échéance. A moins qu’il ait eu une clause lors des négociations à ce propos.
FW
A propos des actions
Si, dans cette opération, chacun des acteurs peut se frotter les mains, quid des travailleurs? Dans notre édition N°249 du 23 avril dernier, en page 15, le journal rappelait ceci: «Il s’agit de la deuxième OPV de l’Etat burkinabè sur les actions ONATEL BF. La première a eu lieu en décembre 2008. A cette époque, l’Etat avait cédé 20% d’actions au public et 6% au personnel».
A ce niveau, il nous revient que les travailleurs n’ont pas encore vu la couleur des 6%. Le syndicat de l’ONATEL, en son temps, avait obtenu de l’Etat que leur soit réservée cette part. Dans les faits, aucun document n’aurait matérialisé cette action qui a été publiquement annoncée. Des initiatives avaient été prises pour qu’effectivement les travailleurs puissent libérer leurs parts, mais elles sont toutes restées en chemin. Les 16% détenus désormais par l’Etat comprendraient les 6% réservés aux travailleurs.